Le 8e Congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation (IE) réuni à Bangkok, Thaïlande, du 21 au 26 juillet 2019,
(1) Rappelant que la meilleure façon de servir le bien public consiste à assurer une diffusion des savoirs la plus étendue et la plus accessible possible, y compris les travaux universitaires et la recherche pédagogique ;
(2) Préoccupé par les tendances inégalitaires en matière d’accès à et de création de matériel éducatif, de recherche et d’autres œuvres de création qui nuisent à une plus grande participation de tous à la culture et à l’éducation, indépendamment de l’âge, du handicap, de l’origine ethnique ou de l’appartenance ethnique, du genre, de l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle, de la langue, du statut marital, du statut migratoire, du militantisme politique, de la religion, du statut socio-économique, de l’affiliation syndicale ou de la situation géographique, entre autres ;
(3) Reconnaissant que les progrès technologiques ont globalement amélioré les possibilités d’accès et de partage des connaissances, mais fortement préoccupé par le fait que bon nombre d’enseignant·e·s, universitaires, chercheur·euse·s, personnels de soutien à l’éducation (PSE) et étudiant·e·s n’ont toujours pas accès à une infrastructure informatique adéquate et/ou ne peuvent utiliser de façon équitable les contenus numériques du fait d’une réglementation restrictive du droit d’auteur, de verrous numériques et de « murs payants » (paywalls) ;
(4) Insistant sur la nécessité d’améliorer l’infrastructure technologique (les plateformes, par exemple) ainsi que les formats des œuvres dédiées à l’éducation et à la recherche afin qu’elles soient accessibles à tou·te·s et puissent être aisément consultées, utilisées et adaptées par les enseignant·e·s, les personnels de soutien à l’éducation et les chercheur·euse·s ;
(5) Attirant l’attention sur les déséquilibres existants en termes de production et d’utilisation de matériel dédié à l’éducation et à la recherche entre l’hémisphère Nord et l’hémisphère Sud ;
(6) Reconnaissant que la disponibilité des manuels et autres supports dédiés à l’enseignement et à l’apprentissage constitue un volet fondamental du droit à l’éducation et que l’objectif de développement durable n° 4 (ODD 4) sur l’éducation de qualité ainsi que le cadre d’action y relatif sont un rappel constant aux gouvernements de leur obligation de respecter ce droit et de rendre accessibles aux enseignant·e·s « les manuels, les autres supports et technologies d’apprentissage et les ressources éducatives libres » (UNESCO) ;
(7) Affirmant l’importance d’une meilleure disponibilité des Ressources Educatives Libres (REL) pour la fourniture d’une éducation de qualité équitable pour tous et d’environnements d’enseignement et d’apprentissage plus ouverts et collaboratifs au sein des établissements d’enseignement ;
(8) Condamnant le fait que le mercantilisme et les pratiques commerciales peuvent servir à exploiter les connaissances et le travail des enseignant·e·s, des chercheur·euse·s et des personnels de soutien à l'éducation lorsqu'ils contribuent à l'élaboration d'ouvrages ;
(9) Reconnaissant que l’octroi de licences libres permet de diffuser auprès du public le matériel utilisé à des fins éducatives et de recherche tout en permettant à leurs créateur·rice·s d’en contrôler l’utilisation (les licences Creative Commons, par exemple) ;
(10) Affirmant que les travaux de recherche et les ressources financés par des fonds publics devraient toujours être accessibles sous licence libre ;
(11) Réaffirmant la résolution du Congrès de l’IE sur les droits d’auteur et l’éducation, qui préconise une approche équilibrée de la législation sur le droit d’auteur et souligne la nécessité de défendre et d’élargir les exceptions et limitations internationales du droit d’auteur à des fins éducatives et de recherche ;
(12) Reconnaissant l’importance des exceptions et limitations internationales du droit d’auteur pour les personnes handicapées, à l’instar du Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès aux œuvres publiées, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés ;
(13) Soulignant l’importance de faire progresser les politiques en matière de libre accès aux travaux universitaires et de contester les pratiques abusives de certains éditeurs, comme énoncé dans la Déclaration politique de l’IE sur le libre accès dans l’enseignement post-secondaire, l’enseignement supérieur et la recherche;
(14) Le 8e Congrès mondial appelle l’IE et ses affiliés à plaider pour :
(i) un engagement commun de la part des utilisateur·rice·s, des éducateur·rice·s, des institutions et des gouvernements de promouvoir des politiques relatives au droit d’auteur, aux ressources éducatives libres et au libre accès qui favorisent l’ouverture et appuient la promotion de l’éducation et de la recherche en tant que bien public et droit humain ;
(ii) l’élaboration et la mise en œuvre de politiques relatives aux manuels, au droit d’auteur, aux REL et au libre accès en consultation avec les syndicats de l’éducation, de manière à assurer leur conformité avec les normes nationales de qualité régissant l’enseignement et l’apprentissage, leur indépendance totale vis-à-vis des impératifs commerciaux et la prise en compte des spécificités culturelles et des différences entre les genres, sans porter atteinte aux conditions de travail et à l’autonomie des enseignant·e·s et des universitaires, notamment leur droit à une reconnaissance pleine et entière;
(iii) des campagnes conjointes avec les associations de bibliothèques et d’autres acteurs de la société civile partageant les mêmes préoccupations et valeurs eu égard aux REL, au droit d’auteur et au libre accès ;
(iv) des politiques négociées (les conventions collectives, par exemple) qui garantissent que les enseignant·e·s, les chercheur·euse·s, les formateur·rice·s et les personnels de soutien à l’éducation conservent un contrôle sur leurs œuvres, tout en encourageant une culture du partage en recourant, par exemple, aux licences libres et aux politiques d’archivage institutionnel ;
(v) le libre accès, les ressources éducatives libres et d’autres œuvres sous licence libre ne devraient pas être utilisés par les gouvernements ou des institutions pour réduire les fonds destinés aux bibliothèques ou les investissements dans le développement de matériel éducatif. Les économies réalisées doivent être pleinement réinvesties dans l’enseignement, la recherche et la diffusion des savoirs ;
(vi) une approche inclusive des réformes en matière de droit d’auteur, de REL et de libre accès, éliminant les obstacles et permettant à chacun de favoriser l’accès au matériel éducatif et de recherche ainsi qu’aux autres œuvres de création et d’en tirer parti ;
(vii) l’établissement d’un dialogue social entre les partenaires sociaux, les organisations d’employeurs et de travailleur·euse·s, en vue de parvenir à des "conventions collectives" et d’en assurer la mise en œuvre, en particulier pour les établissements d’enseignement publics au niveau national.
(15) Le Congrès donne mandat au Bureau exécutif pour:
(i) plaider afin que toutes les agences des Nations Unies, y compris l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), collaborent à la réalisation des objectifs de développement durable des NU ;
(ii) faire pression auprès de l’OMPI afin que celle-ci aborde la question des exceptions et limitations internationales du droit d’auteur pour les personnes souffrant de handicaps qui ne sont pas couverts par le traité de Marrakech et avancer dans l’élaboration d’un instrument international concernant les exceptions et les limitations du droit d’auteur à des fins d’éducation et de recherche, et que son Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes se penche sur l’utilisation transnationale des œuvres ;
(iii) envisager de commander des travaux de recherche sur le droit d’auteur, le libre accès et les REL, qui soient capables de soutenir l’action de plaidoyer et les travaux politiques au niveau national et international ;
(iv) s’engager aux côtés de l’UNESCO pour ce qui concerne la mise en œuvre du plan d’action de Ljubljana sur les REL et de la recommandation de l’UNESCO sur les REL, afin de fournir des conseils aux gouvernements et de suivre les progrès accomplis au niveau national dans le domaine des politiques et pratiques liées aux REL ; et
(v) étudier comment d’autres pratiques ouvertes telles que l’Open Data (données ouvertes), l’Open Pedagogy (pédagogie ouverte), l’Open Source (code source ouvert), l’Open science (science ouverte), l’Open Software et l’Open Hardware (logiciel et matériel informatique libres), notamment, peuvent contribuer à la promotion de modes de travail plus inclusifs, ouverts et transparents dans les secteurs de l’éducation et de la recherche.