Aux Philippines, les enseignant·e·s et l’éducation sont assiégés. L’aggravation des attaques du gouvernement Duterte contre toutes les formes de dissidence, déguisées en une « approche nationale » de manière à soi-disant, mettre un terme à l’insurgence communiste locale, a des répercussions sur le secteur, qui est universellement mandaté pour soutenir et faire respecter la justice sociale, les droits humains et la démocratie.
En raison de leurs campagnes assidues en faveur des droits et de la protection des éducateur·rice·s, de leur affirmation du droit des individus à l’éducation, de leur critique des politiques qui nuisent aux intérêts du peuple, l’ Alliance of Concerned Teachers- Philippines (ACT) et ses membres syndicaux, tout comme bien d’autres organisations légales et progressistes du pays, ont fait l’objet de persécutions de la part du gouvernement Duterte. De déclarations malveillantes émanant d’officiels au plus haut niveau de l’État, en banderoles et prospectus fallacieux distribués dans les écoles et les communautés, l’ACT et autres groupes réglementaires sont calomniés et accusés d’être des « fronts communistes » pour justifier les attaques de l’État à leur endroit.
Depuis la fin de l’année 2018, l’ACT-Philippines a enregistré trente-six cas de profilages illégaux par la police à l’encontre de ses membres à travers le pays, comme l’attestent des courriers et des mémorandums secrets émanant de la police qui ont fuité. Les attaques se sont intensifiées dans la seconde moitié de 2019. Treize de nos dirigeant·e·s nationaux·ales et régionaux·ales ont fait l’objet d’une surveillance rapprochée, de harcèlement et de menaces par le biais d’appels téléphoniques, de courriels ou de visites impromptues d’agents de l’État en charge de la sûreté. Dans une région, l’agence de renseignements s’est vigoureusement immiscée dans l’organisation d’élections relatives à l’accréditation syndicale, en organisant des rondes pour diffamer et étiqueter l’ACT de « rouge », auprès des enseignant.e.s et des responsables d’éducation. La représentante pour la liste du parti des enseignant·e·s de l’ACT, France Castro, la Présidente de l’ACT pour la région X Ophelia Tabacon, le Coordinateur de la province du Bulacan Digna Mateo et l’ancien Coordinateur VI Mermalyn Bito, ont été victimes de fausses accusations, et les deux derniers ont été arrêtés. Deux membres syndicaux et enseignants vivant en couple, Ramil et Zhaydee Cabañelez, ont survécu à une tentative d’assassinat extra-judiciaire non exécutée. Le siège national d’ACT-Philippines est constamment sous la menace d’un assaut par les forces de l’État, comme cela s’est produit dans les locaux de nombreuses organisations où de tels mandats de perquisition sont utilisés pour faire irruption dans des bureaux privés, afin d’y déposer des armes ou des explosifs et inculper ou arrêter quiconque serait présent au moment de ces incursions.
Les agences en charge de l’éducation sont également utilisées par le gouvernement Duterte comme instrument pour servir la répression. Le Département de l’Éducation (DepEd) a ordonné la fermeture de 55 écoles communautaires autochtones, sur la base d’allégations par l’armée, de l’utilisation de ces écoles comme lieu de formation à l’insurrection. Le DepEd, en charge de l’enseignement public de base, et la Commission de l’Enseignement supérieur pour les établissements d’enseignement supérieur et les universités d’État, facilite l’organisation des séminaires d’orientation de l’armée à destination des enseignant·e·s et des étudiant·e·s, au sujet de « l’approche nationale contre les insurgé·e·s » du gouvernement Duterte, qui étiquette l’ACT et d’autres organisations légales comme terroristes. Le DepEd soutient vivement les efforts en faveur de la formation et de l’implantation d’un contre-syndicat d’enseignants et écarte délibérément l’ACT des consultations, malgré le statut d’ACT comme seul et unique agent de négociation au nom du personnel de l’éducation des écoles publiques. De nombreux programmes éducatifs sont désormais menés en partenariat avec l’armée et les agences de police. À la suite d’une enquête sur le recrutement supposé de dissident·e·s au sein des écoles, le Comité du Sénat pour l’Ordre et la sûreté publique dirigé par le Sénateur Rolando de la Rosa, ancien Chef de police ayant mené une guerre sanglante contre la drogue, a fait adopter des recommandations alarmantes qui portent atteinte aux libertés académiques. Tandis que la police et l’armée insistent pour obtenir l’accès aux écoles, le Congrès pousse à la réouverture du Programme de formation des officiers de réserve, rejeté par le peuple en 2002 pour cause de corruption endémique et de violations des droits humains. Ils tentent de relancer le programme pour les très jeunes étudiant·e·s (mineur·e·s ou presque mineur·e·s) du deuxième cycle de secondaire. Le révisionnisme historique est utilisé pour créer une génération d’apprenant·e·s, pour lesquels Ferdinand Marcos ne sera pas considéré comme un dictateur mais comme un héros.
Sous la bannière d’ACT-Philippines, les syndicalistes-enseignant·e·s maintiennent leur position avec courage, afin de défendre leurs droits et de participer avec le peuple philippin, à la lutte élargie contre la dictature insidieuse et la tyrannie dans le pays. L’impulsion directrice et stimulante de l’Internationale de l’Éducation, insufflée à travers le soutien affirmé et la solidarité d’autres éducateur·rice·s de par le monde, sont fondamentaux pour mener à bien ce combat.
Le 10 décembre, Journée des droits de l’Homme, est une journée mondiale d'action en faveur des défenseur·euse·s des droits humains et syndicaux aux Philippines. Apprenez-en plus sur cette action et prenez-y part!
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.