"L'éducation [est] la voie principale, au service d’un développement humain plus harmonieux, plus authentique, afin de faire reculer la pauvreté, l'exclusion, les incompréhensions, les oppressions, les guerres." Jacques Delors, 1996
Le deuxième congrès mondial de l’Internationale de l'Education réuni à Washington D.C. (Etats-Unis) du 25 au 29 juillet 1998:
Considère :
1. Que les droits de l'enfant sont une responsabilité collective et que l'éducation publique est au cœur de toute politique démocratique publique;
2. Que beaucoup de gouvernements du monde entier se sont désengagés de la prestation universelle de l’éducation publique gratuite bien qu’ils soient signataires de la Déclaration universelle des droits de l’homme et/ou de la Convention relative aux droits de l’enfant.
3. Que l’éducation est un droit, qui devrait être garanti par l’Etat dans le cadre d’un service public et ne pas être soumis aux lois du marché.
4. Que l’éducation publique contribue à la diminution des inégalités et favorise la cohésion sociale de même que le progrès national.
5. Qu'une politique économique néo-libérale qui impose la privatisation ou la semi-privatisation de l’éducation et réduit les investissements financiers de l’Etat dans l’éducation publique marginalise les enfants et les adultes vivant dans la pauvreté et réduit la qualité de l’éducation publique.
6. Que l’éducation incombe à l’État, qui a le devoir de définir les buts et objectifs des systèmes d’éducation et d'en assurer le financement intégral.
7. Que l’Internationale de l'Education et toutes ses organisations affiliées doivent accorder la priorité à la défense et à l’amélioration de l’éducation publique. Rappelle:
8. Qu'en septembre 1990, 71 Présidents et Premier Ministres se sont réunis à l'occasion du premier Sommet mondial pour les enfants et se sont engagés à dégager les ressources nécessaires afin d’éradiquer la mortalité et la malnutrition infantiles et d’apporter une protection assurant un développement physique et mental harmonieux pour tous les enfants du monde.
9. Qu'à nouveau en 1990, tous les gouvernements se sont rassemblés à l’occasion de la Conférence mondiale sur "L'éducation pour tous" à Jomtien, en Thaïlande, organisée par la Banque Mondiale, le PNUD, l’UNESCO et l’UNICEF et ont reconnu le rôle primordial de l’éducation en adoptant une Charte transformant les bons sentiments en réalités. Note:
10. Qu'à l’approche de l’an 2000, l’UNICEF proclame que “la nouvelle éthique pour l’enfant reste encore évasive” et que celle-ci devrait demander que chaque enfant soit le premier à bénéficier des succès de l'humanité et le dernier à souffrir de ses échecs. En fait la façon dont une société protège et s’occupe de ses enfants démontre son degré de civilisation, et s'avère être le meilleur des tests sur son profil humanitaire et sur son engagement pour le futur.
11. Que les enfants ont été les premiers à payer le prix des politiques d’ajustement structurel dans les pays en voie de développement, et des restrictions budgétaires ou des privatisations dans les pays industrialisés.
12. Que la Commission internationale de l’UNESCO sur l’éducation pour le XXe siècle demande aux gouvernements du monde entier un investissement minimum de 6% de leur PNB pour l’éducation.
13. Qu'au cours de la Conférence Générale de 1997, le Directeur général de l’UNESCO, a appelé tous les pays à transférer 4% de leurs dépenses militaires au profit de l’éducation et du logement dans les pays en voie de développement.
14. Qu’au XXIe siècle, le savoir deviendra la stratégie de développement essentielle de toutes les sociétés. Si l’humanité doit survivre, le développement humain, notamment l’éducation, doit être au cœur des politiques de développement des nations et constituer une exigence fondamentale afin que l’individu obtienne la formation qui lui sera nécessaire tout au long de sa vie.
Reconnaît:
15. Que seule l’éducation publique peut offrir des fondements solides pour un apprentissage qui s’étendra sur toute la vie en accordant à tous les enfants, filles et garçons, une égalité d’accès à l’éducation de la petite enfance, qu'elle que soit la situation économique, sociale et culturelle des parents et peut promouvoir la notion d’égalité des chances pour tous;
16. Qu'éduquer tous les enfants dans des écoles publiques, sans ségrégation, est un facteur social positif qui contribue à apprendre dans un environnement diversifié, favorisant le respect et la compréhension des autres, et contribuant à la diminution des préjudices sociaux, raciaux et culturels parmi les jeunes. Dans les pays qui comptent des populations immigrantes, il est particulièrement important d’encourager l’éducation interculturelle. Il faut respecter la culture et la langue maternelle des immigrants, tout en faisant la promotion de la culture et de la langue du pays d’accueil.
17. Que la diversité des origines politiques, sociales et culturelles des professeurs des écoles publiques garantit le respect de la liberté de pensée, et incite les jeunes à l'ouverture d'esprit ainsi qu'à des comportements démocratiques et tolérants au sein de la société dans laquelle ils évoluent.
Réaffirme:
18. Que l’éducation publique est un instrument essentiel de libération sociale, de paix, de progrès et de justice; 19. Que chaque enfant doit pouvoir étudier et voir ses droits et mérites reconnus sans égard à la situation financière des familles;
20. Que l’amélioration de la qualité de l’éducation et des normes est primordiale pour l'avenir de la situation des enseignants et que, par conséquent, étant donné les nouvelles situations auxquelles les systèmes d’éducation et la profession enseignante doivent faire face, l’IE et ses organisations membres continueront de mettre en avant des propositions concernant la qualité et l’efficacité des systèmes d’éducation;
21. Que les innovations technologiques rapides exigent que les enseignants s’engagent dans des réformes éducatives afin de maximiser l’utilisation efficace des nouvelles technologies de l’information dans les milieux d’apprentissage;
22. Que les enseignants sont disposés à contribuer à l'élaboration de réformes de l’éducation comme partenaires, dans le cadre de consultations et de négociations, garantissant une éducation publique efficace, tout en rejetant les critiques infondées et les réformes influencées par des intérêts marchands et commerciaux, ou par des politiciens acquis aux impératifs de la privatisation;
23. Que l’Internationale de l'Education et toutes ses organisations membres s’opposent formellement à toute forme de privatisation ainsi qu'au système des bons d'éducation;
24. Que l'IE et ses organisations membres sont disposées à travailler avec les associations de parents et d'étudiants ainsi qu'avec le monde du travail, le mouvement syndical et les médias qui ont de véritables préoccupations ou des critiques légitimes touchant la capacité des programmes éducatifs de permettre à chaque étudiant de faire face à l’incertitude de l’avenir.
S’oppose :
25. Aux secteurs du milieu des grandes entreprises qui cherchent à favoriser la privatisation des services publics, en particulier de l’éducation, dans un but mercantile.
26. Aux dirigeants des pays qui n'assument pas leurs responsabilités quant à l'accès et à la qualité de l’éducation publique pour tous les enfants, avec comme conséquence que de plus en plus d’organisations non-gouvernementales (ONG) sont chargées dans les pays en voie de développement d’instaurer des réseaux d'écoles primaires, de recruter des enseignants, et de les payer à des conditions inférieures à celles de leurs collègues du service public;
27.A la création d’universités et d’écoles virtuelles qui se développent avec les nouvelles technologies de l’information, qui deviennent de fait des institutions privées, sans règles, orientées vers des cours spécifiques d’apprentissage liés aux intérêts des investisseurs sans réel critère de qualité ;
28. Aux politiques des institutions financières internationales qui ne reconnaissent pas le bas niveau des budgets nationaux de nombreux pays en voie de développement, même si 6% du PNB est consacré à l’éducation, ce qui ne permet pas le déploiement de ressources financières suffisantes, ni de faire face à des prêts, même à taux d'intérêt réduit ;
29. Aux mécanismes d’évaluation comparative nationaux et internationaux, de portée étroite, qui risquent de s’ajouter aux moyens utilisés pour affaiblir l’éducation publique plutôt que de favoriser la croissance des systèmes d’éducation. Effectuer des évaluations dans le but d’établir un classement des écoles et d’autres milieux d’enseignement au lieu d’appuyer l’apprentissage des élèves constitue un emploi inacceptable des maigres ressources consacrées à l’éducation. De surcroît, le fait de passer sous silence de multiples variables telles que la situation socio-économique, la langue, l’expérience relative aux programmes d’études ou d’autres différences rendent les études de ce genre tendancieuses et non-pertinentes en ce qui touche la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage.
Appuie:
30. L'organisation d'une campagne internationale de défense et de promotion d'une éducation publique, universelle et gratuite à tous les niveaux ;
31. Et appelle tous les gouvernements pour qu’ils :
a. formulent des politiques visant à améliorer les conditions de travail des enseignants afin d’attirer les personnes les plus compétentes à la profession enseignante en vue d’offrir une éducation de qualité aux enfants ;
b. mettent sur pied des systèmes de formation en poste qui permettent aux enseignants de continuer d’acquérir les aptitudes pédagogiques les plus avancées pour accroître la qualité de leur enseignement ;
c. mettent en place des systèmes pour permettre aux enfants qui ont abandonné l’école de reprendre leurs études à n’importe quel moment ;
d. améliorent les installations scolaires de manière à assurer la plus vaste gamme de services éducatifs.
32. L’élaboration d’indicateurs de qualité ou de seuils-repères pour que les organisations membres puissent suivre de près les niveaux d’investissement, les politiques en matière de ressources humaines, y compris la formation professionnelle initiale, l’emploi, la rémunération du personnel, la formation en poste, la participation démocratique et la gestion des établissements d’enseignement avec des garanties pour les élèves. 33. L’élaboration par le Bureau exécutif d’une stratégie internationale intégrée qui:
a. encourage les organisations affiliées à entreprendre des activités pour promouvoir une éducation publique de qualité;
b. favorise des alliances, au niveau international et régional, avec les organisations syndicales, les organisations de parents et d’étudiants, les médias et les organisations intergouvernementales en vue de créer une collaboration en faveur d’une éducation publique de qualité;
c. supporte les réformes éducatives qui améliorent la qualité de l’éducation et renforcent de ce fait la crédibilité des systèmes publics d'éducation;
d. élabore une solidarité internationale opposée à toute forme de privatisation, y compris par le biais de bons d'éducation;
e. influence le développement de politiques éducatives aux niveaux national et international;
f. obtienne l’engagement de tous les gouvernements à consacrer un minimum de 6% du PNB à l'éducation, comme le suggère le rapport Delors;
g. établisse un réseau de personnalités reconnues, au niveau international, qui appuient l’éducation publique.
34. Des activités par le Secrétariat visant à :
a. renforcer la crédibilité du système d’éducation publique de sorte que le mouvement syndical joue un rôle prépondérant dans la défense de l’amélioration de l’enseignement en entretenant un dialogue suivi et des liens étroits de collaboration avec le milieu de l’éducation et d’autres organismes sociaux ;
b. favoriser la participation de l’IE et des organisations membres aux forums politiques et économiques d’envergure nationale et internationale afin d’influencer le plus possible les politiques en matière d’éducation ; c. encourager les ONG engagées dans l’organisation de programmes d’éducation et de la formation, à adopter des règles et à négocier des dispositions avec les gouvernements, dans le but d'intégrer à terme ces programmes dans le cadre du service public.
d. exiger des gouvernements qu’ils assument leurs responsabilités et que les services publics se substituent aux ONG qui font à l'heure actuelle le travail des Etats. L'éducation est un droit qu’aucune action charitable ne peut remplacer.
e. favoriser la poursuite d'une stratégie de réduction de la dette par les institutions financières internationales en ce qui concerne les pays les plus pauvres et encourager celles-ci à mettre fin à leurs politiques d’ajustement destructives en vue d’arrêter le déclin des services publics comme l’éducation.
f. informer les organisations intergouvernementales comme l'UNESCO et l'OIT des raisons de cette campagne internationale de promotion de la qualité de l’éducation publique, et des intérêts communs qui devraient favoriser un partenariat pour une éducation gratuite et universelle à tous les niveaux; et se concerter avec l’OCDE et la Banque Mondiale afin de faire valoir les intérêts des jeunes et des personnels de l’enseignement.
g. préparer un document de discussion sur les options possibles de financement de l'éducation publique, sur les structures administratives nouvelles, les réformes de l’éducation à entreprendre, y compris dans la perspective de la réalisation de l’apprentissage tout au long de la vie.
"Les riches savent qu’ils peuvent laisser en héritage à leurs enfants de l’argent, des terres, des titres. Mais il est un merveilleux cadeau que les travailleurs peuvent donner à leurs enfants, afin qu’ils mènent une existence meilleure : une éducation de qualité. Ce qu’ils espèrent, c’est que leurs enfants pourront ainsi prétendre, dans leur pays et au sein de leur société, à un emploi et à une situation différents et meilleurs que les leurs." Albert Shanker Président fondateur de l’Internationale de l'Education Stockholm, Suède, le 26 janvier 1993