Depuis 130 ans, le 1er mai est une journée de mobilisation et d’espoir. En ce jour, nous rendons hommage aux travailleur·euse·s, au mouvement syndical et à la différence colossale que ce dernier a apportée à des milliards d’individus dans le monde. C’est aussi l’occasion de nous tourner vers l’avenir et de trouver à la fois l’optimisme et la motivation dans notre vision commune d’un monde meilleur et plus juste, où règnent la justice sociale, l’égalité, la liberté, la prospérité et la paix.
Le 1er mai de cette année est réellement une journée sans précédent. La pandémie de COVID-19 a mis à l’arrêt la planète entière et nous a fait prendre conscience de la valeur que représente la solidarité. Le premier enseignement que nous pouvons tirer de cette crise est que nous ne pourrons la surmonter qu’en travaillant ensemble et en nous sacrifiant pour protéger des personnes qui nous sont parfaitement étrangères et qui, à leur tour, nous protègent.
Si cette pandémie fait peser une lourde menace sur la santé de millions d’individus, ses conséquences sont bien plus profondes encore. Le COVID-19 est synonyme de perte d’emplois et de revenus pour nombre d’entre nous et de terrible angoisse pour l’avenir de l’humanité. Pour le personnel essentiel, cette pandémie se traduit par des conditions de travail dangereuses et des horaires exténuants pour assurer la continuité des services de base dont le monde ne peut se passer. Beaucoup ont perdu la vie pour sauver celle des autres. Afin d’honorer leur mémoire et pour notre propre bien, nous avons le devoir de faire en sorte que le monde qui sortira de cette crise soit meilleur qu’avant.
Nous ne devons – et ne pouvons – revenir à un monde d’individualisme où le capital règne en maître. Le COVID-19 a mis en lumière quelques-unes des inégalités fondamentales omniprésentes dans notre quotidien. Plusieurs millions de personnes travaillent à domicile, tandis que des centaines de millions d’autres ont vu leurs moyens de subsistance mis en péril. Pour ceux et celles qui ont la chance de pouvoir continuer à travailler, un équilibre sain entre vie privée et vie professionnelle est devenu un luxe. Pour les moins chanceux·euses, le choix relève purement de la stratégie : soit rester chez soi et accorder la priorité à la santé, soit subvenir aux besoins de la famille. Personne ne devrait jamais être contraint de faire un tel choix.
Le secteur de l’éducation a été sévèrement touché par la crise. La fermeture des écoles aux quatre coins de la planète a creusé davantage encore le fossé des inégalités existantes, touchant davantage les plus vulnérables. 90 % de la communauté estudiantine mondiale n’ayant plus accès aux écoles, les gouvernements se sont tournés vers l’enseignement à distance. Mais un grand nombre d’étudiant·e·s n’ont, hélas, pas pu en bénéficier. N’oublions jamais que la moitié de la planète n’a pas accès à Internet et que des centaines de millions d’individus n’ont pas accès à l’électricité. Y compris dans les pays industrialisés, des millions d’enfants et d’étudiant·e·s ne possèdent pas d’ordinateur, ni même un lieu tranquille pour étudier.
Les éducateur·trice·s travaillent sans relâche pour réduire la fracture numérique et soutenir l’ensemble de leurs étudiant·e·s, même en l’absence d’une aide suffisante des gouvernements. Leur mobilisation a été plus qu’exceptionnelle. Les syndicats de l’éducation se sont organisés pour trouver des solutions et fournir du matériel d’apprentissage, de la nourriture et même l’Internet mobile aux plus vulnérables. Beaucoup ont fait don de leurs salaires à des fonds de soutien pour venir en aide à leurs élèves et leurs communautés.
Outre les réponses immédiates à la crise, cette expérience a pleinement démontré que l’enseignement à distance ne peut remplacer les communautés scolaires, que les tablettes, vidéos et autres plateformes en ligne ne peuvent remplacer des éducateur·trice·s formé·e·s, qualifié·e·s et soutenu·e·s. À l’heure où les situations se stabilisent et que les écoles commencent à rouvrir leurs portes, la priorité doit consister à renforcer l’enseignement public gratuit et de qualité pour tous et toutes – seul moyen de mettre un terme aux inégalités profondément enracinées dans notre monde. Cela implique aussi de soutenir les enseignant·e·s et l’ensemble des employé·e·s de l’éducation, en respectant leur autonomie professionnelle, en collaborant avec eux·elles et leurs syndicats et en investissant dans l’enseignement public dans tous les pays du monde.
Alors que notre planète sort progressivement de cette catastrophe, une crise économique mondiale se profile à l’horizon. Aujourd’hui plus que jamais, il est essentiel de rappeler que les soins de santé, l’éducation et l’ensemble des services publics ont été paralysés par plusieurs années de sous-financement au nom des politiques d’austérité et de la reprise économique. Nous ne pouvons permettre que cela se reproduise.
Nous devons, en outre, fermement défendre la démocratie et nos valeurs. Nombreux sont les régimes autoritaires qui ont utilisé et continueront à utiliser cette crise pour renforcer leur mainmise sur le pouvoir. Nous devons rester vigilant·e·s et veiller à ce que les droits humains et syndicaux, la presse indépendante et le principe même de la vérité ne deviennent les proies de la peur et de la manipulation.
En cette journée du 1er mai, nous devons imaginer le futur que nous voulons et travailler ensemble pour le réaliser. Cela passera par la mobilisation, l’organisation et l’éducation. Mais nous pourrons aussi compter sur un énorme soutien partout à travers le monde, car cette crise sanitaire aura, à tout le moins, permis de reconnaître le rôle essentiel des services publics et de mettre en lumière l’importance de chaque travailleur·euse. Nous devons agir maintenant. Ensemble nous pouvons faire en sorte que cette pandémie cède le pas à la solidarité mondiale et à la justice sociale.
David EdwardsSecrétaire généralInternationale de l'Éducation