Préambule
i.La présente déclaration se fait l’écho des revendications émises par les enseignants et les enseignantes et leurs syndicats à travers le monde pour que la communauté internationale entreprenne des actions garantissant la protection de l’éducation lors des conflits et lui permettant de se positionner en tant que force de paix dans le monde. En conséquence de quoi, l’IE lance un appel à la communauté internationale afin de:
- Mettre un terme à la recrudescence de la violence politique et militaire, devenue alarmante ces dernières années dans le monde entier, à l’encontre des établissements scolaires, des élèves, des enseignants et enseignantes, du personnel universitaire et de l’ensemble des autres membres du personnel de l’éducation.
- Respecter l’engagement commun pris lors du Forum mondial sur l’éducation à Dakar en 2000 pour garantir que les écoles soient “respectées et protégées comme des sanctuaires et des zones de paix” (Cadre d’action de Dakar, commentaire élargi, paragraphe 58).
ii. La déclaration souligne la recrudescence rapide des attaques violentes depuis 2004, comme le signale l’étude de l’UNESCO L’éducation prise pour cible, ainsi que l’absence de rapports au niveau mondial consacrés à cette problématique. Ces attaques se manifestent sous les formes suivantes:
- Les bombardements ciblés et les fusillades visant les lieux où se réunissent de nombreux élèves ou membres du personnel de l’éducation, causant la mort de nombreuses personnes.
- Les assassinats ciblés de personnes.
- Les bombardements, tirs de roquettes, incendies, pillages et mises à sac, qui détruisent des établissements scolaires.
- La détention illégale, la “disparition” ou la torture.
- L’enlèvement en vue de l’extorsion d’informations, l’engagement forcé des enfants dans l’armée, les viols commis par les forces militaires.
iii. Les attaques qui mettent en danger la vie des élèves, des enseignants, du personnel universitaire et des autres membres du personnel de l’éducation sont en soi des actes scandaleux et moralement inacceptables. Mais elles entraînent également des conséquences dramatiques sur l’offre des prestations éducatives ainsi que sur l’équilibre psychologique des élèves et du personnel dans les régions touchées.
iv. L’IE souligne que les attaques perpétrées à l’encontre des élèves et du personnel de l’éducation n’ayant aucune implication dans les conflits ainsi que les offensives ciblant les établissements scolaires s’assimilent à des crimes de guerre. Lorsque ces attaques répondent à un ordre lancé publiquement de s’en prendre à des civils ou de les tuer, elles sont considérées comme des crimes contre l’humanité. Les gouvernements et la communauté internationale portent la lourde responsabilité de veiller à ce que les auteurs de ces actes de violence soient traduits en justice. Pourtant, à travers le monde, il n’y a jamais eu de réelle volonté de mettre un terme à l’impunité qui couvre de telles attaques.
v. D’un point de vue moral et en vertu des engagements conclus au niveau international en faveur de la réalisation de l’Education pour Tous, il est totalement inacceptable que, face à ces attaques ciblées, les gouvernements et la communauté internationale ne prennent aucune mesure en vue de garantir la protection des élèves, des enseignants et enseignantes, du personnel universitaire et de l’ensemble des autres membres du personnel de l’éducation.
vi. Parallèlement à cela, l’IE reconnaît qu’il existe certaines situations où l’éducation a envenimé ou généré des conflits, que ce soit en raison de la répartition inégale des ressources destinées à l’éducation, des programmes scolaires à caractère discriminatoire ou incitant à la violence, de l’imposition de l’enseignement dans une langue méconnue des élèves ou de valeurs culturelles et religieuses qu’ils ne partagent pas, ou encore de parti pris dans les modes de gestion.
vii. C’est pourquoi, outre qu’il s’agisse de pratiques éducatives saines, il s’avère essentiel de diriger les systèmes éducatifs et les établissements scolaires pris individuellement de manière à promouvoir la tolérance, la compréhension, le respect de la diversité culturelle et religieuse, ainsi que la résolution des conflits, en s’alignant sur les principes énoncés dans la Recommandation de 1966 concernant la condition du personnel enseignant. Cette initiative permettrait aux établissements scolaires de devenir des havres de paix pouvant contribuer activement à la décrispation des tensions politiques, et favoriserait la reconnaissance et le respect des lieux d’apprentissage en tant que zones préservées de toute violence et ne devant jamais être prises pour cible.
1. Réaffirmer l’engagement à respecter le principe du droit à l’éducation en toute sécurité
La communauté internationale, les gouvernements et toutes les parties impliquées dans un conflit devront reconnaître et respecter le droit à recevoir une éducation en toute sécurité dans un environnement scolaire pacifique pour tous les enfants et tous les adultes, et respecter les établissements scolaires en tant que havres de paix. La communauté internationale lance un appel au Conseil de sécurité des Nations Unies pour qu’il demande la création d’un symbole international destiné à être apposé sur les établissements et les transports scolaires afin qu’ils soient reconnus comme étant des lieux devant être protégés et ne pouvant ni être pris pour cible ni être utilisés à des fins militaires.
2. Prendre des mesures concrètes en vue de protéger les élèves, les enseignants et enseignantes, le personnel universitaire, l’ensemble des autres membres du personnel de l’éducation et les infrastructures éducatives
Le Conseil de sécurité de l’ONU et les parties impliquées dans un conflit prendront toutes les mesures pratiques possibles en vue de protéger les élèves, les enseignants et enseignantes, le personnel universitaire et l’ensemble des autres membres du personnel de l’éducation, face à tous les actes de violence politique ou militaire perpétrés délibérément sur leur lieu de travail ou d’apprentissage ainsi que sur le trajet de l’école, et ils mettront en place toutes les mesures dissuasives possibles afin d’éviter de telles attaques. Tous les gouvernements devraient garantir que la législation nationale entre en conformité avec les lois internationales portant sur la protection du droit à l’éducation dans les situations où celle-ci se trouve menacée, et sur l’interdiction de perpétrer des attaques visant les établissements scolaires ainsi que les personnes qui y travaillent ou y étudient.
3. Mettre fin à l’impunité qui entoure les actes de violence à l’encontre des élèves, des enseignants et enseignantes, du personnel universitaire, de l’ensemble des autres membres du personnel de l’éducation et des infrastructures éducatives
La communauté internationale apportera son soutien en vue de mettre un terme à l’impunité qui entoure les attaques ciblant le secteur de l’éducation et de traduire en justice les responsables de tels actes. Elle veillera à ce que les instruments relatifs aux droits humains soient utilisés pour poursuivre les auteurs d’offensives violentes contre les écoles, les collèges, les universités, les bureaux des représentants de l’éducation et autres infrastructures éducatives, de même que les responsables des attaques perpétrées à l’encontre des élèves, des enseignants, du personnel universitaire, du personnel administratif, des responsables de l’éducation, des membres des syndicats d’enseignants et des coopérants au développement dans le secteur de l’éducation. Cet élément explicite relatif aux attaques à l’encontre des élèves et du personnel, ainsi qu’aux offensives contre les établissements et les infrastructures, doit également être intégré aux enquêtes de la Cour internationale de justice et être pris en compte par le Secrétaire général des Nations Unies dans le cadre de la surveillance des violations graves dont sont victimes les enfants au sein des conflits armés.
4. Renforcer le contrôle des attaques et les mesures pour mettre un terme à l’impunité
La communauté internationale, les gouvernements, les organisations de défense des droits humains développeront systématiquement des moyens de collecter les informations permettant de mesurer et d’analyser la fréquence, l’ampleur et la nature des violences politiques et militaires à l’encontre des élèves, des enseignants et enseignantes, du personnel universitaire, de l’ensemble des autres membres du personnel de l’éducation et des établissements scolaires. Ils se muniront également des moyens permettant d’évaluer les efforts entrepris en vue de mettre un terme à l’impunité qui entoure toutes les attaques. La communauté internationale appelle le Conseil de sécurité des Nations Unies à soutenir de tels efforts afin que de nouvelles actions puissent être entreprises en vue d’empêcher toute attaque ayant pour cible le secteur de l’éducation.
5. Accorder la priorité à l’action et échanger les expériences en termes de résilience et de reconstruction
La communauté internationale et les gouvernements à travers le monde accorderont la priorité aux efforts consentis en vue de renforcer la capacité de résilience des systèmes et des établissements éducatifs exposés aux attaques ou aux menaces d’attaques, de garantir une reconstruction rapide et de partager des informations concernant les efforts engagés dans ce domaine.
6. Faire de l’éducation un agent de la paix
Les enseignants et enseignantes, leurs syndicats, les gouvernements et la communauté internationale s’efforceront d’éviter que l’éducation n’envenime les conflits. Ils veilleront à ce que les écoles, les collèges, les universités et l’ensemble des établissements scolaires deviennent des lieux et des agents de la paix dont la mission consiste à promouvoir la tolérance, la compréhension, la résolution des conflits, le respect de la diversité culturelle et religieuse, tant par l’intermédiaire des programmes scolaires que par une gestion équitable, inclusive et transparente, et ce, en vertu des principes énoncés dans la Recommandation de 1966 concernant la condition du personnel enseignant et de la Recommandation de 1997 concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur.
7. Soutenir les campagnes de solidarité
Il est instamment demandé aux enseignants et enseignantes, à leurs syndicats, aux organisations non gouvernementales et à la société civile de se joindre aux campagnes de solidarité en faveur des victimes des attaques, dans la mesure où elles constituent un moyen d’exercer la pression sur les gouvernements et la communauté internationale afin que des actions soient entreprises pour mettre fin à l’impunité, protéger les élèves, les enseignants, le personnel universitaire et l’ensemble des autres membres du personnel de l’éducation, et pour transformer les établissements scolaires en des havres de paix où tous les élèves se voient offrir des chances égales de développer leur potentiel individuel et devenir des défenseurs de la paix dans le monde.