Le 3 février dernier, 14 élèves ont été tué·e·s et 40 grièvement blessé·e·s à la suite d’une bousculade survenue dans l’école primaire de Kakamega, une localité située dans l’ouest du Kenya. Les syndicats de l’éducation du pays ont exprimé leur colère face aux facteurs qui ont conduit à cette tragédie. Ces derniers ont en effet condamné les manquements dans l’application des normes de sécurité existantes et ont pointé du doigt le problème critique de la surpopulation dans les écoles du pays.
Une tragédie nationale
Cette bousculade a eu lieu alors que les élèves sortaient de l’école. Bien que les causes de ce mouvement de panique n’aient pas encore été clairement établies, l’étroitesse de l’escalier du troisième étage a largement contribué à aggraver la situation.
Les élèves ont trébuché et perdu l’équilibre en tentant d’échapper à la cohue et nombre d’entre eux·elles sont mort·e·s étouffé·e·s. Selon certaines informations, plusieurs élèves auraient même chuté du troisième étage de l’établissement.
Enquête
Une enquête des agences de sécurité est en cours et l’école a fermé ses portes jusqu’au 10 février pour permettre aux enquêteur·euse·s de faire leur travail. Le Vice-président kényan William Ruto et le Ministre de l’Éducation George Magoha ont accompagné la délégation officielle qui s’est rendue dans l’école le 4 février.
Cet accident soulève toute une série de questions concernant la sécurité des enfants dans les écoles du Kenya. Au mois de septembre l’an dernier, huit élèves ont perdu la vie et 69 ont été blessé·e·s lors de l’effondrement d’une classe dans une école primaire de Nairobi. Une des causes mises en avant à l’époque était la surpopulation dans les écoles due à l’augmentation des inscriptions, surtout depuis que le gouvernement a instauré la gratuité de l’enseignement primaire en 2003. Même si la surpopulation n’est peut-être pas la cause de cette dernière tragédie, elle demeure néanmoins problématique dans bon nombre d’écoles kényanes.
KNUT: nous avons besoin d’infrastructures scolaires de qualité et d’une inspection régulière par les autorités publiques
Les drames tels que celui survenu à Kakamega « sont aujourd’hui des phénomènes courants dans les écoles du Kenya, principalement en raison de la surpopulation dans les établissements, de la piètre qualité des infrastructures scolaires et du manque de personnel », a déclaré Wilson Sossion, Secrétaire général du Kenya National Union of Teachers(KNUT).
« Au sein de notre syndicat, nous croyons au principe de la qualité et de la sécurité des environnements d’apprentissage, certifiés par le ministère des Travaux publics, le ministère de la Santé publique et le ministère de l’Enseignement fondamental, et conformes à la loi de 2007 portant sur la santé et la sécurité au travail », a ajouté Wilson Sossion.
Malgré cela, les infrastructures de bon nombre d’établissements scolaires publics n’ont pas été approuvées par ces ministères.
D’autre part, les inspections régulières de la Direction des normes et de l’assurance qualité demeurent insuffisantes. De tels manquements constituent une grave violation de la loi et présentent un risque pour les élèves.
« Nous demandons instamment au ministère de l’Éducation de prendre des mesures urgentes pour mettre un terme à ces tragédies dans les écoles », a conclu Wilson Sossion.
KUPPET: les autorités ministérielles se doivent de prendre des mesures
Le Bureau exécutif national du Kenya Union of Post Primary Education Teachers(KUPPET) a rendu visite à l’école primaire de Kakamega le 5 janvier. Sous la conduite du Président national Omboko Milemba, du Secrétaire général Akelo Misori et du Trésorier national Wicks Mwethi Njenga, la délégation syndicale officielle a rencontré la direction de l’école, les responsables locaux·ales de la sécurité, ainsi que les parents, en vue d’établir la succession des événements qui ont conduit à ce drame fatal regrettable et de rechercher des mesures de prévention efficaces.
Depuis le décès de huit élèves dans l’effondrement d’une classe à Nairobi au mois de septembre 2019, le syndicat de l’éducation a pris des initiatives pour améliorer la sécurité des élèves et du personnel enseignant dans les écoles et éviter des catastrophes telles que celle survenue à Kakamega. Le KUPPET fait pression pour garantir l’application stricte du Manuel des normes de sécurité dans les écoles du Kenya (2008), le principal document politique régissant la sécurité dans les établissements du pays.
Congestion massive
Les conclusions d’une recherche sur la sécurité dans les écoles du Kenya, commanditée par le KUPPET en 2019, indiquent que la non-application des normes prescrites par les politiques de sécurité existantes expose les écoles à des risques en termes de sécurité élémentaire. Cette recherche met en évidence la congestion massive dans les écoles publiques, la réinscription des élèves sans se soucier de leur sûreté et de leur sécurité, de même que le manque de sensibilisation aux normes de sécurité existantes de la part des comités scolaires. Les conclusions de cette étude ont été communiquées au Ministre kényan de l’Éducation, le Professeur George Magoha.
Le Secrétaire général du KUPPET, Akelo Misori, a déclaré: « Combien d’enfants kenyans doivent encore mourir avant que le ministre crée un département spécifiquement chargé de réviser et harmoniser l’ensemble des instruments politiques et des lignes directrices portant sur la sûreté, la sécurité et la gestion des catastrophes dans le secteur de l’éducation? Après le drame de Nairobi, nous avons adressé un appel urgent au ministre, lui demandant de mettre en place un mécanisme officiel coordonné et opérationnel pour pouvoir sensibiliser le public, renforcer les capacités et prendre des mesures en cas de problèmes de sécurité ou de catastrophes dans les écoles. Rien de tout cela n’a été fait. »
Compte tenu de l’importance absolue de la sécurité dans les écoles, le syndicat a adressé un courrier au cabinet du ministre, lui laissant 14 jours pour engager le dialogue avec les parties prenantes à propos de la sécurité dans les écoles. En cas de refus, conclut le Secrétaire général, le KUPPET se tournera vers les tribunaux pour contraindre le ministre à exercer ses fonctions constitutionnelles.Internationale de l’Éducation: condoléances et solidarité
Le Secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation David Edwards a déclaré: « La communauté enseignante à travers le monde pleure la disparition de ces 14 jeunes dont la vie a été brusquement emportée par la tragédie survenue dans l’école primaire de Kakamega. C’est le cœur serré que nous nous joignons à nos collègues du Kenya pour réclamer des écoles sûres et un gouvernement qui assume ses responsabilités. »
L’Internationale de l’Éducation demande instamment aux autorités publiques kényanes de faire en sorte que l’ensemble des élèves, enseignant·e·s et personnels de soutien à l’éducation puissent disposer d’environnements de travail, d’apprentissage et d’enseignement sûrs et de qualité partout dans le pays.
Problèmes récurrents dans le système éducatif kényan
Outre la négligence systématique dont fait preuve le gouvernement kényan à l’égard de la sécurité dans les écoles, ce dernier mène également une campagne ciblée contre le Kenya National Union of Teachers, une des plus grandes organisations syndicales du pays, affiliée à l’Internationale de l’Éducation. L’an dernier, la Commission des services du secteur de l’éducation ( Teachers Service Commission) a tenté de réduire le nombre d’éducateur·rice·s affilié·e·s au KNUT, en imposant des mesures discriminatoires à l’égard de ses membres, notamment en ce qui concerne les salaires et les possibilités d’avancement dans la profession.
L’Internationale de l’Éducation exprime sa solidarité envers le Kenya National Union of Teachers et le mouvement syndical kényan qui luttent pour défendre les valeurs de la démocratie, l’État de droit et les droits syndicaux. La fédération mondiale des syndicats de l’éducation encourage toutes ses organisations membres à soutenir le KNUT et a demandé instamment à la Commission des services du secteur de l’éducation et au gouvernement du Kenya de mettre fin au harcèlement du syndicat de l’éducation, de ses membres et de sa direction, et de respecter les droits syndicaux garantis par la constitution nationale et les conventions internationales.