Le premier congrès mondial de l'Internationale de l'Education réuni à Harare (Zimbabwe) du 19 au 23 juillet 1995:
1. Relève qu'un grand nombre de pays, particulièrement dans le Tiers-monde mais également en Europe Centrale et Orientale, sont confrontés à un grave problème d'endettement;
2. Relève que les programmes de "reconstruction économique" et "d'ajustement structurel" imposés par les institutions financières internationales, comme le FMI et la Banque Mondiale, touchent souvent durement le secteur public et que les atteintes portées au secteur public ont entraîné des coupes sombres dans les dépenses en matière d'éducation;
3. Relève que les réductions opérées dans les dépenses publiques de nombreux pays soumis à un programme d'ajustement structurel ont entraîné une diminution des budgets de l'éducation dans des domaines qui affectent la qualité de l'enseignement, à savoir la formation des enseignants, l'entretien des bâtiments, les manuels scolaires, le matériel didactique;
4. Relève que les chiffres des cinq dernières années montrent que les salaires des enseignants de nombreux pays en développement ont baissé et que, dans certains cas, ces enseignants n'ont même pas été payés régulièrement, subissant parfois des retards de plusieurs mois;
5. Relève que les institutions financières internationales ont, dans le cadre des programmes d'ajustement structurel, encouragé le développement dans le secteur de l'éducation de réformes orientées vers le marché, et introduisant notamment, les droits de scolarité payés par l'usager et la privatisation;
6. Relève qu'un grand nombre de mesures concernant les enseignants et liées aux programmes d'ajustement structurel ont eté mises en oeuvre sans la moindre négociation ou consultation avec les organisations représentant les enseignants et les employés de l'éducation;
Le Congrès estime:
7. Que le développement économique et social requiert un engagement dans le domaine de l'éducation et que seule l'éducation peut créer les conditions préalables constructives permettant de résoudre les grands problèmes qui frappent l'humanité;
8. Que l'éducation ne doit pas être considérée comme une dépense mais comme un investissement, dans la mesure où le sacrifice d'un bénéfice immédiat permet un bénéfice ultérieur bien plus considérable et que, si l'on souhaite que l'investissement en ressources humaines effectué à travers les dépenses en matière d'éducation rapporte un bénéfice maximal, cet investissement doit être fait à long terme et ne peut être soumis à des changements de valeur à court terme;
9. Que les dépenses de l'Etat en matière d'enseignement doivent être orientées et mises en oeuvre aussi efficacement que possible, mais que les critères selon lesquels l'enseignement doit être évalué doivent refléter les objectifs d'enseignement et leur contribution au développement économique, social et politique, tant individuel que collectif, et pas uniquement les coûts à court terme;
10. Que cette politique de "désengagement de l'Etat" a pour résultat un accroissement des déséquilibres économiques et sociaux, non seulement entre riches et pauvres incluant les minorités et les immigrants, mais également au niveau de l'égalité des chances entre garçons et filles car, dans un grand nombre de cultures, là où les parents sont obligés de choisir lequel de leurs enfants recevra un enseignement, les jeunes filles ont tendance à être désavantagées;
11. Que la privatisation de l'éducation accroit les inégalités en contribuant dès lors à développer, au lieu de la réduire, la division qui existe dans la société. En outre, la privatisation décharge l'Etat de la responsabilité de l'éducation, en transformant celui-ci en un produit qui est acheté et vendu et, donc, régi par "les forces du marché" plutôt que par une demande exprimée par la société d'une manière générale.
Rôle de l'Internationale de l'Education
L' IE devrait:
12. Exiger que tous les pays se mobilisent pour garantir le droit à l'éducation publique pour tous;
13. Appuyer une action internationale concertée pour une réduction substantielle de la dette des pays du Tiers-monde, de l'Europe Centrale et Orientale afin d'aboutir à son annulation dans des conditions assurant un développement durable et la démocratie;
14. Appuyer la proposition selon laquelle, pour garantir que l'allégement de la dette accordé à certains pays bénéficie à l'éducation, cet allégement doit inclure des accords visant à protéger le secteur social en général et l'éducation en particulier;
15. Encourager les syndicats des pays concernés à veiller à ce que leurs gouvernements appliquent les accords d'allégement de la dette dans lesquels le secteur social est protégé;
16. Exiger de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International qu'ils changent leurs politiques actuelles, en tenant le plus grand compte des points de vues de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), de la CISL et de l'IE au niveau international, ainsi que des points de vues des partenaires sociaux au niveau national;
17. Inciter les syndicats des pays industrialisés à agir auprès de leurs gouvernements dans ce sens, pour qu'ils usent de leurs pouvoirs au sein de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International;
18. Exiger de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International qu'ils reconnaissent l'importance des consultations menées auprès des enseignants et de leurs organisations;
19. Exhorter les pays industrialisés à remplir leurs engagements à allouer 0,7% de leur Produit National Brut à la coopération au développement et à l'assistance aux pays en voie de développement;
20. Informer les organisations internationales et les gouvernements de cette situation et faire pression sur eux en ce qui concerne les solutions proposées.