Au cours des 50 dernières années, les attitudes envers les personnes handicapées ont changé. Que l’on considère le handicap comme une condition médicale, à travers le prisme des droits humains ou des formes d'exclusion, sa compréhension a considérablement évolué.
On pourrait prétendre que nous en savons maintenant plus que jamais sur le handicap. A l'échelle internationale, des cadres législatifs, comme la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), décrivent en détail le rôle que les gouvernements peuvent jouer dans l’ancrage des droits des personnes handicapées et dans l'éradication de l’habilisme, ce terme désignant la discrimination à l’encontre des personnes handicapées ou le fait de privilégier les personnes valides. Des militant(e)s handicapé(e)s ont réussi à faire valoir un plan d'action axé sur les droits qui exige que les personnes handicapées puissent vivre librement; ils/elles ouvrent par ailleurs une nouvelle voie dans l'éducation, la santé, l'emploi et l'économie.
A l’échelle mondiale, la réalité d'un grand nombre de personnes handicapées reste pourtant souvent inchangée. Plus de la moitié des enfants handicapés ne reçoivent aucune éducation formelle. Le taux de chômage des personnes handicapées est en moyenne cinq fois plus élevé que la moyenne nationale (TDSB dans http://www.itispossible.ca/the-project/statistics/ Retrieved May 14th).
La CDPH, signée et ratifiée en 2006, a déterminé la nouvelle voie à suivre. Pourtant, en 2016, le Comité sur la CDPH a signalé une mise en œuvre extrêmement lente de ses principales recommandations. Le Comité a reconnu l'ampleur du défi à relever, indiquant que « de profonds défis persistent. Des millions de personnes souffrant d’une déficience continuent de se voir refuser le droit à l'éducation, et beaucoup d’autres reçoivent une éducation de qualité inférieure, dans des milieux où elles sont souvent isolées de leurs pairs.
Le rapport du Comité de la CDPH appelle les sociétés du monde entier à inclure les personnes handicapées dans tous les aspects de la vie moderne, y compris l'éducation. Il convient toutefois de souligner que cela représenterait un énorme changement social. En effet, même si le discours académique et fondé sur les droits a considérablement évolué au sujet du handicap, cette évolution est nettement plus lente dans le secteur de l’éducation. Il est temps de repenser le handicap dans l'éducation.
Le handicap est compris différemment sur le plan formel, médical et pédagogique et sur le plan informel, dans les normes sociales et les attitudes. Par exemple, une politique garantissant l’emploi d’un nombre accru de d’enseignant(e)s handicapé(e)s dans les écoles ne se traduit pas nécessairement par une augmentation de l'embauche, par un plus grand respect de la part des pairs valides ou non valides ou par des attitudes non discriminatoires envers les enseignant(e)s handicapé(e)s. Le même constat s’applique à la salle de classe.
Comme d'autres formes d'exclusion, fondées notamment sur le genre, la classe, la race ou la sexualité, l’exclusion fondée sur le handicap ne se limite pas aux déficiences d’une personne. C'est le contexte social qui en fait une personne valide ou handicapée. Comme les féministes et les anti-racistes auparavant, les attitudes à l'égard de l'exclusion de certains organismes à l'extérieur de la classe (dans les affaires, l'emploi, ou de la production culturelle, par exemple) sont recréés dans la salle de classe. Le handicap est une catégorie dynamique basée sur le contexte. Les conséquences du handicap varient en fonction du croisement de facteurs comme le sexe, la race, la nationalité, la pauvreté, la sexualité et la citoyenneté.
Dans les années 1970, des militant(e)s britanniques handicapé(e)s ont contesté la conceptualisation du handicap comme un problème médical individuel. Des militant(e)s et des penseurs/euses tels que Mike Oliver ont établi une distinction, appelée « modèle social du handicap », entre la déficience et le handicap, où la déficience est une limite mentale, physique et psycho-sociale, et le handicap est la réponse relationnelle et sociale à cette déficience. Si l’on établit à nouveau un parallèle entre genre et handicap, l'inégalité fondée sur le genre n'est pas enracinée dans les différences de sexe, mais plutôt dans les relations sociales qui déterminent la façon dont ce sexe est perçu ou compris. Le sexe est biologique, le genre est social. Par exemple, les efforts de scolarisation pour les filles se concentrent sur les barrières sociales et les attitudes défavorables à leur scolarisation, non sur les obstacles limités au sexe.
Les militant(e)s en faveur des personnes handicapées affirment qu'être aveugle ou déficient(e) visuel(le) n'est pas en soi handicapant, mais que vivre dans un monde créé pour et par les personnes voyantes impose des limites handicapantes à l'engagement actif des non-voyant(e)s. Le modèle social du handicap rejette l'idée selon laquelle le handicap vit dans un corps, ou dans une personne; il place le fardeau de l'invalidité sur la société. Il demande aux enseignant(e)s de repenser leur compréhension du handicap dans l'éducation. La réflexion du modèle social place tou(te)s les étudiant(e)s, y compris les étudiant(e)s handicapé(e)s, au centre de l'apprentissage. Il prévoit que l'instruction en classe, la structure de la classe et l’architecture des bâtiments changent pour accueillir les étudiant(e)s, et pas l’inverse.
La réflexion du modèle social encourage les éducateurs/trices, les ministères de l'éducation et les conseils scolaires:
-à comprendre le handicap différemment et à changer les attitudes discriminatoires;
-à modifier leurs pratiques et politiques afin d'inclure tous les étudiant(e)s;
-à laisser les personnes handicapées diriger leur propre apprentissage et identifier les besoins et les stratégies; et
-et dans ce processus, il transforme les organisations et les institutions. (Rieser, 2013)
Comprendre le handicap comme une exclusion et une discrimination enracinées dans les rapports sociaux a considérablement façonné les cadres de la politique législative comme l'Accord de Salamanque et L'Education pour Tous, qui œuvrent pour une éducation inclusive. L'inclusion est l'idée que tous les élèves et apprenant(e)s sont capables de grandir et d'apprendre ensemble dans un même espace, indépendamment du handicap, de la race, de la classe, du genre, de la sexualité et de la caste. De quel genre de soutien les enseignant(e)s ont-ils/elles besoin pour des classes plus inclusives qui permettent l'intégration du handicap? Ce thème est le sujet d'une prochaine publication de l’Internationale de l'éducation intitulée « Repenser le handicap ».
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.