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Soudan du Sud : un jeune syndicat renforcé et enhardi par la coopération Sud-Sud

Publié 26 février 2024 Mis à jour 19 avril 2024
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« Nous allons nous servir de l’expérience partagée par le Syndicat national des enseignant·e·s de l’Ouganda (Uganda National Teachers’ Union - UNATU) comme point de départ et veillerons à convaincre le gouvernement de coopérer avec nous ». Tels sont les mots employés par Garang Deng Kuol Athian, président du Syndicat national des enseignant·e·s du Soudan du Sud (National Teachers Union South Sudan - NTUSS) pour décrire l’échange fructueux avec l’UNATU.

Le partenariat, consistant en visites communautaires soutenues financièrement par la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE) a été « primordial pour mobiliser et transformer cette jeune organisation en syndicat fort et indépendant », a-t-il ajouté.

Le NTUSS intègre des stratégies visant à attirer et mobiliser les enseignant·e·s

Le dirigeant de NTUSS a expliqué que son syndicat s’est engagé dans le partenariat en 2023 sur suggestion de Dennis Sinyolo, directeur du bureau régional Afrique de l’Internationale de l’Éducation (IE), « parce que nous étions une nouvelle organisation et que nous poursuivons notre développement encore aujourd’hui ».

Le bureau Afrique de l’IE a précisé qu’il existait des organisations fortes en Afrique de l’Est, dont l’UNATU, travaillant déjà en partenariat avec la FCE qui a approuvé un plan de soutien financier de ce partenariat prévoyant l’échange d’expériences entre collègues du NTUSS et d’Ouganda.

« Trois d’entre nous avons fait le déplacement en Ouganda où nous avons été accueillis par Filbert Baguma et l’UNATU. Notre objectif était de nous rendre dans leur bureau pour voir leur structure et de partager des idées avec eux, d’en savoir plus sur la façon dont le syndicat a commencé ses actions de campagne, son adhésion à la campagne de l’IE : La force du public : ensemble on fait école et à la promotion de l’éducation gratuite et de l’action contre la privatisation des écoles publiques. Nous avons passé trois jours à travailler avec l’UNATU dans ses bureaux décentralisés situés dans un petit district ».

Kuol Athian a reconnu que son syndicat tirait profit de ce projet. « Nous avons constaté qu’ils étaient confrontés aux mêmes problèmes quand ils ont commencé. Par exemple, ils nous ont dit qu’ils avaient attendu dix ans pour recevoir leur lettre de reconnaissance de la part de leur employeur. Nous nous servirons de cette expérience comme point de départ, et veillerons à convaincre notre employeur de coopérer avec nous. »

Un autre enseignement, a-t-il déclaré est l’importance pour un syndicat d’être indépendant. « Ils ne dépendent pas d’autres sources de financement, en plus de ce qu’ils reçoivent au sein de l’organisation. »

Le secrétaire général du NTUSS, Ibrahim Charles Hussein, a ajouté que « la façon dont l’UNATU mobilise et attire les enseignantes et enseignants en vue de leur adhésion au syndicat est très intéressante. Nous utilisions un ancien modèle de mobilisation. L’UNATU est devenu un syndicat indépendant grâce à ses membres. De retour au Soudan du Sud après cette visite, nous avons modifié nos stratégies, en particulier celles concernant l’identification des membres et nous les développons aujourd’hui. Lentement mais sûrement, le syndicat se renforce. »

Formation sur le syndicalisme donnée par l’UNATU pour les dirigeant·e·s du NTUSS

Répondant à une question sur les origines du projet pour l’UNATU, le secrétaire général Filbert Baguma a indiqué qu’ils avaient « un projet de consortium intervenant dans des camps de réfugiés en Ouganda, appelé BRiCE (Building Resilience in Crises through Education) ». « Dans le cadre du projet BRICE, j’étais mandaté pour soutenir les enseignantes et enseignants du Soudan du Sud, à établir un plan de création d’un syndicat. Nous avons échangé sur les difficultés et les stratégies et les avons formés sur les aspects fondamentaux d’un syndicat. »

Lorsque la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants a décidé de financer une visite d’échange au profit du NTUSS, le choix des syndicalistes sud soudanais a porté sur l’Ouganda et l’UNATU afin d’en savoir plus sur les questions syndicales sur le terrain. « Ils ont visité notre siège et nous leur avons même fait découvrir deux de nos régions pour constater la façon dont se déroulent les affaires régionales et le type de relations entre le siège national et les régions. »

Baguma a souligné plusieurs éléments que le NTUSS a .renforcés grâce à leur collaboration, de la sensibilisation au concept du syndicalisme, à la capacité de leadership, en passant par la communication et la mobilisation. Il a également déclaré que le syndicat avait consolidé ses infrastructures et élaboré des statuts. Tous ces changements ont donné lieu à un leadership solide. « Le syndicat fait partie de la Fédération des enseignantes et enseignants d’Afrique orientale et a rejoint l’Internationale de l’Éducation »

Il estime que « ce jeune syndicat se développera et se renforcera pour le bien des enseignantes et enseignants et des apprenantes et apprenants du Soudan du Sud ».

Philosophie de la FCE en faveur de la coopération Sud-Sud et de la décolonisation

Beverley Park, directrice du Programme de coopération internationale et de justice sociale de la FCE a également expliqué que ce type de projet de coopération s’inscrit « dans notre philosophie, mais c’est une philosophie qui ne s’est pas beaucoup vérifiée dans les faits jusqu’à présent, dans la mesure où même si nous évoquons souvent le soutien aux projets d’étude, notre action s’est traduite en grande partie, pour ne pas dire systématiquement, par le financement de projets avec un partenaire ou un consortium ».

Park a également ajouté que le renforcement des capacités des organisations d’enseignant·e·s est l’un des trois axes d’intervention de la FCE et remarqué que le cycle du projet du NTUSS et l’UNATU avait été très court. « Le voyage a eu lieu au cours du mois de signature de l’accord en février 2023. Pour nous, ce projet est une réussite. »

Sandy Plamondon, active au sein du Programme de coopération internationale et de justice sociale de la FCE, a ajouté que « manifestement, en travaillant avec une organisation africaine formant une organisation africaine, nous participons indirectement à la décolonisation parce que ce ne sont pas les ‘blancs’ qui dictent ou imposent quoi que ce soit. Cet aspect s’inscrit dans notre philosophie syndicale de décolonisation. Enfin, la relation de pouvoir est moindre lorsque deux organisations sont issues de la même région. »

L’initiative NTUSS/UNATU/FCE : source d’inspiration pour la coopération Sud-Sud du futur

« Cette initiative nous inspire vraiment pour l’avenir », a déclaré avec enthousiasme le directeur du bureau Afrique de l’IE, Dennis Sinyolo.

Soulignant l’importance critique de la coopération Sud-Sud, il a remarqué que l’apprentissage et le soutien par les pairs était « une des priorités de notre plan opérationnel qui est une adaptation du plan stratégique global de l’IE. Je crois fermement que les organisations membres en Afrique et dans les pays du Sud doivent s’entraider davantage et devraient se soutenir mutuellement de différentes façons avec le peu de ressources dont ils disposent. »

Cette visite d’échange est l’une des trois initiatives qui ont émergé ou réussi en Afrique jusqu’à présent, a-t-il ajouté.

« Je pense que ces trois exemples inspirants constituent un bon point de départ pour notre action future. Espérons que dans un an ou deux, nous parlerons de cinq ou sept, voire davantage de programmes de coopération Sud-Sud », a-t-il conclu.