Les autorités du Zimbabwe sont parvenues à éviter une nouvelle grève paralysante en octroyant aux enseignants une augmentation immédiate de leur salaire de 1 000 %.
À quelques jours de la rentrée des classes, une grève des enseignants semblait inéluctable vu l’inflation galopante que connaît ce pays. En novembre de l’année dernière, les enseignants ont averti – sans surprise – qu’ils se mettraient en grève si leur salaire n’était pas revalorisé. À l’heure actuelle, l’enseignant le moins bien rémunéré touche la bagatelle de 15 millions $Z, soit juste assez pour acheter sept pains de la moins bonne qualité !
Dirigé par un gouvernement miné par la corruption et apparemment incapable de gérer l’économie, le Zimbabwe est en proie à une catastrophe économique sans précédent. Le taux officiel de l’inflation s’élève à 24 000 %, mais des analystes indépendants affirment qu’en réalité il atteint 100 000 %.
Le système bancaire ne dispose pas de suffisamment de liquidités pour desservir la population, ce qui provoque d’énormes files d’attente à l’entrée des banques. Les coupures d’eau et d’électricité sont monnaie courante. Ajoutez à tout cela la répression politique et vous obtenez les conditions idéales pour l’exode de réfugiés politiques et économiques.
Les deux principaux syndicats d’enseignants du pays sont le Zimbabwe Teachers’ Association (ZIMTA), qui est membre de l’IE, et le Progressive Teachers Union of Zimbabwe (PTUZ), qui a sollicité son adhésion à l’IE. Ces deux syndicats se préparent à une épreuve de force avec le gouvernement en ce qui concerne leurs revendications salariales.
Selon la nouvelle échelle des salaires, un enseignant débutant gagnera un salaire brut de 260 millions $Z. Ce montant se divise comme suit : la rémunération de base de 150 millions $Z, la prime de transport de 78 millions $Z et l’indemnité de logement de 30 millions $Z. Un enseignant expérimenté percevra aux environs de 330 millions $Z. En outre, les indemnités de transport et de logement seront exonérées d’impôt.
Le PTUZ estime que le gouvernement doit accorder aux enseignants un salaire mensuel de 526 millions $Z, allocations comprises. Dans une lettre circulaire adressée à ses membres, le secrétaire général du PTUZ, M. Raymond Majongwe, explique que la majoration constante du coût de la vie au Zimbabwe a obligé le syndicat à revoir radicalement ses exigences salariales à la hausse. Il soutient que ces augmentations pécuniaires aideront très peu les enseignants à lutter contre le rude climat hyperinflationniste.
Les diverses grèves qui ont eu lieu l’année dernière leur ont permis d’obtenir une revalorisation salariale à 15 millions $Z mais après quelques semaines, cette somme les a laissés bien plus pauvres encore. La nouvelle proposition de hausse de 1 000 % correspond pratiquement aux revendications des syndicats. Le problème, c’est qu’entre le moment où ces exigences ont été formulées – à savoir au mois de novembre – et maintenant, les prix des biens et des services de base ont flambé.
M. Jacob Rukweza, un enseignant exerçant dans la capitale, déclare avoir été informé au même titre que ses collègues qu’ils recevront la moitié du nouveau salaire cette semaine, tandis que l’autre moitié sera versée en fin de mois. La plupart des enseignants attendent de voir si les augmentations promises apparaîtront ou non sur leur compte bancaire.
Ces derniers mois, le pays a été ébranlé par plusieurs grèves. Les médecins, les infirmiers, les magistrats et les autres personnels des services judiciaires font grève pour dénoncer leurs maigres rémunérations. La hausse de 600 % proposée par les autorités a été rejetée jusqu’à présent. Bien que certains médecins et infirmiers aient repris le travail pour des raisons humanitaires, leurs syndicats rappellent que la majorité d’entre eux sont en grève et continuent à négocier avec le gouvernement pour obtenir de meilleures offres.
Entre-temps, le ministre de l’Education, M. Aeneas Chigwedere, a déconseillé aux enseignants d’exercer du chantage sur le gouvernement, tout en ajoutant que celui-ci « s’occuperait des militants » qui veulent inciter les enseignants à se mettre en grève. « Le gouvernement se soucie des travailleurs mais ces derniers ne doivent pas formuler des exigences démesurées. Nous examinons actuellement les augmentations de salaire des enseignants pour 2008 et je suis sûr qu’ils seront contents », a ajouté M. Chigwedere.
Le PTUZ considère toutefois qu’en 2007, quelques 25 000 enseignants ont abandonné leur emploi et quitté le pays pour occuper des postes subalternes essentiellement en Afrique du Sud, le riche voisin méridional du Zimbabwe, tandis que d’autres se sont envolés pour la Grande-Bretagne et l’Australie. Cette tendance semble vouloir se confirmer.
Rédigé à partir des dossiers de Patricia Mpofu et Lance Guma.
Cet article à été publié dans Mondes de l'Éducation, No. 25, f´vrier/mars 2008.