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Credits: Olivier Dubois / Flickr
Credits: Olivier Dubois / Flickr

#EI25: "Et si les absents avaient parfois….raison?", par Daniel B. Lafrenière.

Publié 6 septembre 2018 Mis à jour 6 septembre 2018
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En français, un vieil adage nous dit que « les absents ont toujours tort ». Et s’ils avaient finalement raison justement, dans certaines circonstances? C’est ce qui semble être le cas dans le domaine de l’éducation lorsque parmi une multitude de réformes qui se succèdent et de vagues de privatisation déferlantes, tant le personnel enseignant que celui d’encadrement et de soutien semble être évacué des lieux de décisions et de consultations.

Nous pouvons remarquer que certaines dérives importantes auraient pu facilement être évitées. L’internationale de l’éducation et ses affiliés ont constamment réclamé des investissements massifs en éducation au cours des dernières années afin que l’éducation devienne une priorité nationale dans les Etats en visant que les objectifs du millénaire soient atteints.

Au Québec (Canada) l’implantation de nouveau cours d’éducation sexuelle, de finances personnelles ou même de législations permettant maintenant aux parents d’effectuer des travaux de construction dans les établissements scolaires se sont insérés sans aucune forme de consultation. Une gifle au personnel de l’éducation qui se voit nier son expertise.

Que dire de  l’injection de 5 millions de dollars par le gouvernement québécois pour embaucher trois célébrités afin de proposer aux milieux «l’école du futur». Quel affront après avoir retranché du budget de l’éducation plus d’un milliard de dollars au système d’éducation au cours des 5 dernières années que de demander à un chef cuisinier, un architecte et un cycliste de venir conseiller le gouvernement sur ce qui manque dans les écoles, sans inclure le personnel dans cette réflexion.

Cette constante, nous la remarquons dans presque l’ensemble des pays et territoires et ce, de plus en plus, malheureusement. La voix de celles et ceux qui au jour le jour sont au cœur de l’expertise éducative et pédagogique sur le terrain est trop souvent évacuée ou au mieux, relayée au rang d’un passage obligé grâce aux obligations que les syndicats réussissent à encadrer dans les conventions collectives.

Et quand la pression est trop forte, certains dirigeants peuvent aller jusqu’en Cour suprême pour que des lois ou des jurisprudences viennent bâillonner les organisations syndicales. Nous n’avons ici qu’à penser au dénouement de l’affaire Janus aux États-Unis récemment.

L'affaire Janus n'est pas un accident. Il a été financé par de puissants intérêts économiques qui savent que lorsque les travailleurs/euses ont la liberté de parler d’une seule voix forte par l'intermédiaire des syndicats, des progrès sont réalisés qui profitent à tou(te)s. le secrétaire-général de l’IE, David Edwards a d’ailleurs pris la parole pour dénoncer vigoureusement ces attaques au mouvement syndical. « Nous sommes solidaires avec nos frères et sœurs syndicalisés aux États-Unis qui font face aux intérêts des entreprises qui souhaitent les faire taire. Nous savons que vous resterez forts et continuerez à faire entendre votre voix collective », a déclaré le Secrétaire général de l'IE, David Edwards.

« L'affaire Janus ne concerne pas seulement les États-Unis. Partout dans le monde, les syndicats utilisent notre voix collective pour plaider en faveur de politiques qui profitent à tous les travailleurs. Cela inclut les professionnels de l'éducation qui luttent collectivement pour une éducation publique de qualité ouverte à tous », a-t-il ajouté.

« C'est plus qu'une affaire judiciaire, c'est des PDG et des milliardaires qui ont dépensé leur argent et leur influence pour essayer de détruire le pouvoir collectif des syndicats. Ils veulent faire baisser les salaires, ignorer l'enseignement public et faire taire les voix démocratiques. Ils nous trouveront toujours sur leur chemin. »

Pourtant, la voix des personnels de l’éducation, portée par leurs organisations syndicales et l’IE demeure celle qui mériterait un statut incontournable avant chaque réforme.

Encore pour cela, il faudrait que l’éducation devienne une réelle priorité pour ces décideurs qui visiblement, investissent trop peu en éducation tout en flairant l’opportunité de se désengager de leur responsabilité étatique à cet égard. Le cas de Pearson en est un particulièrement flagrant, dénoncé par l’IE entre autres par une campagne de lettres auprès des grands financiers derrière ces établissements, dont notamment la Banque mondiale.

Il en résulte des générations entières qui seront sacrifiées sur l’autel de la loi du marché et de l’absence des ingrédients essentiels à la réussite éducative. En confiant à des apprentis sorciers la lourde responsabilité de l’éducation, insidieusement, ces gouvernements ne peuvent se targuer de faire avancer leur peuple. Au contraire, ils le préparent à un avenir jalonné d’inégalités et de pauvreté.

Il en résulte un ensemble de décisions et d’orientations qui privent l’accès à des milliers de jeunes et de moins jeunes à des systèmes éducatifs de qualité que le personnel de l’éducation tente de maintenir à bout de bras en y payant le prix fort : Maladies professionnelles, épuisement, désillusion etc.

Il est temps que les États  reconnaissent l’expertise des personnels de l’éducation, que la voix des organisations les représentant, comme l’Internationale de l’éducation, soit entendue afin que ceux qui chaque jour font la différence auprès de tant de jeunes et de moins jeunes soient consultés et prennent part aux décisions.

Pour cela, nous devons être outillés, échanger et être aussi plus stratégiques dans notre approche que ceux qui impunément font de l’éducation une marchandise plutôt qu’un bien commun.

En ce sens, l’IE, en partenariat avec l’OCDE, organise notamment le Sommet de la profession enseignante, a obtenu un siège dans le cadre du Partenariat mondial pour l’éducation, a mis en place plusieurs groupes de travail, notamment pour le personnel de soutien en éducation et en petite enfance et fait valoir les droits des femmes, des personnes LGBTQ2+ et prône des environnements éducatifs sécuritaires et exempts de violence.

Les campagnes comme «Uni(e)s pour une éducation de qualité» permettent aussi de faire entendre la voix du personnel de l’éducation, le leitmotiv de l’IE.

L’IE est une mine d’expertise alimentée par ses chercheuses et chercheurs, ses partenariats et ses affiliés partout dans le monde. Mais que ce soit au niveau local, national ou international, la voix du personnel de l’éducation doit être entendue, considérée et ses solutions entendues et valorisées.

Si elle ne l’est pas, les gouvernements devraient considérer que ceux qui ont raison, ce sont peut-être justement les absents?

Le 26 janvier 1993, l’Internationale de l’Education naît de la fusion de la Fédération Internationale des syndicats libres (IFFTU) et de la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (WCOTP). A l’occasion de son 25e anniversaire, une série spéciale de blogues #IE25, sera publiée tout au long de l’année. Elle mettra en avant les voix et réflexions de syndicalistes, militant(e)s de l’éducation, organisations partenaires et ami(e)s, revenant sur les combats et accomplissements passés dont l’organisation a tiré force et inspiration en vue de s’attaquer aux défis présents et futurs auxquels sont confrontées l’éducation et la profession enseignante. Si vous souhaitez contribuer à cette série de blogues, veuillez écrire à sonia.grigt@ei-ie.org.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.