A l’occasion de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (ou COP26) l’an dernier à Glasgow, l’Internationale de l’Éducation dévoilait la Recherche de l’Internationale de l’Éducation sur l’ambition en matière d’éducation au changement climatique à l’heure du bilan. Le Rapport de recherche présentait mon analyse de 95 Contributions déterminées au niveau national (CDN) mises à jour, révisées ou nouvelles, et révélait l’attention qu’elles portent à l’éducation au changement climatique en tant que stratégie. Le Rapport faisait alors état d’une ambition déplorablement faible en matière d’éducation au changement climatique. Aujourd’hui, alors que le nombre de CDN mises à jour, révisées ou nouvelles s’élève à 133 (soit environ 70 % des Parties ayant ratifié l’Accord de Paris), ce qui en novembre 2021 constituait une préoccupation, s’est désormais converti en un ensemble de résultats effarants.
Résultat #1 : Les pays n’accordent pas suffisamment d’attention à l’éducation au changement climatique
Seules 40 CDN sur 133 (soit moins d’un tiers) mentionnent l’éducation au changement climatique. Aucune CDN n’appelle à rendre l’éducation au changement climatique obligatoire, en tant que stratégie en faveur de la réalisation des objectifs nationaux d’atténuation et d’adaptation en la matière. Ces résultats sont préoccupants au regard du rôle fondamental de l’éducation dans le développement des connaissances, compétences, attitudes et comportements nécessaires pour atteindre les objectifs d’atténuation et d’adaptation, de tout pays quel qu’il soit.
Cependant, le fait qu’un plus grand nombre de CDN (104) fasse référence à l’éducation et que, comparé à la première vague de CDN, davantage de CDN (99) mentionnent les enfants et les jeunes, constitue un signe encourageant. Pour autant, ces références sont souvent énoncées en termes généraux et tendent plutôt à positionner les jeunes en tant que groupe vulnérable qu’en agents du changement.
Résultats #2 : Les pays ne considèrent pas un renforcement des systèmes éducatifs
Les pays ne craignent pas de faire appel à la coopération internationale et aux financements mondiaux pour soutenir la mise en œuvre d’actions nationales en matière de climat. Toutefois, seulement 9 CDN le font dans un contexte visant à soutenir des possibilités d’apprentissage et de formation en faveur du développement de capacités techniques et adaptatives conséquentes, au sein du gouvernement et de la société civile. De plus, seules 2 CDN (au Cambodge et en Birmanie) précisent qu’un tel soutien financier doit être axé sur le système éducatif. Là encore, cette tendance est alarmante au vu de la crise de l’apprentissage que la pandémie de COVID-19 a exacerbé.
De fait, les pays négligent à grands frais une partie prenante majeure en matière de climat : les enseignant·e·s et les éducateur·rice·s. La récente enquête de l’Internationale de l’Éducation et de l’UNESCO auprès de 58 000 enseignant·e·s dans le monde, atteste d’un immense intérêt pour l’éducation au changement climatique, mais d’un niveau inquiétant de freins structurels et systémiques pour l’accomplir. Ainsi, tandis que 95 % des enseignant·e·s considèrent le changement climatique comme une matière importante à enseigner, moins de 40 % se sentent suffisamment en confiance pour s’y employer. Il est regrettable que seulement 12 DNC pointent vers les besoins en formation des enseignant·e·s et qu’une seule DNC (celle de la République dominicaine) appelle à fournir des opportunités de développement professionnel qui répondent aux besoins des enseignant·e·s.
Résultat #3 : Les pays continuent d’ignorer les contributions qu’un investissement dans l’éducation des filles pourrait apporter à leur stratégie climatique
Seulement 30 DNC font mention des filles en dépit de recherches et de plaidoyer au niveau mondial sur le rôle de l’égalité entre les sexes dans l’éducation pour bâtir une résilience et une capacite d’adaptation vis-à-vis du climat, et aider les nations à réaliser leurs objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Sept de ces DNC mentionnent les filles au regard de leur éducation mais deux seulement en parlent dans le contexte des discussions sur l’éducation au changement climatique (le Bénin, le Cambodge, le Tchad, les Comores, la Tunisie*, le Royaume Uni, et le Venezuela*). En outre, sur les 30 pays identifiés par l’Indice sur l’éducation des filles et les défis climatiques du Fonds Malala comme potentiellement capables d’influer sur l’éducation des filles, seuls 5 mentionnent les filles (le Bénin, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Togo). L’enjeu est considérable si les DNC continuent d’ignorer les besoins des filles, car elles comptent parmi les membres les plus vulnérables de la société dans bon nombre de pays sensibles face au climat.
Résultat #4 : Les pays les plus responsables au regard de la crise climatique n’évoquent pas l’éducation au changement climatique
En fait, les pays pauvres, les pays les moins responsables en termes d’émissions enregistrées à ce jour, les nations qui comptent les émissions en dioxyde de carbone les plus faibles et celles qui sont les plus vulnérables face à l’impact du changement climatique sont davantage susceptibles que leurs homologues de mentionner l’éducation au changement climatique en tant que stratégie dans leur NDC. Cela concerne des pays tels que Antigua et Barbuda, Nauru, la République des Iles Marshall, et Vanuatu dont l’existence même est menacée par la montée du niveau de la mer et par l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des tempêtes et cyclones. En outre, les pays qui enregistrent une plus forte population jeune ou dans lesquels les enfants sont davantage exposés aux risques climatiques, notamment des pays tels que le Tchad, la République démocratique du Congo, et le Soudan du Sud, sont plus enclins à mentionner l’éducation au changement climatique.
Tandis que des représentant·e·s de pays et de la société civile s’apprêtent à se rassembler à Bonn en Allemagne en juin prochain, dans le cadre des réunions de l’Organe subsidiaire de mise en œuvre (SBI 56), les défenseur·seuse·s doivent appeler à considérer le secteur de l’éducation comme déterminant en matière de climat. Les acteurs de l’éducation doivent commencer à agir en tant que parties prenantes pour le climat. Et il faut intégrer des initiatives éducatives en tant qu’actions pour le climat.
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La recherche de l’IE « L’ambition en matière d’éducation au changement climatique à l’heure du bilan : l’IE fait le point » est accessible ici.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.