Le projet d’Académie Syndicale en Ligne (ASL) de la Fédération Nationale des Enseignants et Educateurs sociaux du Congo (FENECO/UNTC) s’inscrit dans le cadre du renforcement des capacités des syndicats œuvrant dans le secteur de l’Education en République Démocratique du Congo (Enseignement Primaire, Secondaire et Technique ; Enseignement Supérieur et Universitaire ; Formation Professionnelle, Arts et Métiers ; Affaires Sociales).
L'idée est née à la suite d’un constat presque amer partagé dans les milieux syndicaux de la République Démocratique du Congo. Beaucoup de syndicalistes et une bonne partie du personnel éducatif souffrent d’un manque de formation initiale et même continue sur le syndicalisme. Ces insuffisances n'aident pas les syndicats à jouer pleinement leur rôle, que ce soit dans les discussions quotidiennes internes pour prendre des décisions responsables et les faire respecter, tout comme lors des négociations avec les partenaires. Elles ne favorisent pas non plus l'éclosion des syndicats pour devenir des organisations indépendantes, mûres et capables de faire face aux pressions du gouvernement. Par ailleurs, cela fragilise les syndicats, devenant ainsi impuissants et incapables de se dégager du corporatisme étatique, à la base de sa faible capacité de réaction.
Cette position de faiblesse est l'une des causes d'échecs de plusieurs négociations entre le banc syndical et le banc gouvernemental. Des avantages mal négociés dont la mise en œuvre termine à la poubelle ou dans des tiroirs fermés hermétiquement.
Pourquoi former les syndicalistes ?
Les insuffisances, les échecs, les incohérences langagières ont tous pour cause le manque de formation initiale et continue. Il y a en RD Congo des personnes qui se disent syndicalistes, sans aucune notion sur les rudiments du syndicalisme. Certains viennent au syndicalisme par opportunisme dans l'objectif de bénéficier des avantages y afférents et renflouer leurs poches au détriment des syndiqués. Pour une organisation qui se dit « syndicale », il suffit d’être reconnue du côté gouvernement par l’entremise d’une connaissance, l’on se met sur un pied d’égalité avec le reste du paysage syndical comme une organisation sérieuse.
Le mouvement syndical en RD Congo est devenu une sorte de « business et caisse de résonnance des autorités », comme le soulignait un haut fonctionnaire qui a requis l'anonymat. Pour combler ces vides et améliorer la qualité des contributions des uns et des autres, et surtout permettre aux membres d’identifier ceux/celles parmi les responsables « syndicaux » en marge du vrai syndicalisme, la FENECO-UNTC a décidé de remettre les pendules à l'heure en organisant une académie syndicale en ligne. Cette formation a comme finalité de présenter les fondamentaux du syndicalisme. Elle s’adresse essentiellement à ceux ou celles qui n'ont jamais reçu de formation syndicale, afin d’améliorer leur niveau par une formation continue.
Au lieu de toujours attendre que les moyens (experts et finances) nous viennent d'autres cieux, nous voulions aussi, à travers cette initiative, mettre à profit notre expérience et expertise en la matière, suite aux formations et stages effectués au niveau national et international, notamment dans le cadre de la coopération syndicale au développement entre syndicats de différents pays dans le cadre de l’Internationale de l’Education.
Un cadre d’excellence pour défendre les droits des travailleurs
Cette formation se veut d'abord comme un cadre par excellence de ressourcement et aussi de renforcement des capacités pour aider les syndicats à jouer pleinement leur rôle, celui de défendre les droits des travailleurs spécialement le droit des enseignant-e-s des écoles publiques et privées de la République démocratique du Congo.
L'Académie syndicale en Ligne, made in RD Congo, vise également à devenir un cadre de discussion approfondie et constructive. Cela permettra d'améliorer l'image négative que revêt le mouvement syndical national ce qui est de nature à inciter les membres à apporter leur concours, non seulement pour gérer les syndicats, mais surtout pour verser régulièrement leurs cotisations. Ce cadre peut également constituer un espace de dialogue avec les syndicats d’autres pays.
Il s’agit aussi de donner à l'enseignant.e congolais.e des informations essentielles sur le secteur de l'éducation au lieu de parler toujours en son nom sans qu’il.elle ne comprenne le pourquoi ni le comment, et ne subisse que la position d’un groupe d’applaudisseurs coupés de la base.
C’est justement dans ce cadre que nous nous proposons de vulgariser plusieurs instruments juridiques que l'enseignant.e ignore. Il s’agit entre autres des questions liées au recrutement et à la carrière, à la retraite, à l'évaluation de la politique éducative, à la stratégie sectorielle de l'éducation, à l'enseignement à distance, aux Objectifs de Développement Durable (ODD), etc.
Comment cela fonctionne concrètement ?
Une équipe technique a été mise en place pour gérer au quotidien les activités du groupe WhatsApp à travers lequel est délivrée la formation. En effet, étant donné que la majorité des enseignant.e.s ont la possibilité d’utiliser l’application WhatsApp, c‘est le canal qui a été choisi pour diffuser les leçons en format pdf (par WhatsApp ou courriel) et en version papier.
Le facilitateur de la formation qui doit avoir un certain niveau de compétence résume chaque leçon en quinze minutes, il y revient le lendemain pendant encore 15 minutes. Le facilitateur envoie ses leçons en début de journée, entre 1 heure et 10 heures alors que le groupe est fermé aux membres autres que les administrateurs. Après 10h, tous ont la possibilité, par un message vocal ou écrit, dans le groupe ou en privé, de poser des questions et d’obtenir des réponses.
Pour la première édition, chaque participant-e devait verser un droit d’inscription de dix (10) dollars pour pouvoir faire partie du groupe. Le 13 mars dernier, une cérémonie a clôturé la première édition de l’activité à Kinshasa.
A la fin de cette première session, une évaluation a été faite afin de dégager les points forts et les points faibles de cette expérience.
Parmi les points forts, sont à relever notamment :
- L'engouement pour l'inscription à la formation ;
- La formation réussie d’un groupe de syndicalistes;
- La présence de fonctionnaires de l'administration de l'EPST ;
- Le contenu de la formation bien structuré en termes de modules, de leçons, de timing, etc.
- La volonté, la détermination, la discipline, le respect mutuel et l'engagement de tous les membres
- Les acquis de la formation avec l'acquisition du brevet, la documentation et les textes juridiques régissant le sous-secteur
- Le caractère inclusif de la formation réunissant des syndicalistes de tout bord
- L’archivage par les audio et les écrits.
Parmi les points faibles, on peut souligner :
- La faible participation des syndicalistes à la cérémonie de clôture
- Le caractère rudimentaire des moyens techniques distanciels
- Le manque d'interaction
- Le défaut de paiement des droits d’inscription, compte tenu du caractère non contraignant
- La non-sécurisation des leçons
- Une participation réduite des femmes
En somme, et malgré les défis rencontrés concernant certains aspects, l’académie syndicale en ligne a permis au syndicat de jouer pleinement son rôle en termes de formation. Il était d'impérieuse nécessité de parfaire la formation des membres des syndicats afin de leur permettre d'être de vrais défenseurs de la profession. Dans le contexte de la pandémie de la covid-19, le mode distanciel a d’ailleurs permis d'atteindre et de former même les syndicalistes évoluant à l'arrière-pays.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.