Telle est la question posée lors d’un débat qui a réuni récemment à Bruxelles les représentant(e)s des syndicats belges de l’éducation et les militant(e)s de la société civile pour discuter des conséquences de l’Accord économique et commercial global entre l’UE et le Canada sur le secteur public, en particulier sur l’éducation.
Ce débat s’est déroulé dans le cadre d’un séminaire organisé le 15 juin dernier à Bruxelles par une coalition de la société civile belge, auquel ont participé une centaine de participant(e)s et ayant pour thème: « L’Accord économique et commercial global entre l’UE et le Canada (CETA), Cheval de Troie du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) ? ». Les participant(e)s ont discuté, entre autres, des implications exactes en ce qui concerne l’accès à la santé, l’éducation et la mobilité; de la prévention de nouvelles « méga-crises » financières, de la protection de la vie privée et de la qualité de l’alimentation dans les cantines scolaires.
L’enseignement et l’approche de liste négative du CETA
Eugène Ernst, Secrétaire général de la CSC-Enseignement, syndicat affilié à l’Internationale de l’Education (IE) a participé à une séance intitulée « CETA: quels impacts sur les services publics, l’éducation, l’accès à la santé et la protection sociale? ».
Au cours de sa présentation, il a rappelé aux participant(e)s que le texte de l’accord CETA ne parle pas de l’enseignement, mais de services éducatifs (« educational services »).
Il précise également que, au sein de cet accord, tout est libéralisé sauf les secteurs dont la libéralisation est explicitement limitée dans les « listes négatives ». Le texte du CETA ainsi qu’un tableau récapitulatif sur les listes négatives indiquent que l’Union européenne a demandé une réserve (« reservation ») concernant les services éducatifs. L’éducation est donc bien reprise dans la liste européenne des exceptions mentionnées dans le CETA, mais cette exception s’applique uniquement au « traitement national » et à « l’accès au marché ». En conséquence, l’enseignement n’est pas protégé dans les autres règles et normes du CETA. « Cette situation est préoccupante dans le cas de la Belgique, qui n’a pas préservé le secteur des services d’éducation », a déclaré Ernst.
Limitations
L’« exception liée à l’autorité gouvernementale » n’est pas suffisante pour protéger l’enseignement public. Si le système éducatif d’un pays est en partie fourni sur une base commerciale, ou si des écoles privées sont actives dans ce pays, l’éducation pourrait ne pas profiter de cette exclusion générale. En conséquence, beaucoup de services publics, y compris l’éducation, les services sociaux et de santé, ainsi que les services basés sur des réseaux, sont universels et ne sont pas couverts par cette clause d’exemption.
Il convient d’exclure de manière plus efficace et élargie l’éducation et les autres services publics, a déclaré Ernst. Pour les services éducatifs exclusivement financés par le secteur privé, précise-t-il encore, il faut voir ce que peut impliquer la « clause de cliquet » qui stipule que des modifications futures sont autorisées mais seulement dans le sens de plus de libéralisation.
Bien public
Il a réitéré que l’éducation est un droit humain et un bien public et que, surtout, elle relève de la responsabilité des gouvernements. L’accès à une éducation de qualité ne doit jamais reposer sur une discrimination fondée sur le genre, l’origine ethnique, le handicap, l’orientation sexuelle, la religion ou la capacité financière, a-t-il souligné, avant d’ajouter: « Une éducation gratuite de qualité est essentielle pour promouvoir le développement économique et social, la cohésion sociale, l’égalité des chances, la création d’emplois et la juste distribution des revenus et des richesses ».
Ernst a clôturé sa présentation sur la conclusion suivante : « Alors que les inégalités se creusent à l’intérieur des pays et entre ceux-ci et, dans ce contexte, des services publics comme l’enseignement sont plus importants que jamais ».