Les syndicalistes enseignant∙e∙s du Sénégal craignent une aggravation rapide de la crise du coronavirus dans leur pays et prennent les devants afin de garantir la sécurité des éducateur∙trice∙s et étudiant∙e∙s, ainsi qu’une continuité éducative.
« Comme partout à travers le monde, la situation créée par le COVID-19 devient de plus en plus inquiétante au Sénégal. Le nombre d’infectés augmente et les cas dit communautaires – aux sources de contamination inconnues - se développent de jour en jour et constituent un danger. Si leurs moyens sont limités, le professionnalisme et le dévouement du personnel médical sont à saluer », souligne Marième Sakho Dansokho, secrétaire générale du Syndicat des Professeurs du Sénégal (SYPROS) et membre du Bureau exécutif de l’Internationale de l’Éducation.
Une fermeture des établissement scolaires sans concertation avec les syndicats
Depuis l’apparition de la pandémie COVID-19 au Sénégal, le 2 mars, des mesures ont été prises par les autorités publiques et le premier secteur impacté est celui de l’éducation, continue-t-elle : fermeture de tous les établissements scolaires, universitaires et de recherche dès le 16 mars, d’abord jusqu’au 6 avril, ensuite prolongée jusqu’au 4 mai. La reprise des cours dépendra bien sûr de l’évolution de la pandémie dans le pays, indique Sakho Dansokho.
Elle ajoute que « les enseignants étaient en grève lors que la fermeture a été décidée, sans concertation avec les acteurs, peut-être à cause de la surprise COVID-19 et la crainte de sa propagation, mais les syndicats mettent la pression pour que la reprise, si on ne déclare pas l’année invalide, ne se fasse pas sans discussion avec les acteurs, notamment les syndicats. Ces derniers doivent impérativement être inclus dans les débats afin d’assurer une reprise dans les meilleures conditions possibles pour une éducation de qualité. »
Un rôle de veille et d’alerte pour le syndicat
Dans son rôle de veille et d’alerte, son syndicat est en contact avec ses responsables régionaux et locaux, grâce à Internet et aux réseaux sociaux, principalement via un groupe WhatsApp créé pour une information et une interaction rapides.
Il demande aussi à ses membres de :
- participer à la sensibilisation contre la propagation du virus pour se protéger, protéger ses contacts (enseignant∙e∙s, élèves) et au-delà les populations.
- maintenir les contacts en ligne, si possible, avec leurs élèves pour éviter qu’ils désapprennent.
Le SYPROS maintient plus que jamais un programme d’acquisition d’ordinateurs au profit de ses membres pour leur développement professionnel, les échanges et la réduction du fossé digital. « Ces outils peuvent être utilisés pour des cours en ligne, en tout cas pour rester en contact avec le syndicat, les collègues et les élèves éventuellement », explique Sakho Dansokho.
Stratégie syndicale post-pandémie
Elle rappelle également que le syndicat a déjà commencé à recueillir les avis de ses membres quant aux stratégies et conditions pour la reprise post-pandémie.
Une réflexion importante a été initiée par le SYPROS sur cette thématique et les questionnements sont nombreux :
1. Toutes les stratégies mises en place par les autorités de l’éducation (cours en ligne, téléformation) présentent des limites importantes et ne sauraient remplacer les classes. Il existe des problèmes d’accessibilité par la majorité, d’interactivité, de contenus.2. Même si l’année scolaire devait reprendre le 4 mai, comment faire avec les infrastructures non adaptées (abris provisoires), avec les milliers d’enfants qui aident les parents dans les champs ?3. Comment rattraper le temps perdu pour faits de grève par les enseignant∙e∙s avant l’irruption du COVID-19 et pour cause de pandémie ? Faudrait-il suspendre toutes les revendications des syndicats ?4. Comment prendre en compte les enseignant∙e∙s/élèves qui ont pu guérir du COVID-19, mais pourraient bien être stigmatisé∙e∙s ?5. Quelles stratégies/dispositions éducatives adopter pour ne laisser personne sur le côté en périodes de catastrophes ?6. Le dialogue social doit intervenir, quelles que soient les circonstances. Il en va du respect des acteurs de l’éducation, et, au-delà, de leur engagement et de leur responsabilisation.7. Si l’enseignement à distance pouvait être équitable parce qu’accessible à tous et toutes jusque dans les villages, devra-t-il remplacer les classes physiques ? Qu’adviendrait-il alors des personnels de l’éducation ?
« Maintenant comme avant la pandémie, nous mettons tout en œuvre pour assurer que l’éducation reste la priorité et reçoive un financement adéquat, et pour garantir un accès équitable à l’enseignement pour tous et toutes », conclut Sakho Dansokho.