Amélioration nécessaire des conditions de vie et de travail et de la formation des enseignant(e)s
Il nous faut donc constamment repenser le contenu et les objectifs de nos enseignements et pour cela former autrement les enseignant(e)s et surtout leur offrir des conditions de vie et de travail autrement plus attractives ou motivantes, salaires et évolutions de carrière compris, afin d’éviter une désaffection dangereuse qui fragilise ce que nous devons considérer comme le plus important métier du monde.
A cet effet, la formation des enseignants à tous les niveaux, du plus généraliste au plus spécialisé, devra intégrer plus et mieux l’essence même de l’esprit transdisciplinaire, seul susceptible de donner aux maîtres de nos écoles à nos universités et à leurs enseignements la capacité de nous conduire sur les chemins de la créativité et de la rationalité, vers un nouvel Humanisme de progrès et de développement partagés, dans le respect de notre patrimoine commun naturel et culturel.
Toutes ces questions constituent l’essence même du projet de l’UNESCO de revisiter les missions et les défis de l’éducation pour les vingt prochaines années à partir d’une relecture approfondie des deux rapports mondiaux sur l’éducation produits par l’UNESCO en 1972, le rapport Edgar Faure, « Apprendre à être », et en 1996, le rapport Jacques Delors, « L’Education, un trésor est caché dedans ». Dans ces rapports, le métier d’enseignant occupe la position essentielle qui lui revient.
De toute évidence l’enseignant(e), dont il faut sans cesse refonder et repenser les missions et les carrières à la lumière des nouvelles exigences et des nouveaux défis de l’éducation dans un monde globalisé en transformation permanente, tiendra dans ce nouveau projet une place centrale et stratégique.
Enseignant(e)s et « nouvel humanisme »
Pour finir, nous tenterons d’expliquer les raisons pour lesquelles le « nouvel Humanisme » qu’il nous appartient d’édifier, repose pour une part essentielle sur le métier d’enseignant(e), dont il nous faut repenser toutes les composantes et les dynamiques socio-professionnelles.
L’humain dans sa quête démiurgique de puissance a construit un espace-temps qui apparait en opposition voire en conflit avec l’espace-temps naturel.
Ainsi par le biais du progrès scientifique et technologique, avons-nous mis en place les prémisses d’un monde qui verra progressivement s’estomper, voire disparaitre, des données naturelles telles que les saisons, les distances ou les rythmes mêmes de la vie sur Terre: un monde d’instantanéité et d’ubiquité au sein duquel le virtuel chevauche le réel.
La population humaine ne cesse de croitre et de vivre plus longtemps alors que disparaissent des espèces animales ou végétales qui nous ont précédés et nous ont accompagnés à tous les stades de notre évolution. Notre environnement s’en trouve considérablement menacé et la notion même de progrès est remise en question.
En particulier, le réchauffement climatique, sans doute lié aux actions des hommes, met en péril notre Terre et nous impose de reprendre en profondeur nos activités et les métiers qui en résultent.
Les TIC ne remplacent pas les enseignant(e)s
Il y a peu, vers les années 80 du siècle précédent, certain(e)s expert(e)s avaient osé prédire un lent mais certain effacement du métier d’enseignant(e) en raison du développement vertigineux des technologies de l’information et de la communication au service de la transmission et de la diffusion des connaissances.
L’ordinateur et toutes sortes de technologies nouvelles allaient, prétendaient-ils, progressivement se substituer aux enseignant(e)s, permettant ainsi une plus large diffusion des savoirs, leur meilleure accessibilité et surtout des économies de moyens face à ce que l’on appelait la massification de l’accès à l’éducation.
Il est tout à fait légitime d’affirmer que face à la croissance exponentielle des connaissances et à leur indispensable mise à disposition équitable au profit du plus grand nombre dans toutes les régions du monde, les technologies de l’information et de la communication (TIC) jouent un rôle essentiel dans le partage des connaissances et des savoir-faire au service d’un développement durable et solidaire.
Priorité à l’enseignant(e)
Il nous faut cependant reconnaître qu’aujourd’hui de telles prédictions ou anticipations ne sont plus d’une absolue pertinence et que le métier d’enseignant(e) retrouve jour après jour toute sa vigueur au point d’être de nouveau considéré comme une priorité des politiques éducatives dans tous les pays. C’est ce que l’UNESCO n’a jamais cessé d’affirmer depuis sa création en 1945, considérant même l’enseignant(e) comme une priorité absolue pour l’éducation et s’attachant aujourd’hui encore, malgré les difficultés rencontrées, à inscrire la question enseignante au cœur de ses programmes d’activités pluriannuels.
A titre d’exemple et dans un contexte historique pour l’UNESCO, nous mentionnerons: la recommandation conjointe Organisation internationale du Travail (OIT)/UNESCO de 1966 sur le statut des enseignants, la recommandation de 1997 sur le statut des personnels de l’enseignement supérieur, le comité conjoint OIT/UNESCO d’experts sur l’application des recommandations concernant le personnel enseignant ou la Journée mondiale des enseignant(e)s organisée chaque années par l’UNESCO, sans oublier des initiatives phares en faveur des enseignant(e)s dans toutes les régions du monde, et particulièrement en Afrique sub-saharienne.
Notons également que dans ces différents contextes ainsi que dans la plupart des nombreuses activités conduites par l’UNESCO sur les enseignants, l’Internationale de l’Education s’est montrée et se montre un partenaire engagé et dynamique.
Rappelons enfin que dès l’antiquité gréco-romaine la fonction d’enseigner est officiellement reconnue dans la Cité mais que, paradoxalement, la pédagogie semble être une mission dévolue à une autre catégorie de personnes, à savoir des esclaves éduqués, chargés d’accompagner et de soutenir les enfants des riches familles patriciennes.
Cet aspect de l’éducation ressemble fort de nos jours, esclavage mis à part, aux dichotomies des systèmes éducatifs actuels avec d’un côté les enseignant(e)s institutionnel(le)s et de l’autre le tutorat privé ou le soutien pédagogique hors de l’école, qui se développent sans cesse, au détriment des enfants des milieux modestes, et représentent un marché lucratif en pleine expansion.
Ce dilemme récurrent entre enseignement et pédagogie se pose avec d’autant plus d’acuité que les enseignant(e)s doivent faire face à un accroissement continu de la population étudiante, qui inclut, dans le cadre aujourd’hui primordial d’une éducation tout au long de la vie, les demandes en constante expansion de populations adultes d’une grande diversité quant à leurs origines, leurs besoins et leurs exigences.
Il parait alors nécessaire d’analyser ne serait-ce que brièvement ce retour en puissance du métier d’enseignant(e), après une période sombre où certains responsables de tous bords s’étaient permis de préconiser une « MacDonaldisation » de l’éducation, surtout dans les pays les plus fragiles, et cherchaient à imposer une « production » en masse d’enseignant(e)s au détriment des critères essentiels de compétence et de qualité. La sagesse s’est finalement, et bien heureusement, imposée pour nous faire réaliser que nous faisions fausse route et que part de telles politiques nous conduisions inexorablement les pays en développement, et par un effet domino, tous les autres pays, vers une déchéance certaine.
Approche qualitative de la profession enseignante
Nous pouvons sans ambiguïté affirmer que l’accroissement considérable des connaissances nées de la recherche et du développement, impose plus que jamais une approche qualitative de leur transmission, de leur diffusion et de leur acquisition aux niveaux individuels et collectifs. Cette appréciation unanimement partagée nous conduit vers une « Renaissance » du métier d’enseignant(e), le plaçant de nouveau au cœur de la toile socio-culturelle comme le fil directeur sur lequel repose la dynamique et l’équilibre de notre Société de la Connaissance.
Avec le soutien indispensable des technologies de l’information et de la communication, l’enseignant s’affirme aujourd’hui plus encore comme un guide qui dès la plus petite enfance nous permet d’évoluer et de progresser dans le labyrinthe des savoirs en constante expansion.
Le métier d’enseignant se diversifie sans cesse au point de correspondre, de la petite enfance aux adultes, à plusieurs métiers tous reliés par un même fil conducteur. A cet égard, nous savons avec certitude que le développement cognitif commence dès les premiers instants de la vie et que les processus d’apprentissage et de découverte doivent être accompagnés et soutenus dès les premières années de l’enfance par des enseignants particulièrement qualifiés et bien formés. Ces principes furent unanimement affirmés lors de la conférence mondiale sur l’éducation et la protection de la petite enfance organisée par l’UNESCO en 2010 à Moscou.
Enfin à l’autre extrémité de la chaine éducative, les exigences modernes de formations professionnalisantes et de reconversions professionnelles, sans cesse actualisées en réponse au prolongement de la durée de vie et à ses conséquences sur nos activités socio-professionnelles, nécessitent la formation d’enseignants hautement spécialisés et qualifiés.
Education, clé de survie et croissance pour l’humanité
Ainsi de manière évidente, l’éducation, c'est-à-dire la transmission des connaissances et leur perfectionnement, constitue un vecteur central de la survie et de la croissance de l’espèce humaine sur la planète Terre. Dans ce contexte d’évolution cognitive initialement lente en apparence, mais dont l’accélération ne cesse de croître, se pose tout naturellement la question historique de la fonction enseignante, de son émergence et de son institutionnalisation socio-culturelle progressive.
Nous n’aborderons pas ici cette question importante et complexe, préférant bien entendu la laisser aux expert(e)s et aux chercheurs/euses conjointement, pour mettre en lumière dans cette présentation quelques aspects actuels du métier et de la mission d’enseigner.
Depuis son apparition sur terre, l’être humain comme ses cousins les plus lointains, a dû, pour survivre, affronter toutes sortes de dangers que lui imposait la nature. Cette adversité permanente contribua sans nul doute au renforcement et au développement des facultés intellectuelles de l’humain. Confronté à de formidables défis pour survivre et s’imposer, l’être humain a su progressivement trouver des réponses pertinentes et les a transmises aux générations futures pour que celles-ci s’en servent et les améliorent.