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Mauritanie : grève des enseignant∙e∙s pour une vie digne et de meilleures conditions de travail

Publié 23 février 2022 Mis à jour 25 février 2022
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Une coalition des syndicats de l’éducation mauritaniens a appelé à la grève du 21 au 25 février. Celle-ci, bien suivie, vise à « l'arrachement des droits » des enseignant∙e∙s auprès du ministre de l’Éducation et souligne l’unité des enseignant∙e∙s.

Cinq syndicats de l’enseignement secondaire et fondamental de Mauritanie, réunis dans le cadre de l’instance de coordination commune des syndicats de l’enseignement fondamental et secondaire sur toute l'étendue du territoire national, ont déposé un préavis de grève de 5 jours le 19 janvier : le Syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES) – organisation membre de l’Internationale de l’Éducation –, l’Alliance des professeurs de Mauritanie (APM), la Fédération générale des travailleurs de l’éducation (FGTE), le Syndicat Indépendant des professeurs de l’enseignement secondaire (SIPES) et le Syndicat libre des enseignants de Mauritanie (SLEM).

Une première journée d’action réussie

Les informations recueillies par les syndicats sur la première journée d’action syndicale, le 21 février, montrent que les enseignant∙e∙s ont largement suivi le mot d'ordre de grève, le taux atteignant 100% dans certains établissements.

Elles font état de : 7.787 instituteur∙trice∙s grévistes dans 2.702 écoles du primaire (sur 3.306), soit un taux de 67% de grévistes ; et de 4.528 professeur∙e∙s titulaires grévistes dans 307 établissements du secondaire (sur 363), soit un taux de 86% de grévistes.

La coalition syndicale a rappelé que selon la législation nationale :

  • Le droit de grève est reconnu aux fonctionnaires pour la défense de leurs intérêts collectif.
  • Les instituteur∙trice∙s chargé∙e∙s de cours ont le droit d’aller en grève.
  • La grève est interdite aux directeur∙trice∙s d’établissements scolaires et aux personnels d’encadrement et de surveillant∙e∙s de ses établissements.
  • Tou∙te∙s les salarié∙e∙s disposent du droit de grève et son article 16 qui dans le cas de grève, le∙la travailleur∙euse ne peut pas être remplacé∙e.

Elle condamne le fait que des enseignant∙e∙s aient néanmoins été remplacé∙e∙s dans certains établissements scolaires par des prestataires de services et du personnel d’encadrement (directeur∙trice∙s généraux∙ales, directeur∙trice∙s des études et surveillant∙e∙s). « Le ministère a recruté des prestataires de service, alors que la loi l’interdit », a vivement regretté le secrétaire général du SNES, Amadou Tidjane Ba.

Revendications syndicales

Les syndicats de l’éducation demandent aux autorités de satisfaire aux cinq revendications principales suivantes :

  1. La révision des salaires et indemnités des enseignant∙e∙s pour leur garantir une vie décente et leur permettre de s’acquitter pleinement de leur mission ;
  2. L’introduction de primes pour les enseignant∙e∙s, et paiement de toutes les primes de façon continue sur le bulletin de salaire tout au long des douze mois de l’année ;
  3. La suppression du corps des instituteur∙trice∙s adjoint∙e∙s, gelé depuis des années, dans le cadre d’une révision générale du statut des enseignant∙e∙s du fondamental et du secondaire ;
  4. L’équité pour les titulaires de contrats à durée indéterminée parmi les enseignant∙e∙s du secondaire, afin que tous et toutes bénéficient des mêmes primes et droits ; et
  5. L’attribution de terrains aux enseignant∙e∙s, tout en élaborant une politique efficace et évolutive du logement au profit des enseignant∙e∙s.

Lors de la première journée de grève, les enseignant·e·s dans les wilayas (régions) intérieures ont organisé des sit-in devant les directions régionales de l'éducation et les inspections départementales. Lors de ces manifestations, il·elle·s ont présenté les cinq doléances clés. Un sit-in devant le ministère de l’Éducation est prévu à Nouakchott le 23 février.

L'instance commune de coordination entre les syndicats de l'enseignement fondamental et secondaire, tout en annonçant aux militant·e·s la bonne nouvelle du succès de la grève, a salué « leur esprit de détermination, affiché contre les intimidations de tout genre et les propositions alléchantes ».

Les invitant à la persévérance et à accroître l’unification des efforts, elle a réitéré :

  • Sa condamnation des « violations commises par l'administration et ses auxiliaires, qui ne serviront qu'à aiguiser la volonté et la détermination des enseignant·e·s, à poursuivre leur engagement pour le recouvrement de leurs droits perdus » ;
  • Son invitation au ministère de l'éducation « à rompre avec sa politique d'insouciance vis à vis de la mobilisation des enseignant·e·s en ouvrant des négociations immédiates autour des cinq revendications de la grève ; et
  • Son appel à « l'opinion publique, ainsi qu'à toutes les parties intéressées par l'éducation, à comprendre les motifs de la grève des enseignants qui perdure depuis quatre ans, sans obtenir une prise en compte réelle de la part des autorités gouvernementales compétentes ».

Une attitude ministérielle critiquée

Le dirigeant du SNES Ba a insisté sur le fait que, pendant le mois du préavis légal déposé, « les autorités n’ont pas bougé, alors que c’est en principe une période pour faire avancer les négociations. Elles ont laissé aller à la grève. »

Il a dénoncé par ailleurs l’attitude du ministre de l’Éducation, Mohamed Melainine Ould Eyih, durant cette période, ce dernier ayant déjà averti que « la grève ne va aboutir à rien ».

Il a ajouté que le ministère a bel et bien les moyens financiers d’augmenter les enseignant·e·s et de leur offrir des conditions de travail et de vie décentes. « Le ministère de l’Éducation a vu ses fonds augmenter de 7 milliards. Je ne crois donc pas qu’il n’y ait pas d’argent pour les enseignants et enseignantes ».

Selon lui, le ministère devrait au moins donner un calendrier des négociations pour l’an prochain.

Ba a aussi regretté qu’« actuellement, l’argent sert à recruter des prestataires de service et à bâtir des infrastructures éducatives. Mais il n’y a pas une école, un collège, ou un lycée où il ne manque pas des enseignants et enseignantes. Le recrutement fait défaut. »

La coalition syndicale pense à déposer un nouveau préavis de grève le 24 ou 25 février, pour une grève de deux à trois semaines qui se tiendrait à la fin du mois de mars 2022. Et deux autres syndicats non parties prenantes à la grève actuelle songent à rejoindre les cinq autres pour la grève en mars. De plus, la Coalition des organisations mauritaniennes pour l’éducation (COMEDUC) soutient l’action de la l’instance de coordination commune des syndicats de l’enseignement fondamental et secondaire.

Soutien des éducateur∙trice∙s syndicalistes de RDC

La Fédération nationale des enseignants du Congo-UNTC (FENECO-UNTC) de la République démocratique du Congo (RDC) a manifesté son total soutien à la grève des enseignant∙e∙s mauritanien∙ne∙s.

Elle a ainsi appelé, « toute affaire cessante, le gouvernement de la Mauritanie et le banc syndical des enseignants et enseignantes à un dialogue social équilibré entre les deux parties. La seule voie légale pour trouver un compromis acceptable par tous et tous, est la négociation. Il est temps de l'ouvrir. »

Par ailleurs, elle a demandé l'unité des syndicats des enseignant∙e∙s mauritanien∙ne∙s « pour ne pas disperser les énergies lors de la négociation ».

Beaucoup des négociations échouent à cause dispersion des syndicats, la faiblesse des syndicats, le contrôle d'une partie des syndicats par le gouvernement, ou le manque d'autonomie, a-t-elle noté. Pour les collègues syndicalistes de RDC, « seule l'unité pour une seule cause pourra aider à trouver un vrai compromis ».

« Si l'éducation est un droit pour nos enfants, un meilleur traitement des enseignants et enseignantes en est un autre », a assuré la FENECO-UNTC.