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Le réseau HertsCam joue actuellement un rôle de catalyseur dans le projet « Cercles d’apprentissage pilotés par les enseignant·e·s pour l’évaluation formative » déployé par l’Internationale de l’Éducation et financé par la Fondation Jacobs. Au sein du réseau HertsCam nous nous engageons à créer un « leadership non positionnel des enseignantes et des enseignants » où chacun et chacune peut être autonomisé·e et habilité·e à assurer le développement de sa propre pratique, au sein de son école.

Lorsque nous avons initié la planification, nous souhaitions que les résultats du projet Cercles d’apprentissage permettent un échange de bonnes pratiques en lien avec l’évaluation formative entre tous les pays participants (Brésil, Côte d’Ivoire, Ghana, Malaisie, Corée du Sud, Suisse et Uruguay). À cette fin, il nous fallait autonomiser les personnels enseignants participant et leur permettre de devenir des agents du changement. Nous souhaitions les amener à travailler avec leurs collègues en vue de développer des nouvelles pratiques, surmonter les obstacles et intégrer les innovations dans le travail quotidien de leurs écoles. Il leur serait ensuite possible d’apporter leurs témoignages concernant ces pratiques prometteuses, tout en montrant comment elles peuvent fonctionner dans différents contextes.

La formation au service de l’autonomisation

L’idée était la suivante : les groupes d’enseignantes et d’enseignants seraient animés par des pair·e·s expérimenté·e·s dans leurs propres pays en appliquant la méthodologie « Travail de développement piloté par les enseignant·e·s ». Les personnes facilitant ces groupes disposent d’une boîte à outils conçue par HertsCam et sont initié·e·s à leur rôle par des personnes expérimentées du réseau HertsCam. Ces personnes, « animateurs et animatrices de liaison », sont des enseignantes et des enseignants ayant animé efficacement des groupes d’enseignantes et d’enseignants au Royaume-Uni et qui, auparavant, ont également initié et soutenu des animateurs et animatrices dans un grand nombre d’autres pays. Ce processus a récemment été détaillé dans un ouvrage en langue russe intitulé « Leadership des enseignant·e·s au Kazakhstan » (Qanay et al. 2003).

« Le secret d’un véritable changement consiste à mobiliser les capacités humaines des enseignantes et des enseignants, en leur permettant de renouer avec leur objectif moral en matière d’éducation et en leur fournissant comme structure, un processus à travers lequel développer leurs propres voies d’avenir. »

J’ai publié un article sur mon propre blog à propos de la pédagogie de l’autonomisation ( pedagogy for empowerment en anglais), faisant écho aux idées de Paulo Freire. Ce modèle d’autonomisation se base sur le concept de l’animation ( facilitation en anglais). Il s’agit d’une alternative radicale aux formes les plus communes de soutien aux personnels enseignants et de développement professionnel des pratiques. Les déclarations politiques et les rapports comportent souvent des recommandations visant à offrir des formations aux personnels enseignants, comme si cela ne posait aucun problème. Chez HertsCam, les enseignantes et les enseignants parlent de leur insatisfaction face à des programmes censés contribuer à leur apprentissage et à leur développement professionnel mais qui, en réalité, les déresponsabilisent et ne sont pas basés sur une compréhension du contexte réel des écoles. Comme je l’ai expliqué dans une publication précédente, le concept de « formation » repose sur l’hypothèse d’une lacune chez l’enseignante ou l’enseignant à laquelle peuvent remédier des formateurs ou formatrices. Cela suppose donc que ces derniers possèdent une expérience et une connaissance plus grandes pouvant en quelque sorte être transmises aux personnels enseignants. Les appellations « développement professionnel » et « apprentissage professionnel » peuvent sembler plus respectueuses que « formation », mais le problème est que, même si la terminologie change de temps à autre, les pratiques ont tendance à être conditionnées par les mêmes anciennes valeurs et croyances. Cela revient à considérer les enseignantes et les enseignants comme de simples récepteurs. Il est certain que les personnels enseignants auront toujours besoin d’étendre leur répertoire en matière d’enseignement, de mieux comprendre les aspects pédagogiques et d’améliorer leur pratique en classe, mais les approches verticales peuvent se révéler contre-productives.

Le secret d’un véritable changement consiste à mobiliser les capacités humaines des enseignantes et des enseignants, en leur permettant de renouer avec leur objectif moral en matière d’éducation et en leur fournissant comme structure, un processus à travers lequel développer leurs propres voies d’avenir. Les animateurs et animatrices ne sont pas là pour instruire les personnels enseignants ou leur expliquer comment penser ou enseigner. Et, ils ou elles ne leur confient aucune tâche qui les amèneraient à se sentir dévalorisé·e·s en raison de leur manque de connaissances. Il ne s’agit pas d’ébranler la confiance des enseignantes et des enseignants mais, au contraire, de leur offrir des espaces sûrs leur permettant de nouer des amitiés et d’engager des réflexions critiques, afin de leur permettre de clarifier leurs propres valeurs et d’identifier leurs priorités personnelles pour le changement. Lors des Cercles d’apprentissage, les animateurs et les animatrices utilisent des outils dans le cadre d’activités d’atelier permettant à chaque membre du groupe de faire valoir son identité et son expérience dans les discussions. Grâce à ce type de processus, l’enseignante ou l’enseignant peut définir ses objectifs de développement et planifier un processus de changement, en collaboration avec les collègues de son école en vue de réexaminer les pratiques existantes et d’en intégrer de nouvelles dans sa classe.

Un dialogue mondial sur la pédagogie

Les collègues des Cercles d’apprentissage en Côte d’Ivoire ont presque terminé ce processus et nous attendons avec impatience de connaître les innovations apportées dans les pratiques enseignantes. Les collègues de Suisse et du Brésil auront terminé dans les prochaines semaines, tandis que d’autres en sont encore aux premières étapes. D’après les premières indications, les enseignantes et les enseignants saisissent cette opportunité de devenir des agents du changement, semblant apprécier cette possibilité de se soutenir mutuellement dans la réflexion sur leur propre pratique et leur propre situation par rapport à leurs valeurs professionnelles. Les participantes et participants ont été en mesure d’identifier leurs propres priorités dans le cadre plus large de l’évaluation formative et ont pu planifier leurs processus de développement en fonction de leur situation spécifique.

Une des enseignantes de Côte d’Ivoire a contribué à la récente conférence annuelle de HertsCam en envoyant une courte vidéo d’elle-même où, en français, elle parle de son projet, accompagnée d’une courte vignette écrite. J’étais heureux de voir que d’autres enseignantes et enseignants qui participaient à la conférence, venu·e·s du Royaume-Uni, mais aussi d’autres pays comme l’Égypte, le Kazakhstan, la Malaisie, l’Irlande du Nord, la Moldavie et la Roumanie, ont pu en apprendre davantage sur la réussite du projet.

Ce n’est que le début d’un échange mondial organisé par l’Internationale de l’Éducation à propos des pratiques d’évaluation formative et du leadership non positionnel des enseignantes et des enseignants. Nous espérons que les personnels enseignants du monde entier pourront découvrir des mesures pratiques qui peuvent être prises pour développer l'évaluation formative dans leurs écoles. Nous espérons également qu'ils seront inspirés par les réalisations de celles et ceux qui ont participé aux Cercles d'apprentissage et que cela les incitera à devenir à leur tour des agents du changement.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.