Le 5e Congrès mondial de l'Internationale de l'Éducation (IE), réuni à Berlin, en Allemagne, du 22 au 26 juillet 2007,
1. constate que cette année marque le 10e anniversaire de la Recommandation UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l'enseignement supérieur, laquelle stipule que :
a. l'exercice des libertés académiques doit être garanti aux enseignants de l'enseignement supérieur et aux personnels de recherche, ce qui englobe la liberté d'enseignement et de discussion en dehors de toute contrainte doctrinale, la liberté d'effectuer des recherches et d'en diffuser et publier les résultats, le droit d'exprimer librement leur opinion sur l'établissement ou le système au sein duquel ils travaillent, le droit de ne pas être soumis à la censure institutionnelle et celui de participer librement aux activités d'organisations professionnelles ou d'organisations académiques représentatives ;
b. le droit à l'éducation, à l'enseignement et à la recherche ne peut s'exercer pleinement que dans le respect des libertés académiques et de l'autonomie des établissements ;
c. le régime de la permanence, ou le cas échéant son équivalent fonctionnel, constitue l'un des principaux instruments de préservation des libertés académiques ;
d. le personnel enseignant de l'enseignement supérieur et les personnels de recherche devrait jouir du droit à la liberté syndicale et à la négociation collective conformément aux normes et instruments fixés par l'Organisation internationale du travail ;
f. les conditions de travail du personnel enseignant de l'enseignement supérieur et des personnels de recherche devraient être de nature à favoriser au maximum l'efficacité de l'enseignement, de l'étude et de la recherche.
2. rappelle la Déclaration universelle des droits de l'Homme qui affirme que « toute personne a droit à l'éducation » et que « l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite » et la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement (1960) qui appelle à « rendre accessible à tous, en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, l'enseignement supérieur ».
3. réaffirme les principes des politiques en matière d'Enseignement supérieur et de Recherche, établis lors des Congrès mondiaux de Harare (1995), de Washington (1998), de Jomtien (2001), et de Porto Allegre (2004).
4. affirme que l'enseignement supérieur et la recherche constituent un bien public essentiel au développement social, culturel et économique des communautés, des nations et des régions et que, par conséquent, il incombe aux États de garantir un financement adéquat des institutions d'enseignement supérieur et de recherche.
5. Considère que les missions principales la recherché publique comprennent le progrès des connaissances et la satisfaction des besoins sociaux et environnementaux. La responsabilité de l'élaboration de la politique de recherche devrait incomber à des instances élues démocratiquement, comprenant une majorité de représentants des personnels et non à des groupes militaro-industriels ou à des multinationales privées.
6. reconnaît les défis auxquels sont confrontés les enseignants de l'enseignement supérieur et les personnels de recherche dans le monde en ce qui concerne :
a. la censure institutionnelle et politique ainsi que les restrictions pesant sur l'étude ;
b. l'affaiblissement, voire l'absence, des libertés syndicales et du droit à la négociation collective ;
c. le déclin continu des conditions de travail qui résulte d'une autonomie professionnelle réduite, d'une différenciation entre l'enseignement et la recherche et d'un recours de plus en plus fréquent au travail précaire ou à durée déterminée, incluant l'érosion du régime de la permanence ou de son équivalent fonctionnel. La promotion du travail flexible par les gouvernements nationaux et les gestionnaires institutionnels est la raison majeure de l'augmentation de la précarité avec les conséquences néfastes qui résultent pour les enseignants et chercheurs en début de carrière.
7. considère que la mission publique de l'enseignement supérieur et de la recherche, tant au niveau national qu'international, subit les pressions de nombreuses forces, parmi lesquelles :
a. l'insuffisance du financement public afin que les établissements d'enseignement supérieur et de recherche puissent accomplir leur mission d'intérêt public, ainsi que la réorganisation et la restructuration des systèmes publics d'enseignement supérieur selon les règles du marché qui mettent l' accent plus particulièrement sur une stratification de plus en plus importante et différenciée des financements publics alloués à l'enseignement et à la recherche;
b. l'augmentation des frais de scolarité dans de nombreux pays qui limitent les possibilités d'accès à l'enseignement supérieur ;
c. la restriction des libertés académiques et des positions publiques des intellectuels découlant des politiques nationales relatives au financement et à la transparence financière ainsi que les lois et politiques anti négociation collective ;
d. le nombre croissant des attaques contre les libertés académiques et civiles au nom de la soi-disant « guerre au terrorisme » qui restreint le débat libre et ouvert nécessaire pour défier les extrémismes et terrorismes de toutes sortes ;
e. le développement de classements internationaux des institutions et de tests standardisés des étudiants de l'enseignement supérieur qui déforme la mission de l'enseignement supérieur et de la recherche en encourageant une concurrence, déterminée par le marché, entre les pays et les institutions;
f. L'utilisation de modèles de gestion normalisés inspirés des méthodes de gestion des entreprises basées sur le court terme et des indicateurs de performance bruts;
g. Le remplacement des pratiques d'évaluation de la recherche par les pairs par des systèmes gouvernementaux de gestion administrative sur le modèle de l'entreprise;
h. les tentatives d'inclure l'enseignement supérieur et les services de recherche au sein d'accords commerciaux juridiquement contraignants tels que l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), ou dans des accords régionaux et multilatéraux ;
i. la continuelle « fuite des cerveaux » des enseignants de l'enseignement supérieur et des personnels de recherche des pays émergents et en voie de développement vers les pays développés et la probabilité que ce déséquilibre se renforce en raison du vieillissement de la main-d'oeuvre dans les pays industrialisés;
j. La normalisation et ou l'harmonisation des processus d'accréditation, de certification et d'assurance qualité; et
k. des tentatives des gouvernements nationaux de contrôler de manière plus directe les processus démocratiques de prise de décisions internes des universités et des établissements d'enseignement supérieur avec des conséquences négatives sur l'autonomie institutionnelle et la participation directe du personnel des universités et des facultés à la prise de décisions.
8. se réjouit du travail qui a été réalisé par l'IE sur l'enseignement supérieur et la recherche depuis le Congrès mondial de Porto Alegre (2004), notamment le lobbying et le dialogue entrepris avec les représentants de l'UNESCO, l'OCDE, l'OIT et l'OMC, ainsi que l'organisation de la 5e Conférence de l'IE sur l'enseignement supérieur et la recherche à Melbourne (2005) et la poursuite de la campagne de l'IE pour exclure l'éducation et la recherche de l'AGCS.
9. Encourage les affiliés, avec le soutien de l'IE lorsque cela s'avère nécessaire, à:
a. Promouvoir les libertés académiques ;
b. Soutenir l'utilisation croissante des recrutements à titre permanent ou leurs equivalents fonctionnels et la réduction de l'utilisation des contrats précaires à durée déterminée;
c. Suivre les effets les lois "anti-terroristes " ;
d. s'opposer à la marchandisation de l'enseignement supérieur et de la recherche et continuer à faire campagne afin d'exclure l'éducation des accords commerciaux ;
e. faciliter les échanges et la mobilité du personnel enseignant de l'enseignement supérieur et des personnels de recherche par le biais d'initiatives de coopération, telles que les accords d'affiliations réciproques ;
f. soutenir l'augmentation de l'investissement public en faveur de l'enseignement supérieur par le biais de systèmes fiscaux équitables, s'opposer à l'augmentation des frais de scolarité et soutenir une assistance financière basée sur les besoins ; et
g. établir et renforcer la collaboration avec les organisations d'étudiants aux niveaux nationaux et institutionnels , chaque fois que cela s'avère possible.
10. décide que l'IE et ses organisations affiliées devraient travailler à :
a. approfondir ces questions dans le cadre plus large "(Éducateurs - réunis pour l'éducation de qualité et la justice sociale), notant que les politiques de l'IE en matière d'Enseignement supérieur et de Recherche tissent des liens entre les intérêts spécifiques des universités et des établissements d'enseignement supérieur et leur contribution plus large relative à l'enseignement primaire et secondaire ;
b. promouvoir l'enseignement supérieur et la recherche en tant que bien public et service public ;
c. renforcer leur capacité à faire campagne contre l'inclusion des services d'éducation et de recherche dans les accords commerciaux ;
d. promouvoir la coopération dans l'enseignement supérieur et la recherche en établissant des liens et en renforçant les capacités des affiliés du secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche tout particulièrement dans les pays en transition et en développement;
e. explorer les différents aspects de la mobilité des étudiants et des personnels et les obstacles nationaux et institutionnels qui limitent cette mobilité et développer, dans le cadre de la vision d'ensemble de l'IE, une politique positive sur la mobilité qui mette en valeur la qualité de l'expérience pour les étudiants et les personnels, en tant qu'élément stratégique de cette vision ;
f. les questions et les problèmes associés aux classements nationaux et internationaux des universités et des établissements d'enseignement supérieur, en tenant compte du fait que de tels classements servent souvent de base à la création de marchés nationaux et internationaux de l'enseignement supérieur et sont rarement neutres ou objectifs ;
g. une évaluation des implications de tout instrument de type "Programme for International Student Assessment (PISA)" (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) pour les universités et établissements d'enseignement supérieur, tenant compte de ce que de tels instruments ne sont pas adaptés au caractère sélectif inhérent aux institutions de l'enseignement supérieur. Là où ces instruments sont utilisés ils devraient tenir compte des différentes bases de financements et des bases socio-économiques de chaque établissement d'enseignement supérieur ;
h. développer une réponse de l'IE à la pénurie et au vieillissement des personnels académiques dans de nombreux pays, à la « fuite des cerveaux » dans les pays émergents et en développement , qui soit en lien avec l'objectif de l'OIT d'une « mondialisation juste » incluant la possibilité d'offrir des emplois attractifs dans les pays d'origine ;
11. donne mandat au Bureau exécutif pour:
a. organiser en 2009 une Conférence sur l'enseignement supérieur et la recherche de préférence en Amérique latine ;
b. réaliser des études, en s'appuyant sur l'expertise de recherche des affiliés du secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche, publier des nouvelles et autres publications sur les questions liées au commerce afin de promouvoir les politiques clès de l'IE en matière d'enseignement supérieur et de recherche parmi les affiliés de l'IE et en direction des gouvernements nationaux ;
c. Plaider auprès des organisations internationales telles que l'UNESCO, l'OIT, la Banque mondiale , le Fonds monétaire international et l'OECD afin de promouvoir et protéger les intérêts et les droits des personnels enseignants de l''enseignement supérieur et des personnels de recherche ;
d. Faire campagne pour une mise en oeuvre totale de la Recommandation de 1997 de l'UNESCO sur la condition des personnels enseignants de l'enseignement supérieur ;
e. Poursuivre le recrutement d'un consultant du secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche pour assister l'IE notamment dans le cadre de la campagne sur l'AGCS et les autres questions liées au commerce; et
f. Redoubler d'efforts afin d'encourager les affiliés à s'impliquer davantage dans les activités et afin d'attirer de nouveaux membres dans les régions Afrique, Amérique latine et Asie Pacifique, ce qui nécessitera un engagement actif des bureaux régionaux de l'IE.