Evaluation et commentaires
Ces dernières années, un certain nombre de pays ont mis l’accent sur l’évaluation des enseignant(e)s. La quasi-totalité des enseignant(e)s des pays et économies participant à l’enquête TALIS ont été soumis(es) à une forme ou une autre d’évaluation formelle. L’Italie fait exception, avec 70 pour cent d’enseignant(e)s faisant état de l’absence de toute forme d’évaluation formelle en général.
Les pratiques, en revanche, diffèrent grandement. Les observations en classe sont quasi systématiques en Angleterre, aux Etats-Unis, en Malaisie et en Pologne, tandis qu’elles concernent moins de la moitié des enseignant(e)s en Finlande, en Espagne, en Italie et en Islande. Multiples sont les sources apportant des commentaires aux enseignant(e)s, et notamment les directeurs/trices d’établissement (54 pour cent), les membres de l’équipe de direction de l’établissement (49 %) et d’autres enseignant(e)s au sein de l’établissement (42 pour cent), mais ces sources – et l’influence qu’elles exercent -- diffèrent largement en fonction du lieu concerné.
Ainsi aux Etats-Unis où, selon les enseignant(e)s, les directeurs/trices d’établissement fournissent très souvent des commentaires (85 pour cent), contrairement aux autres enseignant(e)s (seulement 27 pour cent), les enseignant(e)s jugent ces commentaires moins utiles que dans de nombreux autres pays où leurs pairs s’impliquent davantage. Cela peut s’expliquer par le fait que les commentaires reçus par des pairs sont plus ciblés et pertinents par rapport aux élèves concernés et au contenu des programmes enseignés, ou parce qu’ils visent une amélioration et non la prise de décisions relatives au personnel.
Selon les données révélées par TALIS, l’essentiel des enseignant(e)s estiment que les commentaires qu’ils reçoivent influencent leur travail. En moyenne, 62 pour cent des enseignant(e)s déclarent que les commentaires à leur endroit ont entraîné des changements positifs modérés ou importants concernant leur pratique pédagogique, et un peu plus de la moitié d’entre eux/elles évoquent un effet positif sur leur gestion de la classe (56 pour cent), la maîtrise et la compréhension du sujet étudié (54 pour cent) et le recours à l’évaluation des élèves afin d’améliorer l’apprentissage (59 pour cent).
Dans le même temps, près de la moitié des enseignant(e)s conviennent de ce que l’évaluation et les commentaires répondent essentiellement à une finalité administrative, et moins de la moitié estiment que ces deux pratiques se fondent sur une évaluation approfondie de l’enseignement qu’ils/elles dispensent. Une part importante (43 pour cent) indique que les dispositifs d’évaluation et de commentaire mis en place dans leurs établissements n’ont qu’un impact limité sur la pratique en classe. La satisfaction professionnelle est moindre lorsque les enseignant(e)s estiment que l’évaluation est menée essentiellement à des fins administratives, et supérieure lorsqu’elle est jugée utile à l’enseignement qu’ils/elles dispensent.
Globalement, ces constatations suggèrent que les enseignant(e)s apprécient les commentaires qui permettent d’améliorer leurs compétences pédagogiques tout en étant pertinents pour l’apprentissage des élèves. Les dispositifs d’évaluation des enseignant(e)s seront probablement plus efficaces s’ils sont associés à une formation continue de qualité et si l’on considère qu’ils favorisent un retour d’information pertinent afin d’améliorer l’apprentissage des élèves. En revanche, d’autres recherches suggèrent que les systèmes d’évaluation répondant principalement à une finalité administrative ou ciblés sur la prise de décisions importantes relatives au personnel risquent de nuire à la désirabilité de l’enseignement.
Recommandations
Les données révélées par TALIS 2013 fournissent des indications précieuses quant aux mesures susceptibles de soutenir et de renforcer l’enseignement, pour conduire à un enseignement de haute qualité au profit des élèves. On retrouve parmi ces mesures:
1. Faire valoir l’importance de la profession en reconnaissant le professionnalisme des enseignant(e)s et en les impliquant dans la prise de décisions.
2. Garantir des ressources adéquates et équitables pour répondre aux pénuries actuelles concernant les enseignant(e)s, le personnel de soutien éducatif ainsi que le matériel pédagogique.
3. Proposer des mesures incitatives afin de mettre en poste des enseignant(e)s en nombre suffisant pour toutes les matières et dans l’ensemble des communautés, y compris les éducateurs/trices spécialisé(e)s et les enseignant(e)s au sein d’établissements difficiles.
4. Fournir une préparation globale et hautement qualitative en termes de contenu, de pédagogie et de pratique en classe afin d’appuyer des stratégies d’enseignement actif, l’efficacité du corps enseignant et la réussite des élèves.
5. Appuyer l’initiation au profit des débutantsà travers un financement adéquat et des structures d’appui permettant de proposer des activités de tutorat, de planification collective, etc.
6. Ménager des créneaux dédiés à la collaboration et à la formation continue pour permettre aux enseignant(e)s d’observer et de recevoir des commentaires de la part de leurs pairs et améliorer ainsi leurs pratiques pédagogiques.
7. Encourager une formation continue de haute qualité conforme aux besoins des enseignant(e)s, qui puisse promouvoir des pratiques collaboratives allant de pair avec un sentiment d’efficacité personnelle et la satisfaction professionnelle des enseignant(e)s.
8. Identifier les directeurs/trices potentiel(le)s et leur apporter la formation requise pour assurer l’encadrement pédagogique au sein de l’établissement, de telle sorte qu’ils/elles puissent favoriser une amélioration de l’enseignement et un climat de respect mutuel au sein de l’établissement.
9. Encourager le partage des responsabilités de direction et la participation à la prise de décisions, améliorant ainsi les pratiques collaboratives ainsi que la satisfaction professionnelle des directeurs/trices tout autant que des enseignant(e)s.
10. Centrer les dispositifs d’évaluation et de commentaire sur l’amélioration de la qualité de l’enseignement et les associer à une formation continue de haute qualité afin d’améliorer les compétences et le sentiment d’efficacité personnelle des enseignant(e)s.
Pour permettre aux élèves d’acquérir les compétences et les aptitudes nécessaires au XXIe siècle, l’enseignement a gagné en complexité. Les systèmes éducatifs très performants sont en général ceux qui valorisent la profession au sein de la société, qui sont capables d’attirer des individus de haut niveau, de les former convenablement et de les maintenir en poste en instaurant des dispositifs de soutien axés sur les conditions de travail au sein des établissements et appuyant leur développement professionnel continu. TALIS nous apprend que la valorisation de l’enseignement et de la formation des enseignant(e)s, la restructuration de l’activité d’enseignement en vue d’une collaboration professionnelle accrue, et la fourniture de commentaires pertinents aux enseignant(e)s peuvent concourir à un attrait supérieur de la profession et à une efficacité accrue du corps enseignant.
Direction d’établissement et climat
Si la plupart des enseignant(e)s s’accordent à dire qu’une « culture de collaboration prévaut dans leur établissement, caractérisée par un soutien mutuel », on observe néanmoins des écarts importants dans le degré d’appréciation d’un tel climat par les directeurs/trices d’établissement d’une part, et par les enseignant(e)s d’autre part. Ainsi dans les différent(e) pays/économies étudié(e)s par TALIS, 95 pour cent des directeurs/trices d’établissement sont d’accord avec cette affirmation (les réponses allant de 83 pour cent en France à 100 pour cent en Norvège). Dans le cas des enseignant(e)s en revanche, la moyenne est de 79 pour cent, oscillant entre 66 pour cent pour l’Angleterre et 93 pour cent pour la Norvège.
Les enseignant(e)s sont nettement plus enclin(e)s à évoquer l’existence d’une culture de collaboration dans les pays/économies où ils/elles signalent également que le personnel participe à la prise de décisions, ce qui indique une association positive entre le partage des responsabilités de direction et le climat de collaboration au sein de l’établissement. La participation des enseignant(e)s à la prise de décisions est également corrélée avec le sentiment d’efficacité personnelle dans la plupart des pays/économies, de même qu’avec la satisfaction professionnelle (ampleur considérable de l’effet observé) dans l’ensemble des pays/économies.
Toutefois, enseignant(e)s et directeurs/trices d’établissement ne perçoivent pas de la même manière les opportunités de partage de la prise de décisions offertes au personnel, et aucune corrélation n’existe entre les opportunités de partage de la prise de décision signalées par les directeurs/trices d’établissement et le sentiment des enseignant(e)s de bénéficier d’une culture de collaboration. Plus de 90 pour cent des directeurs/trices d’établissement au sein de chaque pays/économie rapportent que les enseignant(e)s ont la possibilité de participer activement aux décisions concernant l’établissement, contre 74 pour cent des enseignant(e)s, avec un écart moyen de 24 points de pourcentage. Les différences les plus marquées se retrouvent en Angleterre où moins de 60 pour cent des enseignant(e)s en moyenne sont d’accord avec cet énoncé, pour un écart moyen de 32 points de pourcentage entre les directeurs/trices et les enseignant(e)s.
Les données proposées par TALIS révèlent un lien entre les styles de direction d’établissement et le climat de travail des enseignant(e)s. Lorsque les directeurs/trices assurent un partage des responsabilités de direction, les enseignant(e)s sont plus enclin(e)s à percevoir un climat de respect mutuel au sein de l’établissement. Les directeurs/trices partageant les responsabilités de direction sont également plus enclin(e)s à se dire satisfait(e)s de leur travail. Un climat professionnel de respect mutuel est associé à la satisfaction professionnelle non seulement des enseignant(e)s mais aussi des directeurs/trices dans une grande majorité des pays/économies étudié(e)s.
En outre, les enseignant(e)s sont plus susceptibles d’évoquer un climat de respect mutuel lorsque les directeurs/trices assurent un encadrement pédagogique. Les données suggèrent que lorsque les directeurs/trices consacrent davantage de temps aux tâches en rapport avec les programmes de cours et l’enseignement, ils/elles sont plus enclin(e)s à observer davantage les cours et à encourager la coopération avec les enseignant(e)s et la formation continue tant au niveau individuel que collectif.
Selon TALIS, l’encadrement pédagogique est également associé à l’évaluation des enseignant(e)s en vue de développer les capacités du personnel. Ainsi, celles et ceux qui assurent l’encadrement pédagogique sont plus enclin(e)s à établir un plan de développement pour chaque enseignant(e) ou à nommer un(e) tuteur/tutrice afin de contribuer à l’amélioration de l’enseignement, ou les deux, suite à l’évaluation formelle de l’enseignant(e). En revanche, l’encadrement pédagogique est rarement associé au non-renouvellement des contrats de travail des enseignant(e)s ou à une évolution de leur rémunération consécutivement à l’évaluation. Il semble que les personnes chargées de l’encadrement pédagogique mettent davantage l’accent sur l’évaluation afin de soutenir la formation des enseignant(e)s plutôt que dans une perspective de récompense ou de sanction.
Dans le cadre des travaux de recherche menés sur le thème de la direction d’établissement, il existe une corrélation positive entre l’encadrement pédagogique et les résultats des élèves, une étude révélant même que « la promotion et la participation à la formation et au développement des enseignant(e)s » présentent un effet au moins deux fois supérieur à celui des autres pratiques d’encadrement généralement appliquées (Robinson, Hohepa & Lloyd, 2009).
Le nombre de directeurs/trices d’établissement disant avoir recours à l’encadrement pédagogique diffère largement entre les pays et économies étudié(e)s par TALIS. Ainsi, 98 pour cent des directeurs/trices en Malaisie indiquent avoir « souvent » ou « très souvent » pris des initiatives visant à favoriser la coopération entre enseignant(e)s afin d’élaborer des pratiques pédagogiques innovantes, contre à peine 34 pour cent des directeurs/trices d’établissement au Japon (OCDE, 2014b, p. 322 Tableau 3.2)
Tous n’ont pas eu la possibilité de bénéficier d’une formation à l’encadrement pédagogique. Tandis que les directeurs/trices jouissent en général d’une longue expérience dans l’enseignement (21 années en moyenne), moins de la moitié ont suivi une formation aux fonctions de direction avant d’assumer leur nouveau rôle. Dans l’ensemble des pays/économies, ils/elles sont 22 pour cent en moyenne à n’avoir bénéficié d’aucune formation à l’encadrement pédagogique, soit avant, soit après leur prise de fonction à la tête d’un établissement. Quoique quasi systématique aux Etats-Unis (98 pour cent) et supérieure à 90 pour cent dans 11 pays/économies, le niveau de la formation à l’encadrement pédagogique est pourtant de moins de 60 pour cent dans quatre pays/économies.
Favoriser une solide préparation des futur(e)s directeurs/trices d’établissement et veiller à ce que la formation initiale et la formation en cours d’emploi incluent un soutien à l’encadrement pédagogique et au partage des responsabilités de direction sont autant de mesures susceptibles d’être particulièrement bénéfiques en termes de formation, de pratique, de sentiment d’efficacité personnelle et de satisfaction professionnelle des enseignant(e)s tout autant que des directeurs/trices d’établissement.
L’offre d’enseignant(e)s
En de nombreux points du globe, on assiste à des pénuries en ressources humaines et matérielles, qui résultent probablement en partie des récessions économiques récentes. En moyenne:
· 38 pour cent des enseignant(e)s travaillent dans des établissements qui, selon les directeurs/trices d’établissement, connaissent une pénurie importante d’enseignant(e)s qualifié(e)s ou performant(e)s empêchant d’offrir un enseignement de qualité. Ce taux dépasse même les 70 pour cent au Japon et aux Pays-Bas. D’un pays ou d’une économie à l’autre, les pénuries rapportées étaient particulièrement importantes et répandues en matière d’enseignant(e)s spécialisé(e)s dans la prise en charge d’élèves ayant des besoins spécifiques d’éducation.
· 47 pour cent des enseignant(e)s travaillent dans des établissements qui, selon les directeurs/trices d’établissement, connaissent une pénurie en matière de personnel de soutien éducatif empêchant d’offrir un enseignement de qualité. Ce taux dépasse les 50 pour cent dans 13 des 34 pays et économies, et les 70 pour cent en Italie, au Japon et en Espagne.
· Plus d’un quart des enseignant(e)s travaillent dans des établissements où, selon les directeurs/trices d’établissement, le matériel pédagogique est insuffisant ou inapproprié, empêchant d’offrir un enseignement de qualité. Ce taux dépasse les 50 % en Italie et en Estonie, et les 75 pour cent en République slovaque et en Roumanie.
Dans certains cas, l’équité en termes de répartition des enseignant(e)s est elle aussi problématique. Dans 13 des 34 pays et économies considérés, les enseignant(e)s expérimenté(e)s sont bien moins susceptibles de travailler dans des établissements présentant un nombre supérieur d’élèves issus de milieux défavorisés. Les disparités sont les plus marquées en Alberta, en Flandre, en Roumanie et en Suède. En Suède par exemple, les enseignant(e)s expérimenté(e)s ont deux fois moins de chances que leurs collègues inexpérimenté(e)s de travailler dans des établissements présentant plus de 30 pour cent d’élèves issus d’un milieu socio-économique défavorisé. A l’inverse, dans quatre pays/économies à peine – Brésil, Lettonie, Mexique et Pays-Bas – les enseignant(e)s expérimenté(e)s sont davantage susceptibles de travailler dans des établissements plus difficiles.
Il est possible que ces écarts subissent l’influence de la sphère politique. Les récentes réformes entreprises au Brésil, par exemple, ont contribué à accroitre le financement et niveler les dépenses en faveur de l’éducation entre les états et les municipalités, elles ont permis d’élever les salaires des enseignant(e)s, notamment dans les régions plus pauvres du pays, et de mettre en place des normes concernant l’enseignement. Toutes ces stratégies concourent au soutien des enseignant(e)s et peuvent accentuer leur maintien en poste dans des zones difficiles.
Conditions d’enseignement
La taille des classes figure au nombre des conditions généralement citées comme importantes par les enseignant(e)s dans le cadre de leurs efforts visant à satisfaire les besoins de leurs élèves. Elle varie considérablement d’un pays à l’autre, allant de 17 à plus de 30 élèves par classe, pour une moyenne de 24 élèves par classe.
Nous avons identifié un lien significatif entre la taille des classes et les pénuries d’enseignant(e)s entre les pays. Les pays qui, selon les directeurs/trices d’établissement, connaissent de très rares pénuries – tels que Finlande, Islande, Danemark et Pologne – affichent également des tailles de classes réduites (moins de 20), tandis que dans les nations concernées par de fortes pénuries – telles que Japon, Mexique et Chili – la taille des classes dépasse les 30 élèves.
L’un des constats les plus surprenants établis par TALIS réside dans le fait que moins d’un tiers des enseignant(e)s (31 pour cent) en moyenne pensent que l’enseignement est une profession valorisée dans la société. Les enseignant(e)s sont davantage susceptibles de déclarer que l’enseignement est valorisé dans leur société en Malaisie (88 pour cent), suivie par Singapour, Abu Dhabi et la Corée, où les deux-tiers des enseignant(e)s partagent cet avis. A l’autre bout de l’échelle, seuls 4 pour cent des enseignant(e)s en République slovaque et 5 pour cent des enseignant(e)s en France et en Suède pensent que leur profession est valorisée.
PISA a identifié une corrélation positive entre la valeur de l’enseignement dans la société et la réussite scolaire des élèves, ce que les sociétés expriment de diverses manières. La valorisation sociale de l’enseignement est en corrélation avec les salaires des enseignant(e)s vis-à-vis d’autres travailleurs/euses titulaires d’un diplôme d’études supérieures et l’implication des enseignant(e)s dans la prise de décision professionnelle au sein des établissements scolaires. La valorisation sociale de l’enseignement est également liée au temps dont disposent les enseignant(e)s pour collaborer, qui à son tour est étroitement lié à la perception des enseignant(e)s selon laquelle « les avantages de la profession l’emportent sur ses inconvénients » – un indicateur de satisfaction à l’égard de la profession.
Le temps consacré à la collaboration varie largement d’un pays à l’autre. Dans tous les pays, les enseignant(e)s déclarent travailler 38 heures par semaine en moyenne, cette durée allant de moins de 30 heures au Chili et en Italie, à plus de 50 heures au Japon. Ce temps est réparti de façon très distincte en termes de durée du travail des enseignant(e)s directement auprès des élèves par rapport au temps qu’ils/elles consacrent à la planification, la collaboration avec leurs collègues, la correction de copies et les réunions individuelles avec les élèves ou les parents. En moyenne, les enseignant(e)s consacrent 19 heures par semaine à l’enseignement mais aux Etats-Unis ils/elles enseignent 40 pour cent de plus, soit une moyenne de 27 heures par semaine, tandis que les enseignant(e)s en Finlande et en Norvège ne consacrent que quelque 15 heures hebdomadaires à l’enseignement.
Les données révélées par TALIS mettent en avant le manque de temps comme un obstacle majeur à la participation des enseignant(e)s à des activités de formation continue. De plus, elles indiquent une corrélation entre le sentiment d’efficacité personnelle et la satisfaction professionnelle des enseignant(e)s, et les opportunités de collaboration qui leur sont offertes, lesquelles varient largement. Si la collaboration des enseignant(e)s est tant valorisée, c’est en partie parce qu’elle permet d’améliorer leurs connaissances, leurs compétences et leur efficacité qui, à leur tour, rendent la profession moins stressante et plus satisfaisante.
Si plus de 80 pour cent des enseignant(e)s disent avoir participé à une activité de formation professionnelle collaborative, seul(e)s 63 pour cent s’y sont adonné plus d’une fois au cours des douze derniers mois. Dans certain(e)s pays/économies (par ex., en Finlande, République slovaque et Flandre), plus de 40 pour cent des enseignant(e)s n’avaient participé à aucune activité de formation collaborative.
De façon similaire, les opportunités d’engagement collaboratif sont monnaie courante dans certains pays. Plus de 80 pour cent des enseignant(e)s japonais(es) déclarent observer les autres classes d’enseignant(e)s et fournir des commentaires au moins deux fois l’an, et plus de 50 pour cent des enseignant(e)s au Mexique, en République slovaque, au Danemark, en Italie et au Japon ont déclaré enseigner en équipe dans une même classe au moins cinq fois par an.
Toutefois, 45 pour cent des enseignant(e)s n’ont jamais observé la classe d’un autre enseignant(e) – une proportion dépassant les trois quarts au Brésil, en Espagne, en Flandre, en France et en Islande. Similairement, 42 pour cent déclarent ne jamais enseigner en équipe dans une même classe. Ainsi dans nombre de pays, une part significative d’enseignant(e)s enseignent encore largement de façon isolée et risquent ainsi de passer à côté de précieuses occasions pour collaborer, recevoir des retours d’information et apprendre directement de leurs collègues.
Préparation et développement des enseignant(e)s
A travers les pays et économies étudiés dans le cadre de TALIS, la proportion d’enseignant(e)s ayant mené à bien un programme de formation professionnelle est très élevée. En moyenne, 90 pour cent ont suivi un tel programme. Cependant, le contenu des formations d’enseignement varie considérablement entre les pays/économies (et parfois même en leur sein). Les enseignant(e)s sont moins nombreux/euses à avoir bénéficié d’une formation axée sur les matières qu’ils/elles enseignent, en termes de contenu, de pédagogie et de pratique. Près des deux tiers des enseignant(e)s ont bénéficié d’une formation dans chacun de ces domaines pour l’ensemble des matières enseignées. Seul(e)s 57 pour cent des enseignant(e)s ont reçu une formation formelle dans tous ces domaines – c’est-à-dire en termes de contenu, de pédagogie et de pratique – pour l’ensemble des matières qu’ils/elles enseignent. Cette proportion varie de plus de 80 pour cent en Pologne, en Croatie et en Bulgarie, à moins de 40 pour cent en Alberta, en Espagne, en Italie et en Norvège.
Les taux de formation des enseignant(e)s sont associés à des niveaux plus élevés de réussite scolaire pour les différent(e)s pays/économies. En outre, une forte corrélation est observée entre le sentiment des enseignant(e)s d’être préparé(e)s à l’enseignement et la satisfaction professionnelle ainsi que le sentiment d’efficacité personnelle, notamment leur capacité à utiliser diverses stratégies d’évaluation, à fournir des explications alternatives aux élèves et à aider ces derniers/ières) à mener une réflexion critique.
Il n’est pas surprenant que les enseignant(e)s visé(e)s par TALIS tendent à se sentir mieux préparé(e)s en termes de contenu, de pédagogie et de pratique des matières enseignées lorsqu’ils/elles ont bénéficié d’une formation formelle dans ces domaines. D’autres travaux de recherche mettent en relief la tendance des enseignant(e)s à se sentir mieux préparé(e)s et plus efficaces lorsqu’ils/elles ont bénéficié d’une préparation et d’une initiation de meilleure qualité, et associent le sentiment d’efficacité personnelle des enseignant(e)s à leur efficacité mesurée dans la promotion des acquis des élèves.
Bien que ses avantages soient bien établis, l’initiation des enseignant(e)s en début de carrière n’est pas une pratique courante au sein des différent(e)s pays/économies. Près des deux tiers des enseignant(e)s travaillent dans des établissements où les directeurs/trices signalent un accès à des programmes d’initiation formels au profit des enseignant(e)s en début de carrière. Cette proportion oscille de plus de 95 pour cent à Singapour, en Angleterre, en Malaisie et en Australie à moins d’un quart d’enseignant(e)s en Espagne, en Pologne et au Portugal.
Près de la moitié à peine des enseignant(e)s ayant moins de trois années d’expérience ont rapporté avoir participé à des programmes formels d’initiation, y compris dans les cas où les directeurs/trices d’établissement ont évoqué des possibilités d’accès à de tels programmes. On observe pour la Finlande, la France, le Japon, la République slovaque et la Serbie des écarts supérieurs à 30 points de pourcentage entre l’accès et la participation. Ceux-ci peuvent être liés aux disparités de mise en œuvre entre les établissements, en particulier en l’absence de fonds et de structures adéquats pour garantir que les tuteurs ont été désignés et disposent de suffisamment de temps pour soutenir les nouveaux/elles enseignant(e)s, ou que d’autres aspects du programme (séminaires, période de planification en équipe) sont proposés dans l’établissement. La pression subie à l’école, les charges de travail considérables des enseignant(e)s, les incompatibilités d’horaires ou l’absence de ressources sont autant d’obstacles potentiels à la participation. Compte tenu de l’importance de l’initiation pour le maintien en poste et l’efficacité des enseignant(e)s, ces écarts méritent d’être examinés plus avant.
Le fait que l’enseignant(e) travaille à temps plein ou à temps partiel, ou encore la nature de son contrat de travail peuvent exercer une influence sur sa participation aux programmes d’initiation. Dans certain(e)s pays/économies, les contrats à court terme sont le lot de nombreux enseignant(e)s – notamment le personnel en début de carrière. Dans certains cas, ces enseignant(e)s ne peuvent prétendre aux programmes formels d’initiation qui sont réservés au personnel employé sur une longue durée.
On relève par ailleurs des inégalités en matière d’accès aux différentes formes de formation continue. Bien que 88 pour cent des enseignant(e)s déclarent avoir participé à des activités de formation continue au cours des 12 derniers mois, généralement sous forme d’ateliers ou de cours, on note une importante variation dans le nombre d’activités de formation accessibles et dans les conditions de réalisation de ces activités.
Près des deux tiers des enseignant(e)s n’ont pas eu à engager de frais pour suivre une formation continue au cours des douze mois précédents, mais les taux oscillent entre 93 pour cent des enseignant(e)s en Angleterre et à peine 25 pour cent en Corée. De même, la proportion d’enseignant(e)s ayant bénéficié d’un aménagement d’emploi du temps pour participer à des activités de formation continue organisées pendant les heures de service dans l’établissement oscille entre 88 pour cent pour la Malaisie et 15 pour cent pour le Portugal, pour une moyenne de 55 pour cent sur l’ensemble des pays. Le temps est une variable essentielle: l’obstacle le plus fréquemment cité par les enseignant(e)s à leur participation à des activités de formation continue est l’incompatibilité avec leur emploi du temps professionnel, mentionnée par un peu plus de la moitié d’entre eux/elles. Les taux de participation tendent à être supérieurs lorsque le personnel bénéficie d’un aménagement d’emploi du temps pour participer aux activités de formation continue organisées pendant les heures de service.
Une part importante (39 pour cent) a également signalé que le fait de ne pas avoir accès à une offre appropriée d’activités de formation continue constituait également un obstacle à la participation. Dans le même temps, TALIS identifie également un certain nombre de domaines par rapport auxquels les enseignant(e)s souhaitent pouvoir bénéficier d’un nombre accru d’opportunités de perfectionnement. Citée par 22 pour cent des enseignant(e)s dans l’ensemble des pays/économies, la prise en charge d’élèves ayant des besoins spécifiques d’éducation arrive en tête des besoins des enseignant(e)s en matière de formation continue. D’autres données suggèrent qu’un nombre relativement réduit d’enseignant(e)s a pu accéder à de telles opportunités. Ceux/Celles qui ont achevé un programme de formation sont bien moins enclin(e)s à évoquer un besoin de perfectionnement dans ce domaine, ce qui laisse à penser que ce besoin peut être satisfait en assurant un meilleur accès à une préparation initiale plus complète ou en organisant davantage d’activités de formation continue.
Dans l’ensemble, les enseignant(e)s visé(e)s par TALIS déclarent que les activités de formation continue ont eu un impact sur leur enseignement. Pour chacun des 14 contenus analysés par l’enquête, cet impact était modéré ou important pour une moyenne d’au moins trois quart des enseignant(e)s ayant participé à des activités spécifiques de formation continue. Dans chacun des cas, nombreux sont les enseignant(e)s ayant évoqué un impact « modéré » plutôt qu’« important ».
Cependant, ces données ne permettent pas de déduire si l’impact a été fonction du mode de conception et de conduite de la formation continue. D’autres travaux de recherche révèlent que la formation continue est particulièrement efficace pour améliorer la pratique pédagogique des enseignant(e)s et contribuer à l’apprentissage des élèves lorsqu’elle est proposée sur une base durable, en lien étroit avec le travail des enseignant(e)s en classe, lorsqu’elle encourage la collaboration avec d’autres enseignant(e)s et qu’elle est associée de manière cohérente à des efforts plus vastes de réforme scolaire.
Pratiques pédagogiques
Les activités de formation collectives et efficaces sont associées aux pratiques pédagogiques, en particulier les pratiques encourageant ce que l’on nomme couramment les « compétences et les aptitudes qui sont nécessaires au XXIe siècle » – la résolution de problèmes, la recherche, la réflexion critique et la collaboration, par exemple.
La grande majorité des enseignant(e)s approuvent ces objectifs pédagogiques: plus de 90 pour cent estiment que leur rôle est d’aider les élèves à effectuer leurs propres recherches et plus de 80 pour cent conviennent de ce que les processus de réflexion et de raisonnement sont plus importants que le contenu spécifique des cours, et que c’est lorsque que les élèves résolvent eux/elles-mêmes des problèmes qu’ils/elles apprennent le mieux.
Cependant, une minorité d’enseignant(e)s indiquent s’adonner fréquemment à des pratiques conformes à ces objectifs et points de vue, y compris ce que TALIS nomme les pratiques pédagogiques « actives » à l’instar du travail des élèves en petits groupes pour trouver ensemble une solution à un problème ou à un exercice ; du travail dans le cadre de projets qui leur prennent une semaine au moins; et de la conduite de projets exigeant le recours à la technologie informatique interactive.
Si le recours à de telles pratiques peut certainement être influencé par les programmes nationaux ou fédéraux ainsi que par les systèmes d’examen, la préparation initiale et la formation ultérieure des enseignant(e)s exercent elles aussi une influence. Les enseignant(e)s qui déclarent avoir été bien préparé(e)s à travers leur formation en pédagogie sont plus enclin(e)s à appliquer une technique de résolution de problèmes en petits groupes, par exemple. La participation à un réseau d’enseignant(e)s est également corrélée avec un recours accru au travail en petits groupes et à l’utilisation des TIC. La participation à des enseignant(e)s à des recherches individuelles ou collectives, à des visites d’observation dans d’autres établissements, à des activités de tutorat, d’observation collégiale et de coaching, est elle aussi associée à un recours fréquent aux pratiques pédagogiques actives.
Eu égard aux pratiques d’évaluation, les données révélées par TALIS indiquent que les enseignant(e)s font appel à tout un éventail de méthodes d’évaluation afin d’orienter leur enseignement et apporter des commentaires aux élèves, qu’ils/elles reçoivent des commentaires au sujet de leurs méthodes d’évaluation et des résultats de leurs élèves, et qu’ils/elles renforcent leur sentiment de confiance et de satisfaction à l’égard de leur enseignement lorsqu’ils/elles reçoivent des retours et des appréciations en lien avec des preuves attestant de l’apprentissage des élèves.
Dans leur ensemble, ces constatations suggèrent que les opportunités offertes aux enseignant(e)s en matière de collaboration et de retours quant à leur travail et à l’apprentissage des élèves – dans le cadre de leur formation initiale ou continue – peuvent appuyer un recours accru aux pratiques pédagogiques actives, attirer l’attention sur l’apprentissage des élèves et accroître la satisfaction des enseignant(e)s.
Collaboration entre enseignant(e)s
Dans le cadre de l’enquête TALIS, les constatations les plus importantes se rapportent probablement à la collaboration entre enseignant(e)s, qui apparait comme un élément significatif de l’apprentissage, influençant à la fois la pratique et la satisfaction professionnelle ainsi que le sentiment d’efficacité personnelle, qui à leur tour se répercutent sur le maintien en poste et l’efficacité des enseignant(e)s. Plus que toute autre mesure politique, les actions appuyant l’apprentissage collaboratif entre enseignant(e)s semblent prometteuses afin d’améliorer la qualité d’enseignement et l’engagement à long terme du personnel enseignant.
Les analyses proposées par TALIS consolident les résultats des précédentes études concernant la participation des enseignant(e)s à des formes collaboratives de formation continue. La collaboration professionnelle est souvent corrélée de façon positive et significative avec chacune des activités de formation continue suivante: les activités de tutorat et/ou d’observation collégiale et le coaching (31 pays/économies), les recherches individuelles ou en groupe sur un sujet en rapport avec la profession (30 pays/économies) et la participation à un réseau d’enseignant(e)s constitué à des fins de formation continue (26 pays/économies).
Toutefois, seul un nombre relativement peu élevé d’enseignant(e)s a pu accéder à ce type d’opportunités dans les différent(e) pays/économies. Ainsi, seul(e)s 31 pour cent ont pris part à un réseau de formation continue, et l’on relève ici un lien étroit avec les pratiques pédagogiques (voir ci-dessous).
Les opportunités de collaboration sont elles aussi fortement corrélées au sentiment d’efficacité personnelle – la confiance qu’ils/elles ont dans leurs capacités à planifier, organiser et mener des activités leur permettant d’atteindre leurs objectifs éducatifs. Le sentiment d’efficacité personnelle présente un intérêt particulier dans la mesure où maintes études l’ont associé à une amélioration de la qualité de l’instruction dispensée, à l’utilisation de pratiques innovantes et à la contribution des enseignant(e)s à la réussite des élèves. Un sentiment d’efficacité personnelle plus marqué est en outre corrélé à une satisfaction professionnelle accrue ainsi qu’à des taux d’épuisement professionnel moindres.
Les données révélées par TALIS montrent qu’une collaboration fréquente entre enseignant(e)s est positivement corrélée avec le sentiment d’efficacité personnelle, sentiment renforcé par chacune des pratiques ci-après:
· Participer à des activités collaboratives au moins cinq fois par an;
· Enseigner en équipe dans une même classe;
· Observer les cours des autres enseignant(e)s et leur en faire des commentaires;
· Participer à des activités conjointes couvrant plusieurs classes et groupes d’âge; et
· Participer à des activités de formation collectives.
Le dernier indicateur – collaboration dans des activités de formation collectives – est associé à un sentiment d’efficacité personnelle accru dans les différent(e)s pays/économies et corrélé à la satisfaction professionnelle de l’enseignant(e) dans 21 de ces pays/économies. Ce constat suggère que lorsque les enseignant(e)s s’adonnent à des pratiques collaboratives qui améliorent leurs compétences pédagogiques individuelles et collectives, non seulement ils/elles s’estiment plus confiant(e)s quant à leurs capacités à enseigner, à interagir avec les élèves et à gérer les comportements en classe, mais ils/elles tendent également à trouver un plaisir accru dans leur travail.
Compte tenu du potentiel offert par la collaboration entre enseignant(e)s afin de faire évoluer la pratique (voir ci-dessous) et améliorer l’apprentissage des élèves, de même qu’à accroître le sentiment d’efficacité et la satisfaction des enseignant(e)s, il convient d’encourager les activités de formation collectives telles que le tutorat, l’observation collégiale et le coaching, la recherche collaborative ainsi que les réseaux d’enseignant(e)s. Ainsi que le souligne le rapport officiel TALIS:
Si les décideurs souhaitent favoriser la collaboration professionnelle, ils pourraient à l’avenir axer leur action publique sur ces types d’activité de formation continue, qui sont associés à ces résultats. (OCDE, 2014b, p. 186)