L’Internationale de l’Éducation s’est jointe à d’autres fédérations syndicales mondiales pour un webinaire de soutien aux travailleur∙euse∙.s philippin∙ne∙s qui luttent pour défendre les droits et la démocratie assiégés par le gouvernement. Le débat était organisé par le Conseil des Global Unions (CGU). Le CGU regroupe des fédérations syndicales mondiales telles que l’Internationale de l’Éducation, avec la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (TUAC).
L’évènement a rassemblé des dirigeant∙e∙s de fédérations syndicales mondiales et de syndicats des Philippines, ainsi que d’autres défenseur∙euse∙s des droits humains. Les participant∙e∙s ont exposé les dangers qui pèsent sur la démocratie avec le président Duterte. Ils ont mis l’accent sur la récente adoption de la Loi antiterroriste (ATA), une loi si vague qu’elle peut être utilisée pour museler et terroriser les syndicalistes, les journalistes et quiconque manifeste son opposition au gouvernement.
La loi antiterroriste
« Ce webinaire tombe à point nommé pour les Philippines car nous, les philippins, nous nous battons sur tous les fronts contre la loi antiterroriste, dans la rue, dans les cours de justice, au Congrès » a déclaré France Castro, ancienne Secrétaire générale de l’Alliance of Concerned Teachers, une organisation affiliée à l’Internationale de l’Éducation aux Philippines, et membre du Parlement national.
Le 1er septembre, une large coalition d'acteurs de l'éducation aux Philippines a déposé une requête contre la loi antiterroriste de 2020(ATA) devant la Cour suprême nationale. Elle représente l’une des trente-cinq pétitions contre l’ATA, qui en fait, criminalise des actes et des propos protégés par la Constitution du pays.
Castro a insisté sur le fait qu’ATA est un « visa pour la violation du droit d’expression, des procédures régulières, des rassemblements pacifiques et de la protection contre la torture ».
« Le gouvernement mène une guerre contre son peuple », a-t-elle déploré, en soulignant que l’attitude de la résistance vis-à-vis de l’administration actuelle consiste à « ne pas craindre et à poursuivre le combat ».
Liberté de la presse
Les participant∙e∙s au webinaire ont souligné que la liberté de la presse était menacée. Ils ont mis en exergue le cas de la célèbre journaliste philippine de Rappler, Maria Ressa, cible des autorités publiques. Ressa risque jusqu’à six ans de prison pour avoir été reconnue coupable de cyberdiffamation. Le refus des autorités à renouveler la franchise d’ABS-CBN, le plus grand groupe de médias du pays, a également été mentionné.
Le leadership syndical pour la démocratie
En conclusion du webinaire, le secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation, David Edwards, a insisté sur le fait que, tout particulièrement « en ces temps de COVID-19, il est primordial d’afficher notre solidarité. » Il a ajouté que « l’autoritarisme utilise la crise pour accroitre son pouvoir et museler l’opposition par la peur ».
Et de poursuivre que le mouvement syndical occupe « une position unique pour défendre la démocratie, aux côtés de ses frères et sœurs des Philippines », et qu’il condamne formellement la situation actuelle. Edwards a souligné qu’« il ne s’agit pas là de situations théoriques. Les syndicalistes sont les derniers remparts entre la démocratie et la liberté, et la loi martiale et la dictature. »
Le Système des préférences généralisées (SGP) de l’Union européenne et les Philippines
Dans le cadre de son Système des préférences généralisées (SGP), l’Union européenne (EU) accorde un traitement préférentiel aux pays en développement en matière de commerce, en vue de soutenir la réduction de la pauvreté et la création d’emplois centrés sur des valeurs et des principes internationaux.
Le SGP+, un des trois programmes SGP, est un programme de mesures spéciales d’incitation qui réduit à 0 % les tarifs douaniers sur les imports vers l’UE, sur la base de la mise en œuvre de 27 conventions internationales sur les droits humains, notamment en matière de droits des travailleur∙euse∙s, de protection de l’environnement et de bonne gouvernance.
Les Philippines et le SGP+
Le statut de SGP+ a été accordé aux Philippines en 2014. Un document de travail de l’UE pour la période de 2018 et 2019, fait état d’une détérioration depuis l’élection du président Duterte en 2016. Le document prend en compte la transparence, la gouvernance, la violence, la liberté d’expression ainsi qu’un éventail de droits humains, notamment au regard des syndicats et autres droits des travailleur∙euse∙s.
Si les droits ne sont pas respectés, les avantages commerciaux peuvent être suspendus, voire retirés par la Commission européenne. Tel fut le cas du Cambodge le 12 août dernier, dans le cadre du programme « Tout sauf les armes », un autre programme SGP. Cette action a conduit à refuser l’accès au marché européen en franchise, de plusieurs produits substantiels importés. Ces mesures ont été appliquées essentiellement en vertu de la violation des droits syndicaux, dont l’interdiction des rassemblements syndicaux pour les enseignant∙e∙s et travailleur∙euse∙s d’autres secteurs.
L’action du Parlement européen
Le 17 septembre dernier, une Résolution sur la situation aux Philippines a été adoptée par le Parlement européen. Elle stipule qu’en dépit d’« une régression importante du bilan du pays en matière de droits humains, l’UE n’a jusqu’à présent pas déclenché le mécanisme qui pourrait conduire à la suspension de ces avantages commerciaux. »
La Confédération européenne des syndicats (CES), en collaboration avec le mouvement international des syndicats, en particulier la CSI, est très impliquée sur la question du SGP par pays. Ils œuvreront pour les Philippines comme cela a été fait précédemment pour d’autres pays, dont le Cambodge.
Déclaration du CGU
Le 18 septembre, le Conseil des Global Unions a adopté une déclaration(en anglais) sur la Résolution du Parlement européen. Elle se conclut ainsi :
« Le CGU est stimulé par l’action du Parlement européen et soutient les initiatives qui en appellent au mécanisme de la Commission européenne pour considérer la suspension des avantages du SGP+. Cette action est une bonne nouvelle pour le peuple philippin et pour tous ceux qui luttent en faveur des droits humains et de la démocratie. Nous espérons que cette résolution sera un accélérateur vers un avenir meilleur, plus décent lorsque les Philippines pourront à nouveau être accueillies dans les rangs des pays démocratiques. »