Le Réseau Climat de l’Internationale de l’Éducation (IE) s’est réuni le 22 avril dernier pour célébrer la Journée de la Terre et mené une discussion éclairée sur la réforme nécessaire pour promouvoir une pédagogie de l’espoir ainsi qu’une éducation de qualité au changement climatique dans toutes les salles de classe. A cette occasion, les syndicalistes de l’éducation ont été rejoint·e·s par trois militantes pleines d’enthousiasme à la tête du mouvement des jeunes pour l’action climatique et la justice climatique.
De l’anxiété climatique à l’action climatique
Les jeunes citent souvent l’anxiété climatique parmi leurs principales préoccupations. Une enquête menée en 2021 auprès de 10.000 jeunes de 10 pays a ainsi conclu que 75% d’entre eux·elles estimaient que l’avenir était « effrayant » et 58% jugeaient qu’il·elle·s et les générations futures étaient trahies par les gouvernements.
Susciter l’espoir n’est pas chose facile dans un contexte marqué par la guerre, les violations généralisées des droits humains, la dégradation environnementale et l’intensification des effets climatiques. Dans ce contexte, dispenser un enseignement aux étudiant·e·s sur les multiples crises mondiales, les injustices systémiques et la catastrophe climatique imminente ne suffit pas. L’éducation ne peut avoir d’effet catalyseur d’actions et de militantisme que si elle est imprégnée d’espoir éclairé par une réflexion critique et porté par les principes de justice sociale.
Lors de sa 10e réunion, le Réseau Climat de l’IE s’est penché sur les conditions nécessaires à l’intégration d’une pédagogie de l’espoir dans l’éducation au changement climatique et sur les moyens nécessaires pour donner aux enseignant·e·s les outils leur permettant de susciter l’espoir dans la salle de classe et d’apporter aux étudiant·e·s les compétences, les connaissances et les valeurs pour lutter en faveur d’un monde juste et durable.
Les syndicalistes de l’éducation ont été rejoint·e·s par les militantes pour le climat Mitzi Jonelle Tan (Fridays for Future, Philippines), Xiye Bastida (Fridays for Future, Mexique/États-Unis), et Pheobe Hanson (Teach for the Future, RU) qui sont à la tête de campagnes pour l’action climatique dans leurs pays respectifs et à l’échelle internationale. Ensemble, il·elle·s ont abordé le concept de pédagogie de l’espoir de Paulo Freire et son application dans l’enseignement sur le thème de la crise climatique et le contenu de l’éducation au changement climatique. Il·elle·s ont également débattu de la façon dont l’éducation au changement climatique est inextricablement liée à d’autres aspects de l’éducation pour un avenir viable de manière plus générale : l’éducation aux droits humains, l’éducation pour une citoyenneté mondiale, l’éducation pour la compréhension interculturelle, l’éducation contre le racisme et l’éducation pour la paix.
Les jeunes militantes ont convenu que dispenser un enseignement sur le thème de la crise climatique sans aborder les mesures d’adaptation ou d’atténuation que peuvent prendre les étudiant·e·s peut alimenter un sentiment d’anxiété. Pour encourager une pédagogie de l’espoir, l’éducation climatique doit être axée sur les solutions et être décolonisée. L’ éducation climatique doit également être intégrée à toutes les matières à chaque niveau d’enseignement, être ancrée dans les réalités locales des étudiant·e·s et tenir compte des visions du monde traditionnelles sur notre relation avec la nature au lieu d’aborder le sujet du point de vue de l’exploitation des ressources.
Le changement structurel en termes d’infrastructures scolaires est également nécessaire. Mitzi Jonelle Tan a évoqué cette réalité aux Philippines où les établissements scolaires font souvent office de centres d’évacuation pendant les catastrophes naturelles qui deviennent de plus en plus fréquentes en raison du changement climatique. Cela a pour conséquence d’interrompre l’enseignement pendant de longues périodes. Récemment, des milliers d’écoles du pays ont dû fermer à cause de la chaleur extrême. Bien qu’il s’agisse d’un exemple des effets directs des conditions climatiques extrêmes sur l’éducation, cela montre également la nécessité de décoloniser les systèmes éducatifs.
La milinate a expliqué que :
« De nombreux enseignantes et enseignants ont dénoncé cette situation. Le gouvernement doit commencer par écouter la profession enseignante. Nos écoles ne sont pas conçues pour faire face à cette chaleur et il fait de plus en plus chaud », a-t-elle ajouté.
Syndicats et militant·e·s pour le climat font front commun pour la justice sociale et les droits syndicaux
Le groupe de jeunes militantes et membres du réseau ont convenu que la lutte pour la justice climatique et celle pour les droits des travailleur·euse·s étaient profondément liées. Celles et ceux qui ne bénéficient pas de conditions de travail décentes sont souvent les plus vulnérables face à la crise climatique. Comme l’a souligné Xiya Bastida, « la solidarité entre mouvements est essentielle. Nous ne sommes pas ici pour seulement parler du climat, nous sommes ici pour parler de justice. »
Les enseignant·e·s et leurs syndicats jouent un rôle particulièrement important. Les enseignant·e·s ne sont pas seulement directement affecté·e·s par la crise climatique, ils·elles peuvent également, à travers l’éducation au changement climatique, donner aux nouvelles générations les moyens d’agir. Les syndicats de l’éducation promeuvent le changement en plaidant à la fois pour de meilleures conditions de travail des éducateur·trice·s et pour une éducation climatique de qualité pour les étudiant·e·s.
Phoebe Hanson a souligné :
S’exprimant du point de vue syndical, Jenny Cooper du Syndicat national de l’Éducation (National Education Union – NEU) du Royaume-Uni a affirmé que « la crise climatique, la décolonisation, le salaire et les conditions de travail sont liés les uns aux autres – ils découlent tous de la même soif de pouvoir et d’accaparation des terres. À travers notre action en faveur des salaires et des conditions de travail des enseignantes et enseignants, nous sommes bien placés pour aborder le changement climatique et de nombreux autres problèmes dans nos sociétés. »
Motif d’espoir: les recommandations des Nations Unies pour renforcer la profession enseignante
En février, le Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante a publié ses recommandations à l’intention des gouvernements visant à transformer la profession enseignante et à remédier à la pénurie d’enseignant·e·s. Outre les salaires compétitifs, les conditions de travail de qualité et l’autonomie professionnelle, le Groupe appelle à :
• L’intégration de l’éducation au développement durable, notamment les connaissances du climat, dans les programmes scolaires et dans l’enseignement de manière transversale ;
• La conception de la formation et du développement professionnel des enseignant·e·s en conséquence, de sorte que les enseignant·e·s aient accès à du matériel d’enseignement et d’apprentissage gratuit, de qualité et actualisé sur ces sujets ;
• L’élaboration, au financement et à la mise en œuvre, par les gouvernements, de stratégies d’adaptation et de réaction d’urgence afin de rendre les établissements d’enseignement plus résilients face aux conséquences négatives du changement climatique.
Ces recommandations constituent un nouvel et puissant instrument pour demander des comptes aux gouvernements en vue de donner la priorité à l’éducation climatique.
Les syndicats de l’éducation continuent d’œuvrer ensemble à l’éducation climatique de qualité pour tou·te·s
Le Réseau Climat de l’Internationale de l’Éducation rassemble des dirigeant·e·s syndicaux et membres du personnel dont le travail syndical est guidé par le changement climatique. Le Réseau a été créé en 2021, en vue d’orienter la campagne de l’IE : Enseignez pour la planète, qui appelle à une éducation de qualité au changement climatique et à une transition juste vers une économie verte pour tou·te·s.
La campagne s’appuie sur les informations du Manifeste de l’Internationale de l’Éducation pour une éducation de qualité au changement climatique pour tou·te·s – un document de politique qui met en exergue la vision de la profession enseignante pour une éducation de qualité au changement climatique, ainsi que le cadre politique nécessaire pour le mettre en œuvre.
Après 10 réunions virtuelles, les membres du réseau se retrouveront en personne à l’occasion du 10e Congrès mondial en juillet 2024.