“Les réponses sont en nous”. Cette assertion résume l’esprit de la 6ème Conférence mondiale des populations autochtones (WIPCE), qui fêtait en août les succès réalisés par les populations autochtones dans la transmission de leurs héritages culturels et encourageait le partage des expériences positives en matière d’usage et de promotion des langues et cultures autochtones. 2200 éducateurs se sont inscrits à la conférence et plusieurs centaines de bénévoles étaient présents pour contribuer à son succès.
En mai 1985, des populations autochtones du monde entier s’étaient rassemblées à Vancouver (Canada) pour créer l’Association mondiale des populations autochtones sur l’éducation (WIPEA). En 1987 s’est tenue la première Conférence du même nom à Xwmelch’sten (Canada), et l’expérience a été renouvelée quatre fois pendant les années 1990.
Cette année, en dépit du temps froid lors des cérémonies d’ouverture de la WIPCE, l’accueil de l’hôte de la conférence, la FNAHEC (le consortium des premières nations sur l’éducation supérieure et des adultes) et des Chefs des Réserves de Bear’s Paw, Chiniki et Wesley de la nation d’accueil, les Nakodas, était chaleureux. Le Premier ministre de l’Alberta, Ralph Klein, a accueilli les délégué(e)s, qui ont également été honorés de la présence de la Reine des Maoris d’Aotearoa (Nouvelle Zélande).
L’aménagement du site la conférence permettait de faire un bond dans le temps car on se croyait revenu à l’époque où les tipis couvraient la vallée de la rivière Bow. Les tipis (tentes traditionnelles) ont été utilisés par les 200 animateur/trices pour leurs ateliers, qui traitaient de thèmes aussi variés que l’approche aborigène de l’apprentissage holistique ou l’apartheid à la sauce australienne.
Janet Beaver, de la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants, Laures Park et Olive Hawira, du syndicat néo-zélandais de l’éducation NZEI Te Riu Roa, ont proposé au nom de l’IE une présentation intitulée “Voix autochtone mondiale sur l’éducation”. Les animateurs ont brièvement introduit le travail de l’IE et la problématique de l’éducation autochtone en Nouvelle Zélande et au Canada. Ensuite, une plume d’aigle est passée de main en main, et chacun a partagé son expérience et son opinion sur cette problématique dans son propre pays (Hawaii, Canada, Etats Unis, Australie, Tasmanie et Norvège). La présentation encourageait les éducateur/trices autochtones à collaborer à tous les niveaux, du local jusqu’au mondial, pour transformer l’éducation afin de satisfaire les besoins d’apprenants et d’enseignants, autochtones ou non.
Les participant(e)s ont identifié les problématiques suivantes sur lesquelles il faut agir d’urgence:
L’extinction de langues par manque de moyens pour les programmes de langues autochtones La nécessité d’éduquer les enseignant(e)s et élèves non-autochtones au sujet des peuples autochtones Le manque de ressources et de curriculums pour soutenir les programmes éducatifs autochtones Le manque d’engagement des populations autochtones dans le développement des curriculums et programmes Les évaluations et étiquetages inappropriés des élèves autochtones (“enfants en difficulté, en échec” ou “enfant perturbé”) Le manque de ressources pour satisfaire les besoins spécifiques des étudiant(e)s autochtones Taux faibles de persévérance scolaire pour les enfants autochtones Soutien insuffisant de l’éducation culturelle pour les élèves autochtones ou non Entraves au niveau de la reconnaissance professionnelle des enseignant(e)s autochtones Entraves à l’engagement autochtone dans les syndicats d’enseignants Nécessité de politiques pour l’éducation autochtone à mettre en oeuvre dans les écoles Nécessité de faire disparaître le racisme des écoles Manque de reconnaissance des moyens de connaissances et de la vision du monde des autochtones Attentes moindres des élèves autochtones dans le système éducatif Nécessité d’une sensibilisation de tous les enseignants à la culture autochtone comme partie intégrante du processus de reconnaissance professionnelle et de recyclage
Les participant(e)s de l’atelier étaient tous très enthousiastes au sujet du site (voir encadré) et du fait qu’ils pouvaient établir un réseau de contacts international pour collaborer et partager leur expertise.
Les réponses sont en nous. Les peuples autochtones doivent avoir la possibilité de s’exprimer et de définir leur propre voie, en matière d’éducation et autres. Nous avons des systèmes d’éducation traditionnelle qui fonctionnent. Les aînés nous disent que l’éducation doit satisfaire les besoins de l’enfant dans son ensemble: corps, esprit et âme. Nous savons que ce n’est actuellement pas toujours le cas. Des enfants autochtones partout dans le monde éprouvent des difficultés à rester à l’école tout en continuant à pratiquer leur langue.
Il faut transformer l’éducation pour que les enfants autochtones réussissent et que leurs communautés puissent prendre les décisions permettant de tracer la voie à suivre pour leurs descendants. Il faut développer des pédagogies et programmes de cours basés sur la vision autochtone du monde et sur ses moyens de connaissances. De nombreux éducateurs autochtones dans le monde ont déjà vécu ce processus de transformation de l’éducation et peuvent en aider d’autres.
Tout comme une botte de foin composée de centaines de brins, un seul brin d’herbe est faible mais une tresse est très résistante. En collaborant et en partageant leurs expériences, les éducateur/trices autochtones sont forts et leurs voix sont puissantes. Edifions un réseau fort dans le monde entier et transformons-le pour nos enfants, autochtones et non-autochtones, afin qu’ils se sentent respectés et fiers, qu’ils se sentent à l’école comme chez eux. Les réponses sont en nous.
Jan Beaver Fédération canadienne des enseignantes et enseignants Enseignante spécialisée dans l’histoire et la culture aborigène
Cet article a été publié dans le magazine Mondes de l'Education n°5 en 2003