La rentrée des classes est toujours chargée en émotions pour les personnels comme pour les élèves : de l’excitation à l’anxiété en passant par l’anticipation et l’incertitude. En me replongeant dans ma propre enfance, je me souviens encore très clairement de la tension qui montait à l’approche du premier jour d’école. J’avais hâte de retrouver mes camarades et attendais avec impatience de pouvoir faire de nouvelles rencontres. J’étais également curieux de découvrir la personne qui me ferait cours. Serait-elle gentille ? M’apprécierait elle ? L’enseignement serait-il divertissant, difficile ou les deux ?
En entrant dans un espace éducatif, que ce soit une classe de maternelle ou un amphithéâtre d’université, chaque élève a un fort besoin d’appartenance. Les premières semaines de l’année scolaire sont déterminantes dans la mise en place d’un environnement d’apprentissage sûr, accueillant et positif qui permette à CHACUN ET CHACUNE de s’épanouir dans le respect de sa propre authenticité. La construction d’une communauté respectueuse et inclusive au sein de nos salles de classe est sans doute la composante la plus importante d’un enseignement et d’un apprentissage efficaces.
Bien souvent, nos élèves non binaires n’ont pas un sentiment d’inclusion dans nos espaces d’apprentissage. La raison en est que la plupart des adultes, y compris moi-même, a grandi en ayant une compréhension très partielle des complexités du sexe biologique et du genre. Il arrive fréquemment qu’on confonde sexe biologique et genre car, dans de nombreuses sociétés, ces deux concepts sont historiquement liés au point d’être parfois utilisés de manière interchangeable dans le langage courant, occultant des définitions pourtant bien distinctes.
Afin de mieux soutenir la diversité de genre de nos élèves, il est essentiel de développer une compréhension commune de la différence entre genre et sexe biologique. Le sexe biologique fait référence à des attributs physiques tels que les chromosomes, les taux d’hormones, les organes reproducteurs et autres caractères sexuels secondaires. Le genre, quant à lui, est une construction sociale et culturelle qui englobe les rôles, les comportements et les identités que les sociétés attendent, valorisent et imposent. Il reflète la manière dont les individus s’expriment intrinsèquement, qui n’est pas nécessairement liée à leurs caractéristiques biologiques.
De plus, nombre de sociétés s’entêtent dans une vision très binaire du sexe biologique et du genre, dans laquelle seules deux options sont possibles : homme ou femme. Il s’agit en réalité d’une simplification excessive. À l’image de la couleur de peau, le sexe biologique se définit plutôt comme un spectre. Des variations biologiques existent au-delà des catégories homme et femme, notamment les intersexuations, dans lesquelles les personnes présentent des combinaisons de chromosomes, d’hormones et de caractéristiques physiques qui les placent en dehors du modèle binaire et qui sont le reflet de la diversité naturelle de la biologie humaine.
En tant que construction sociale, le genre aussi forme un spectre, qui comprend une grande variété d’identités associées à la masculinité, à la féminité, aux deux ou à aucune. D’ailleurs, de nombreuses cultures admettent plus de deux genres. Par exemple, certaines communautés autochtones d’Amérique du Nord reconnaissent les personnes bispirituelles (Two-Spirit, en anglais), qui présentent des qualités dites « masculines » et « féminines ». De la même manière, les cultures d’Asie du Sud utilisent le terme de « hijra » comme une catégorie de genre à part et certains groupes des Samoa acceptent un troisième genre sous l’appellation « fa’afafine ».
Ces différents points de vue m’ont aidé à élargir ma compréhension du genre au-delà des étiquettes rigides d’« homme » et de « femme » avec lesquelles j’ai grandi. Ils m’ont aussi permis de réfléchir à mes pratiques en tant qu’enseignant et de les améliorer afin de soutenir la magnifique diversité de genre dans nos classes.
Une de mes toutes premières interactions avec mes élèves consiste à apprendre leur prénom. Intégrer les pronoms à ces présentations est un processus très naturel. Je montre l’exemple en donnant mes propres nom et pronoms. J’offre également à la classe l’occasion de poser des questions ou de demander des éclaircissements en cas de méconnaissance de cette pratique, bien que je constate que la plupart de mes élèves du secondaire comprennent parfaitement le concept inclusif des pronoms car il a déjà été bien intégré au cours des années scolaires précédentes.
Toutefois, il est important de souligner que tout le monde n’est pas à l’aise lorsqu’il s’agit de communiquer ses pronoms. Certaines personnes transgenres, non binaires ou en questionnement ne sont pas prêtes à faire connaître leur identité de genre. D’autres peuvent s’y opposer pour diverses raisons qui leur sont propres. Le plus important reste le respect. Aussi, vous pouvez autoriser vos élèves à ne pas révéler leurs pronoms, du moment que la pratique n’est ni moquée ni dénigrée.
Respecter le prénom choisi par l’élève, même s’il ne correspond pas au nom officiel, est également fondamental. En grandissant, je n’ai jamais utilisé mon prénom William en entier mais le diminutif Billy, que l’ensemble de mes professeur·es ont volontiers adopté. Le recours à un surnom ou autre prénom choisi est une pratique courante.
Ainsi, j’évite de lire les noms de la liste de présence. Tout d’abord parce que je ne veux pas faire d’erreur de prononciation, mais aussi pour ne pas employer un prénom avec lequel l’élève pourrait être mal à l’aise. Je préfère laisser à chacun et chacune la possibilité de se présenter auprès de toute la classe en utilisant la prononciation correcte du nom choisi ainsi que ses pronoms, si l’élève le souhaite. De plus, j’inclus une série d’activités telles qu’un projet de décoration d’un casier virtuel ou un devoir d’inventaire des élèves de manière à offrir à tout le monde l’occasion de communiquer des informations sur son identité. J’ai également appris qu’il est primordial de vérifier auprès des élèves s’il convient que j’utilise d’autres prénoms ou pronoms dans mes échanges avec leur famille.
Au début de l’année scolaire, je prends le temps de réviser les noms et pronoms de mes élèves car il s’agit d’une marque de respect. En effet, utiliser le mauvais prénom ou mégenrer les élèves en employant les mauvais pronoms peut être jugé irrespectueux et blessant, voire leur donner un sentiment d’insécurité.
Par ailleurs, une autre pratique utile est celle d’adopter un langage plus inclusif en cours. Ainsi, il est préférable d’éviter de faire des suppositions sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle des élèves, de la même manière qu’il est essentiel de reconnaître les différentes structures familiales et de ne pas partir du principe que l’ensemble des élèves vivent dans un foyer avec « un papa et une maman ».
C’est pourquoi j’encourage l’ensemble des enseignantes et enseignants s’adressant à une classe à éviter des expressions qui renforcent la binarité, telles que « garçons et filles » ou « mesdames et messieurs », car des élèves ne se reconnaissent pas forcément dans ces termes, ce qui peut leur donner un sentiment d’exclusion ou d’invisibilisation. Ces expressions sont facilement remplaçables par des tournures neutres ou inclusives comme « élèves », « classe », « tout le monde », etc.
Enfin, n’oubliez pas que construire un environnement sûr et inclusif pour les élèves non binaires est un processus continu. Vous allez commettre des erreurs, mais ce n’est pas grave. Les élèves savent reconnaître les bonnes intentions. Restez à l’écoute des remarques des élèves, collègues et organisations LGBTQIA+ et continuez d’apprendre pour créer des espaces pédagogiques qui célèbrent la diversité de genre, une des nombreuses et magnifiques facettes des identités complexes qui composent nos salles de classe.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.