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Inde : les éducateur·trice·s demandent instamment aux autorités gouvernementales de prendre des mesures urgentes pour garantir la santé et la sécurité de la communauté éducative

Publié 13 août 2021 Mis à jour 21 septembre 2021
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L’organisation syndicale All India Primary Teachers Federation (AIPTF) a demandé à plusieurs reprises aux autorités publiques étatiques et fédérales d’écouter la voix des éducateur·trice·s afin de mieux assurer la sécurité et la santé des enseignant·e·s, des personnels de soutien à l’éducation et des étudiant·e·s durant la pandémie de COVID-19 qui les frappe de plein fouet.

Kamala Kanta Tripathy, secrétaire général de l’AIPTF, a souligné : « La pandémie de COVID-19 a créé une situation sans précédent, obligeant les gouvernements et la communauté éducative à trouver rapidement des solutions pour assurer la continuité de l’éducation de qualité à tous les niveaux. En Inde, plus de 320 millions d’élèves ont été victimes de la pandémie. »

Les défis des éducateur·trice·s indien·ne·s

Les principaux défis rencontrés par les membres, relevés dans le cadre des consultations en ligne et des webinaires organisés par l’AIPTF, sont les suivants :

  • La fermeture des établissements scolaires durant plus de 18 mois, sans l’espoir d’une réouverture des écoles primaires à court terme, a entraîné la démotivation à la fois des enfants et des enseignant·e·s.
  • Les enseignant·e·s n’ont pas bénéficié d’une formation suffisante pour passer à l’enseignement en ligne.
  • Plus de 80 % des étudiant·e·s n’ont aucune ressource ni aucun accès pour assurer leur l’apprentissage à distance.
  • Santé mentale, physique et nutritionnelle des enfants.
  • Prolongation des heures de travail, retard dans le paiement des salaires/pensions, diminution arbitraire des salaires ou gel des indexations salariales annuelles, etc.
  • Harcèlement et sécurité des femmes enseignantes, menaces, propos injurieux, etc.

Les revendications auprès des autorités étatiques et fédérales restent sans réponse

L’AIPTF a fait pression sur le ministre de l’Éducation et les dirigeant·e·s des différents États indiens afin de fournir aux enseignant·e·s les ressources de base pour les protéger dans l’exercice de leur profession. L’organisation syndicale a lancé un appel à ses affiliés nationaux, leur demandant d’envoyer des lettres de solidarité au Premier ministre indien. Malheureusement, les gouvernements n’y ont guère prêté attention.

« L’AIPTF et ses affiliés ont continué à faire pression sur les gouvernements afin que les enseignants soient considérés comme des ‘combattants du corona’, au même titre que le personnel médical et les professionnels de la santé, mais nos revendications sont restées lettre morte face à l’attitude inflexible des gouvernements », a expliqué Kamala Kanta Tripathi.

L’enseignement en ligne n’est pas la solution

L’AIPTF a sévèrement critiqué dans les médias le calendrier inapproprié pour le lancement de la Politique d’éducation nationale 2020, à un moment où la population entière luttait pour sa survie. Selon le dirigeant de l’AIPTF, son syndicat a été le premier à s’opposer à l’enseignement en ligne, en particulier pour les enfants marginalisés, et à comprendre que le gouvernement avait pour objectif inavoué d’encourager les intervenants privés à jouer un rôle dans le processus d’enseignement à distance.

Par la suite, souligne-t-il, de nombreuses études ont été menées par des organisations de la société civile et d’autres syndicats, comme les syndicats d’enseignants et d’étudiant·e·s de l’université de Delhi, pour démontrer les conséquences de l’enseignement en ligne : « Dans l’État d’Assam, notre homologue a été invité par le gouvernement à trouver des solutions pour l’éducation des enfants. Une autre expérience innovante menée dans l’État de Jharkhand a été mentionnée par le Premier ministre au cours d’une émission-débat sur les nouvelles stratégies d’enseignement en période de pandémie. »

Rouvrir les écoles

S’agissant de la réouverture des écoles, l’AIPTF fait pression sur l’ensemble des gouvernements, aux niveaux fédéral et étatique, pour engager le dialogue social, afin de pouvoir assurer une reprise rapide de l’enseignement et de l’apprentissage ordinaires et éviter ainsi une nouvelle dégradation des résultats scolaires. La fédération de l’éducation a fermement insisté sur le fait que, avant toute réouverture des écoles, l’ensemble du personnel enseignant devait être vacciné et les bâtiments scolaires dûment désinfectés, ces derniers ayant été utilisés comme centres de quarantaine par le gouvernement.

Les revendications des éducateur·trice·s indien·ne·s

L’AIPTF et ses 25 affiliés étatiques n’ont cessé de soulever les problèmes rencontrés par le personnel enseignant depuis avril 2020, date à laquelle un confinement national a été décrété pour enrayer la propagation du virus. Tous continuent de réclamer que des mesures urgentes soient prises par les différents gouvernements des États dans les principaux domaines suivants :

  • Protection et formation du personnel enseignant chargé d’effectuer des tâches en lien avec la COVID-19.
  • Retard dans le paiement des salaires et des pensions.
  • Sécurité et assurances.

Kamala Kanta Tripathi demeure catégorique : « L’attitude désinvolte du gouvernement dans la gestion de la situation a contribué à aggraver la pandémie. Des populations de toutes les franges de la société ont succombé au virus. Le système de santé publique s’est effondré et le personnel enseignant considéré comme ‘disponible’ par les gouvernements des États en raison de la fermeture des écoles s’est vu attribuer toutes sortes de tâches, sans nécessairement avoir été formé pour les accomplir. »

Depuis avril 2020, l’AIPTF s’efforce de convaincre les gouvernements, aux niveaux fédéral et étatique, de mettre en place des mesures de prévention et de fournir, entre autres, des équipements de protection individuelle et des masques, avant de demander aux enseignant·e·s d’effectuer des tâches en lien avec la pandémie, telles que le dépistage par prise de la température corporelle ou la gestion des postes de contrôle sur les routes situées en zones de confinement.

Processus et devoir électoraux : un danger pour le personnel enseignant

Au mois de mai dernier, l’AIPTF a demandé instamment au gouvernement de l’Uttar Pradesh de suspendre le processus électoral jusqu’à ce que la crise sanitaire soit mieux contrôlée. Le syndicat a lancé cet appel après avoir eu à déplorer le décès, à la suite d’une infection à la COVID-19, de nombreux·euses enseignant·e·s déployé·e·s pour travailler dans les bureaux de vote.

Selon les membres de l’antenne de l’AIPTF dans l’Uttar Pradesh, plus de 1.600 enseignant·e·s auraient perdu la vie après avoir contracté le virus en travaillant aux urnes.

Si l’AIPTF reconnaît que le déploiement des enseignant·e·s et des employé·e·s de la fonction publique réquisitionné·e·s pour travailler dans les bureaux de vote représente « une responsabilité très importante pour le développement et la croissance du pays », l’organisation a néanmoins souligné avec insistance que ce n’était pas un moment opportun pour organiser ce type de travail.

Comme le souligne Kamala Kanta Tripathi : « Dans les différents États, nos affiliés n’ont cessé de faire pression au nom des familles de nos collègues qui ont perdu la vie après avoir contracté la COVID-19 dans l’exercice de leurs fonctions, afin d’obtenir des indemnisations et d’attribuer aux membres de ces familles des postes dans les services publics correspondant à leurs qualifications, etc. Parfois, nos collègues et nous-mêmes avons réussi à atteindre ces objectifs, bien que, dans l’État du Bihar, les négociations soient toujours en cours. »

En ce qui concerne l’État du Tamil Nadu, Shri N. Rangarajan, secrétaire général adjoint de l’AIPTF et secrétaire général de la Tamil Nadu Elementary School Teachers Federation (TESTF), et Dr J. Eswaran, chercheur scientifique, expliquent : « Lentement mais sûrement, les syndicalistes de l’éducation ont décidé d’aller de l’avant pour offrir aux enfants défavorisés un avenir meilleur après la pandémie. Cependant, les gouvernements de la planète doivent reconnaître les problèmes mondiaux auxquels se heurte l’enseignement primaire dans les communautés défavorisées et proposer des solutions et des réformes politiques concrètes, en consultant les syndicats de l’éducation, les différentes parties prenantes et les spécialistes en la matière. »

Les enseignant·e·s de l’enseignement primaire, ajoutent-ils, sont face à un défi particulier que rencontrent un grand nombre de pays à revenu faible et intermédiaire, où le contact avec les étudiant·e·s et leurs parents a dû s’établir dans un contexte très inhabituel.

Appel au soutien conjoint et à la coopération des différents acteurs de l’éducation

Passant en revue les expériences tirées de la pandémie, Kamala Kanta Tripathi souligne : « Selon les enseignants et les enseignantes, il s’agit du moment le plus difficile de leur carrière, ayant été les témoins de situations sans précédent comme les confinements, la fermeture prolongée des écoles à travers le monde et les bouleversements dans les méthodes de travail, la plus douloureuse étant l’impossibilité d’entrer en contact avec leurs élèves. Cette transition n’a pas été facile : maintenir le contact avec l’ensemble des élèves d’une classe s’est avéré un défi de taille. Environ un tiers des élèves font leurs devoirs et posent des questions en cas de besoin. Pour les autres, nous savons que divers obstacles les empêchent de recevoir un enseignement adéquat. »

Il craint que le système éducatif indien ne s’effondre dans les quelques années à venir et ne doive lutter pour faire face aux effets de la pandémie. Il indique néanmoins : « Continuer à faire les choses telles que nous les faisons depuis tant d’années n’est tout simplement pas une solution. La hausse du taux de décrochage scolaire, le stress traumatique, l’anxiété et la baisse des niveaux de compétence ne peuvent pas se résoudre au moyen de méthodes obsolètes. Répondre aux problèmes que pose la pandémie dans une classe nécessite une réelle compréhension, un soutien collectif et une coopération de la part des différents acteurs. »

Réaffirmant « l’engagement de l’AIPTF et de ses affiliés à protéger la santé, la sécurité et le bien-être des élèves et du personnel enseignant », Kamala Kanta Tripathi a rappelé la nécessité de mettre en place des mesures spécifiques pour protéger l’ensemble de la communauté éducative, qui assure la continuité de l’enseignement et de la prise en charge des enfants.

Il ajoute : « Nous continuerons à faire pression sur les gouvernements afin qu’ils collaborent avec le personnel enseignant et les syndicats de l’éducation pour trouver les moyens de poursuivre le processus éducatif durant la fermeture temporaire des écoles. Ces moyens ne pourront être trouvés qu’en présence de l’expertise et de l’expérience du personnel enseignant. »

Dérogation à l’ADPIC

En première ligne de la lutte contre la COVID-19, bien que l’AIPTF ne fasse pas campagne concernant les dérogations aux dispositions de l’ADPIC (Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) à l’Organisation mondiale du commerce, la fédération se félicite du soutien apporté par le gouvernement fédéral indien à cette proposition, afin que les vaccins puissent être fabriqués en Inde pour satisfaire la demande.

Changement climatique

Pour l’AIPTF, il est également de la plus haute importance de lutter contre le changement climatique étant donné que ces derniers provoqueront davantage de pandémies dans le futur, ainsi que des pertes de vies humaines dues en particulier aux inondations soudaines et aux conditions climatiques extrêmes. Les enseignant·e·s et leurs organisations doivent donc prendre les devants pour sensibiliser les générations futures aux effets négatifs du changement climatique dans les différentes sphères de la vie.

Kamala Kanta Tripathi souligne : « Il est de notre responsabilité de laisser aux générations futures une planète viable. Nous savons tous que l’éducation est un facteur essentiel dans le combat urgent contre le changement climatique. Sensibiliser à ce phénomène permet aux jeunes de comprendre et affronter les conséquences du réchauffement planétaire, de les encourager à changer leurs comportements et de les aider à s’adapter à ce qui est déjà une urgence mondiale. Partout dans le monde, on observe une tendance croissante à faire valoir le pouvoir de l’éducation pour lutter contre le changement climatique et s’y adapter. »

C’est ce que préconise également la campagne de l’Internationale de l’Éducation Enseignez pour la planète, lancée en avril dernier.

Solidarité du mouvement syndical mondial de l’éducation

Au mois de mai dernier, le Bureau exécutif de l’Internationale de l’Éducation a adopté une déclaration sur l’Inde, reconnaissant « la nécessité de prendre des mesures immédiates pour endiguer la flambée des infections et décès, et soulager le chagrin, la peine et la douleur qui dévastent des centaines de milliers de personnes dans la sous-région ».

Cette déclaration note avec tristesse ce qui suit :

  • L’Inde connaît une flambée de contaminations à la COVID-19 depuis avril 2021 et, depuis le 11 mai 2021, le sous-continent indien enregistre près de 50 % des nouveaux cas de COVID dans le monde.
  • Selon les données gouvernementales, plus de 290.000 personnes, y compris des professionnel·le·s de la santé et des membres du personnel éducatif, ont succombé au virus jusqu’à présent, mais les chiffres réels, selon divers rapports, sont beaucoup plus élevés.

Le Bureau exécutif de l’Internationale de l’Éducation a également exhorté le gouvernement fédéral et les gouvernements des États de l’Inde à :

  • Renforcer le secteur de la santé publique et fournir les ressources nécessaires pour contenir efficacement la montée en puissance de la pandémie.
  • Offrir une compensation appropriée aux familles des enseignant·e·s et du personnel éducatif qui ont succombé à la COVID-19 dans l’exercice de leurs fonctions.
  • Fournir des secours pour surmonter la pandémie, en particulier aux plus vulnérables et aux personnes marginalisées.
  • Accélérer le déploiement de la vaccination pour que tous les groupes de population puissent être vaccinés immédiatement, et donner la priorité à la vaccination des enseignant·e·s afin de garantir un retour sûr à l’enseignement et à l’apprentissage en classe.
  • Instaurer un dialogue social avec les syndicats de l’éducation, garantir la protection et les droits de tou·te·s les travailleur·euse·s de l’éducation et renforcer les consultations avec les syndicats en vue de s’assurer que les mesures prises après la pandémie soient à la fois inclusives et exhaustives.

Le Bureau exécutif invite également les organisations membres à se montrer solidaires envers les éducateur·trice·s et les syndicats de l’éducation en Inde en ces temps difficiles.