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Internationale de l'Education
Internationale de l'Education

De sérieux doutes persistent

Mais des questions cruciales subsistent quant à savoir si, compte tenu de tous les problèmes énumérés précédemment, les modifications du programme scolaire vont réellement permettre d'atteindre l'objectif des ministres d'augmenter la compréhension des élèves.

Et comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement a tenté de renverser les deux systèmes d'examens du secondaire en Angleterre, examens se déroulant au cours des dernières années des étudiants, chargées en évaluations.

L'année dernière, Gove a annoncé des plans visant à supprimer d'ici 2014 notre examen pour les jeunes de 16 ans, le « General Certificate of Secondary Education » (GCSE), pour le remplacer par une évaluation plus traditionnelle modelée sur les « O-levels », qui sont restés d'application jusque 1987 et étaient davantage ciblés sur les élèves plus académiques.

Il a décidé de retirer ce plan suite à une opposition concertée de la profession ( http://bit.ly/UBsCAf), mais il veut toujours rendre le GCSE  « plus difficile », même si le calendrier a été repoussé à 2015.

La même année, de nouveaux « A-levels » – l'examen que passent nos étudiant(e)s âgé(e)s de 18 ans –  radicalement réformés doivent débuter même si, à nouveau, il reste des points d'interrogation au moment d'écrire ces lignes quant à savoir dans quelle mesure ces réformes sont envisageables dans de nombreuses matières d'ici 2015.

La réforme des examens semble éloigner encore davantage l'Angleterre des autres parties du Royaume-Uni. Conformément à la tradition, l'Ecosse a conservé un système éducatif séparé mais le Pays de Galles et l'Irlande du Nord, qui utilisent le GCSE et les A-levels, ont des ministres de l'enseignement qui sont en désaccord avec Gove (voir http://bbc.in/ODGNjI, http://bbc.in/TOm0Nk).

Certains signes indiquent également que le Secrétaire de l'Education doit faire face à une opposition accrue en Angleterre: certains membres de la National Association of Head Teachers l'ont malmené lors d'une conférence en mai, des personnalités dans certaines écoles ( http://bit.ly/16MhTCU, http://bit.ly/1637uIi) sont devenues des opposant(e)s et le chef de rang de la principale organisation des employeurs ( http://bit.ly/18yuQTF) a également soulevé des questions sur l'ensemble de la stratégie gouvernementale.

Le débat en Angleterre tend donc actuellement - et c'est assez compréhensible compte tenu des éléments ci-dessus - à se polariser entre ceux qui pensent que le Secrétaire à l'éducation va sauver notre système grâce à son insistance sur l'augmentation des attentes et ses normes démodées, et les nombreux autres dans la profession enseignante et en-dehors, qui sont en désaccord avec lui.

En tant que journaliste spécialisé dans le domaine de l'éducation, cette situation rend cette époque intéressante et parfois surréaliste. On est en droit de se demander s'il existe des modèles de changement plus calmes et meilleurs.

Réforme à plusieurs visages

L'Angleterre est engagée dans le programme de réforme des écoles le plus hyperactif, et sans doute aussi le plus centralement politisé du monde développé. Peu d'aspects des décisions sont restés intacts depuis la montée au pouvoir de la coalition dirigée par les Conservateurs, en mai 2010.

La diversité de la réforme du programme scolaire et des qualifications, abordée dans cet article, n'est qu'un élément dans un programme de changement qui a déjà introduit un statut d'école à charte pour des milliers d'écoles primaires et secondaires, des changement dans la formation des enseignant(e)s pour qu'elle se concentre plus sur les éléments scolaires que la formation organisée par les universités, et des réformes du salaire des enseignant(e)s ayant pour objectif une rémunération proportionnelle aux performances au lieu d'un salaire croissant chaque année.

Mais les réformes du programme et des qualifications ont toutes deux eu d'immenses répercussions. Dès l'année prochaine, elles affecteront tous les groupes d'âges dans les écoles. La question centrale est de savoir si elles permettront d'atteindre les objectifs du gouvernement: améliorer la qualité de l'expérience en classe et l'image de l'éducation anglaise sur le plan international.

Depuis les années 1980, l'Angleterre dispose d'un programme scolaire national pour les 5-16 ans. Des révisions se sont succédées, mais depuis le début de l'année 2011, la coalition tente d'appliquer le changement sans doute le plus radical, et avec bien plus d'insistance – au moins pour les matières principales comme l'anglais, les mathématiques et les sciences – en définissant les attentes sur les connaissances factuelles des jeunes (voir http://bit.ly/V5XGG1 pour les propositions du gouvernement anglais).

Le calendrier des réformes est excessivement serré. La révision du programme scolaire a été définie en janvier 2011 mais devait initialement produire de nouveaux programmes scolaires dès septembre prochain pour les matières principales et septembre 2014 pour les autres matières.

Mais en décembre 2011, ce calendrier a été jugé trop contraignant. L'enseignement des nouveaux programmes pour l'anglais, les maths et les sciences fut repoussé à septembre 2014, comme celui des autres matières.

La méthode de rédaction du nouveau programme scolaire pourrait frapper les lecteurs/trices étrangers/ères par son caractère extrêmement centralisé. Nous n'avons plus un organisme quasi-indépendant car en 2010, la Coalition a supprimé la « Qualifications and Curriculum Development Agency », une agence établie par le précédent gouvernement travailliste pour succéder à une série d'organisations similaires.

Des groupes d'expert(e)s – professeurs et enseignant(e)s – ont été chargés par les ministres de conseiller sur les contenus des chaque matière sous les auspices du Département interne d'éducation des fonctionnaires. Mais les ébauches des programmes scolaires établis par les expert(e)s n'ont pas été rendues publiques et il semble que, pour plusieurs matières, elles ont tout simplement été rejetées si elles ne correspondaient pas aux priorités ministérielles. Un « groupe d'experts » séparé constitué de quatre personnalités du monde académique fut chargé de conseiller sur la structure du programme scolaire dans son ensemble. Mais trois des quatre experts ont émis des critiques fondamentales suite à leur analyse. (Voir http://bit.ly/NHmKAl et http://bit.ly/LQIF7l)

Parmi ces impératifs politiques, citons pour les mathématiques l'insistance sur les méthodes de calcul formelles, comme la division longue à l'école primaire – très controversée par les expert(e)s; pour l'anglais l'apprentissage phonétique et les listes orthographiques pour les enfants du primaire; et pour l'histoire un programme de connaissances très détaillé - le Secrétaire à l'Education Michael Gove insistant constamment sur l'importance pour les élèves anglais d'apprendre à connaître leurs « héros nationaux ».

En effet, une rumeur répandue et de source crédible vient alimenter la controverse entourant la centralisation de la prise de décision politique: Gove aurait lui-même rédigé la dernière version du programme d'histoire – ou au moins une bonne partie. La plupart des professeurs d'histoire semblent s'opposer à cette version (voir http://bit.ly/15hmKjj).

Réponse critique de la part des syndicats et des chercheurs

S'appuyant sur les maigres progrès de l'Angleterre aux tests PISA de l'OCDE pour justifier la réforme, les ministres ont indiqué que leurs propositions vont augmenter les attentes de tous les élèves en enseignant plus tôt les sujets les plus difficiles, spécialement en mathématiques.

Mais la controverse est sans fin. En mars, une centaine de spécialistes de l'éducation ont envoyé une lettre à un journal national  ( http://ind.pn/10elPfG). Ils y formulent une kyrielle de critiques, et soutiennent notamment qu'exiger trop des enfants et à un trop jeune âge revient à les conditionner à l'échec. Gove a formulé sa réponse par un article de son cru, dans lequel il souligne les anciens écrits de certains auteurs et les qualifie de marxistes.

Plus important, la plupart des associations d'enseignants se sont montrées très critiques (voir National Union of Teachers http://bit.ly/X6hIRZ, National Association of Schoolmasters Union of Women Teachers http://bit.ly/10Q9jki, Association of Teachers and Lecturers http://bit.ly/ZC8eBb). Le « Council for Subject Associations », qui représente une trentaine de ces associations pour l'ensemble du programme, a indiqué dans sa réponse à la consultation sur les programmes ( http://bit.ly/178JliN) qu'ils « manquent de cohérence » et accordent une trop grande importance à la mémoire factuelle par rapport à la compréhension.

« Les écoles dans les juridictions obtenant des résultats élevés, comme la Finlande, mettent l'accent sur la compréhension critique, le raisonnement et la créativité, pas sur l'apprentissage des faits » a-t-il ajouté.

Au moment d'écrire ces lignes, les plans sont soumis à la concertation et attendus pour septembre prochain. Toutefois, peu de signes indiquent des concessions majeures de la part du gouvernement, hormis pour le programme « Design et Technologie », qui est entièrement réécrit suite à des critiques d'employeurs influents et pour le programme d'histoire, pour lequel seulement quatre pour cent des enseignants ayant répondu à une enquête de l'Historical Association ont soutenu les plans de Gove ( http://bit.ly/15hmKjj).

Les inquiétudes persistent quant au calendrier car il reste peu de temps pour finaliser les ressources didactiques et les ministres semblent avoir peu de projets pour améliorer les connaissances des enseignant(e)s sur les matières et soutenir ainsi leurs propositions, la philosophie étant que que les écoles sont les mieux placées pour constituer leurs propres plans de formation. La coalition semble avoir accordé la priorité à la rapidité du changement car, dans notre système, aucun accord inter-parti sur le programme n'a été atteint récemment et le mandat du gouvernement prend fin en 2015.

Le manque de cohérence de la tentative des ministres est fréquemment soulevé. Ironiquement, les académies, ces institutions proches des écoles à charte et ne relevant pas des autorités locales, ne devront pas suivre ce nouveau programme scolaire national. Or, si l'on considère la volonté du gouvernement à transformer autant d'écoles que possible en académies et le passage déjà effectué par la moitié des écoles secondaires au statut d'académie, d'aucun se demandent dans quelle mesure cela s'inscrit dans la standardisation sous-entendue par les réformes du programme scolaire. Les ministres répondent que le programme scolaire national sert toujours d'objectif, même dans les académies, pour fournir un point de référence pour toutes les écoles. Certaines écoles sont libres de l'accepter ou de le rejeter.