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Stopper le PTCI, l'ACS, l'AECG, l'APT et les autres accords de commerce et d'investissement similaires

Résolution du 7e Congrès Mondial

Publié 25 juillet 2015 Mis à jour 21 octobre 2024
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Le 7e Congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation (IE) réuni à Ottawa, au Canada, du 21 au 26 juillet 2015:

1. Réaffirme l’opposition de longue date de l’IE aux accords de commerce multilatéraux, plurilatéraux, régionaux et bilatéraux visant la privatisation et l’exploitation mercantile des services publics, notamment l’éducation.

2. Exprime ses plus vives inquiétudes face à la nouvelle vague d’accords de commerce et d’investissement négociés actuellement par les gouvernements nationaux et les institutions supranationales telles que l’Union européenne (UE). Il s’agit notamment de l’Accord économique et commercial global entre l’UE et le Canada (CETA), du Pacte transatlantique de commerce et d’investissement entre l’UE et les Etats-Unis (PTCI)1, de l’Accord de partenariat transpacifique (APT) et de l’Accord sur le commerce des services (ACS) auquel prennent part 23 membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont l’UE en tant qu’entité.

3. Estime que ces accords de commerce et d’investissement entraîneront de lourdes conséquences sur l’économie mondiale, sachant que ces derniers serviront de modèles pour les accords futurs.

4. Constate que les pays en développement sont susceptibles d’être davantage touchés par les règles imposées par les accords de commerce et d’investissement, limitant et entravant la création et le développement de services publics, notamment l’éducation.

5. Condamne le manque de transparence et de contrôle démocratique adéquat, et déplore le fait que les représentant(e)s des pays les plus pauvres de la planète soient totalement exclu(e)s des négociations.

6. Constate que l’objectif de ces accords dépasse de loin le cadre habituel des réductions tarifaires, en imposant des limites aux mesures pouvant être prises par les gouvernements à l’intérieur de leurs frontières, notamment au travers d’une convergence et d’une uniformisation des réglementations entre pays ne tenant pas compte des priorités nationales.

7. Estime que ces accords menacent directement l’offre de services publics de qualité, dont l’éducation, sachant qu’ils limitent la capacité des gouvernements à réglementer dans l’intérêt public, tout en favorisant la libéralisation de ces services et le renforcement des droits des entreprises multinationales.

8. Estime également que l’exécution des accords régis par les entreprises portera atteinte à la souveraineté nationale des États, aux droits des travailleurs/euses, ainsi qu’aux normes sociales et environnementales.

9. Demeure sceptique quant aux déclarations officielles certifiant que ces accords de commerce et d’investissement contribueront à créer davantage d’emplois et à augmenter la capacité financière des travailleurs/euses. Il est à craindre, au contraire, que les éventuels avantages économiques découlant de ces accords fassent l’objet d’une répartition inéquitable et soient éclipsés par le prix à payer par les travailleurs/euses et leurs familles.

10. Le 7e Congrès mondial de l’IE se montre particulièrement préoccupé par les dispositions suivantes des accords de commerce et d’investissement:

a. Règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE): commission d’arbitrage favorable aux entreprises, permettant aux sociétés étrangères d’engager des poursuites contre des États souverains, au cas où des mesures prises dans l’intérêt public par un gouvernement élu, une autorité locale ou une instance mandatée par les autorités, telles que les organismes d’accréditation et de financement, limiteraient les droits d’investir des entreprises.

(i) Les mécanismes de RDIE prévus dans les accords commerciaux actuels, auxquels ont recours et dont abusent les entreprises nationales pour contourner les politiques publiques légitimes.

(ii) La possibilité de faire valoir les mécanismes de protection des investisseurs et le RDIE pour amener les pays à accepter les politiques néolibérales de privatisation, les partenariats public-privé, les écoles à charte, les systèmes de chèques-études, les structures de prêts aux étudiant(e)s et d’autres modèles de marché similaires, applicables aux services publics et au secteur de l’éducation en particulier.

(iii) La charge que fait peser sur le contribuable le versement de sommes importantes à des entreprises étrangères, puisées dans les fonds publics, pour s’acquitter des indemnités dues dans le cadre d’une procédure de RDIE, calculées sur la base d’une évaluation des pertes futures des entreprises.

b. Approche de la « liste négative »: tous les services, y compris l’éducation, pourront être déréglementés sauf en cas d’exclusion spécifique mentionnée par les parties engagées.

c. « Clause d’ajustement »: mécanisme permettant de perpétuer systématiquement la nature contraignante des déréglementations instaurées par les parties. En d’autres termes, si un gouvernement accepte une libéralisation partielle ou intégrale du secteur de l’éducation, les gouvernements suivants ne pourront abroger cette mesure sans s’acquitter de lourdes indemnités compensatoires.

d. Coopération et cohérence en matière de réglementation: introduction de nouveaux processus technocratiques pour l’élaboration des politiques, supervisés par des instances de réglementation investies du pouvoir de contrôler le respect des engagements réglementaires en matière de critères, processus et autres révisions, et chargées de formuler des propositions concernant les réglementations futures.

e. Droits au travail: absence de dispositions réglementaires exécutoires pour protéger et renforcer les droits des travailleurs/euses et des employé(e)s – par exemple, une clause contraignante prévoyant la protection des droits du travail, s’appuyant sur les Conventions fondamentales de l’Organisation internationale du Travail.

Le 7e Congrès mondial de l’IE:

11. Salue la contribution et le soutien des affiliés nationaux de l’IE aux campagnes de lutte contre les accords de commerce et d’investissement.

12. Salue le travail accompli par l’IE, le Comité syndical européen de l’Éducation (CSEE) et les autres régions de l’IE pour coordonner les campagnes et faire pression pour lutter contre les accords de commerce et d’investissement.

13. Salue les campagnes et les actions de mobilisation organisées par l’IE, le CSEE et les autres régions de l’IE pour attirer l’attention sur les risques potentiels que représentent les accords PTCI, AECG, APT et ACS pour les systèmes d’éducation, et souligne la difficulté de définir avec précision et sans ambiguïté les exemptions pour l’éducation, en particulier dans le domaine de la formation des adultes, de l’enseignement supérieur et de l’enseignement professionnel.

14. Souligne le risque d’être confronté à un fait accompli, en l’occurrence, devoir accepter des accords inappropriés et inacceptables n’ayant pas pu être modifiés et orientés par les travailleurs/euses et les citoyen(ne)s et dont les délais rendent difficile la mobilisation de l’opposition.

15. Rappelle les précédentes tentatives d’entériner définitivement le droit d’investissement des entreprises multinationales – par exemple, l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) signé fin des années 1990 et suspendu en partie suite à la pression populaire.

16. Prie instamment le Bureau exécutif de l’IE d’adopter une position claire marquant une opposition de principe au PTCI, à l’AECG, à l’APT et à l’ACS et aux autres accords de commerce et d’investissement similaires, ainsi qu’à l’inclusion du RDIE dans d’autres accords tels que les Traités bilatéraux d’investissement, et de continuer à exercer la pression et à mener des campagnes en faveur d’accords soutenant la croissance, les emplois décents, la protection des services publics de qualité et le respect des normes en matière de travail, de consommation, d’environnement, de santé et de sécurité.

Le Congrès mandate également le Bureau exécutif pour:

17. Attirer l’attention des membres de l’IE sur la gravité et l’incidence des accords de commerce et d’investissement, et insister pour que les organisations nationales représentant le personnel de l’éducation prennent en compte ces accords dans leur programme de travail.

18. Faire en sorte que les accords de commerce et d’investissement soient inscrits dans le programme du groupe de travail de l’IE chargé d’étudier la privatisation et la commercialisation de l’éducation.

19. Collaborer avec les Fédérations syndicales internationales, la Confédération syndicale internationale et les organisations non gouvernementales dans le cadre des campagnes de lutte contre les accords de commerce et d’investissement préjudiciables, en ce compris les propositions émanant de l’Organisation mondiale du commerce.

20. Préconiser des politiques de commerce et d’investissement alternatives respectant pleinement les obligations des États prévues par les lois internationales, leur constitution et leur législation nationale en matière de droits humains, notamment le droit à l’éducation, et favorisant une croissance basée sur la création d’emploi, garantissant le travail décent, respectant les droits des peuples autochtones, rehaussant le niveau de vie de l’ensemble des citoyen(ne)s et prônant un développement durable et respectueux de l’environnement.

21. Faire campagne pour exiger que tous les accords en cours et futurs soient soumis à une consultation et à une surveillance rigoureuse et transparente, afin de garantir qu’ils soient acceptables et profitables aux millions de personnes concernées par leur contenu, dans tous les pays couverts par de tels accords.