Le rôle des syndicats d’enseignants
Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, l’IE représente la profession enseignante au Conseil de direction du Partenariat. En tant que tel, elle peut influencer le processus décisionnel. L’influence de la profession enseignante sera clairement plus importante si elle s’exerce également au niveau national, dans les pays donateurs et les pays en développement. Si votre pays reçoit des fonds, votre organisation peut faire partie du Groupe local d’éducation et aider à sélectionner les politiques à promouvoir. Si votre pays contribue financièrement au financement du GPE, votre organisation peut aider à faire pression auprès du gouvernement pour veiller à la participation des enseignant(e)s dans les processus décisionnels et au respect du dialogue social. Nous pouvons ainsi combler le fossé entre le plaidoyer international et la réalité au niveau national.
Tout bien considéré, l’aide internationale à l’éducation, même si elle décline, n’est pas encore en bout de course. Si les organisations d’enseignants jouent un rôle plus actif dans le GPE, nous pouvons assurer la transparence et le contrôle de l’utilisation des fonds et promouvoir des politiques qui améliorent dans une large mesure la qualité et l’accessibilité de l’éducation. Notre engagement peut avoir les résultats escomptés, même dans un contexte de crise. En fait, au-delà d’une crise financière, le monde traverse aussi une crise de confiance et de gouvernance pour laquelle la seule solution durable est de disposer d’écoles publiques qui assurent un enseignement de qualité.
Une aide internationale qui finance des politiques saines
Dans un monde où le financement de l’éducation se fait plus rare, nous devons profiter au maximum des occasions qui nous sont offertes pour assurer la réalisation des investissements appropriés. Il est vrai que bon nombre de pays donateurs ne financent plus l’éducation à cause du contexte économique, mais d’autres ont aussi modifié leurs plans en raison de l’absence totale de résultats. Depuis des années, de nombreux gouvernements ont bénéficié de financements substantiels pour l’éducation et les ont utilisés pour augmenter la capacité du personnel ministériel, alors que les salaires des enseignant(e)s restent impayés pendant des mois et que la formation en cours de service est négligée. On ne compte plus les exemples de mauvaise utilisation de l’aide à l’éducation, d’investissement d’argent dans des programmes ou des politiques inadéquats, qui à long terme nuisent à l’éducation publique.
Comment vous sentiriez-vous si votre gouvernement utilisait les fonds du GPE pour engager des ancien(ne)s élèves de l’école primaire comme enseignant(e)s? Des professionnel(le)s formé(e)s et qualifié(e)s ne doivent-ils pas bénéficier d’un contrat ou de garanties pour leur avenir? Leur salaire doit-il atteindre moins de la moitié de celui d’un enseignant(e) engagé(e) sous contrat ? Que diriez-vous si l’on prévoyait de lier votre augmentation de salaire au nombre de mots que vos élèves parviennent à lire en une minute? Ce sont là des exemples concrets de politiques qui ont été ou vont être financées grâce au GPE. Cela pourrait se produire dans votre pays ou à l’aide de donations faites par votre pays: vos impôts financent peut-être des politiques internationales que vous n’accepteriez pas dans votre propre pays.
Au beau milieu des inquiétudes croissantes concernant la stabilité fiscale des banques privées et des états souverains, la principale mesure prise fut l’accentuation de l’austérité fiscale. Au lieu d’équilibrer plus efficacement le système financier et d’imposer des sanctions aux véritables responsables de la tourmente économique mondiale, les gouvernements appliquent des restrictions budgétaires qui menacent les services publics, entravant ainsi à long terme une reprise durable. Les effets de ces mesures sur l’éducation commencent à se faire sentir, tant au niveau national - détérioration des conditions de travail, réduction des investissements - qu’au niveau international où l’on constate que l’aide publique au développement pour le secteur de l’éducation atteint le niveau le plus base jamais enregistré. L’école publique sert de bouc émissaire à la crise dans les économies avancées comme dans les pays en développement. Qu’est-il advenu de cette époque où la communauté internationale promettait qu’aucun pays s’engageant dans la voie de l’Education pour Tous ne connaîtrait l’échec par manque de ressources ?
Il est vrai que certains pays, donateurs majeurs en termes d’aide à l’éducation, ont réduit leur participation aux programmes en faveur des pays en développement pour les années à venir. D’autres diminuent progressivement ou ont simplement annulé leurs programmes d’aide à l’éducation. Entre temps, le soutien de la Banque mondiale pour le secteur en 2011 a diminué de plus de 50%, en comparaison avec l’année précédente. Les probabilités de voir la Banque verser les 750 millions de dollars promis pour l’éducation au cours des 5 prochaines années sont loin d’être encourageantes. Sachant qu’environ 70.000 enfants ne sont pas scolarisés et sont donc pratiquement condamnés à la pauvreté, et que le financement pour aider ceux pour qui la scolarisation est cruciale ne fait que diminuer, on se demande si la crise financière sonne le glas de l’aide internationale en faveur de l’éducation. Malgré ce scénario catastrophe, il reste encore des opportunités pour l’éducation, comme en atteste concrètement le Partenariat mondial pour l’éducation.
Financement mondial de l’Education pour Tous
Précédemment connu sous le nom d’initiative Fast Track, le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) est une plateforme réunissant l’UNESCO, l’UNICEF, la Banque mondiale, la Commission européenne, l’Internationale de l’Education, des fondations du secteur privé, la société civile, des donateurs et 46 pays en développement. Elle offre une aide technique et financière permettant aux partenaires d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes nationaux en vue de parvenir à l’éducation primaire universelle. Entre 2004 et 2010, ce partenariat a permis de financer des programmes pour un montant de 2,2 milliards de dollars. Parmi les résultats concrets, citons l’engagement de plus de 300.000 enseignantes et enseignants, la distribution de 200 millions de livres scolaires, la construction de 30.000 classes et la mise en place de programmes de repas scolaires au bénéfice de plus de 700.000 enfants. Comment le programme fonctionne-t-il? En bref, les gouvernements des pays en développement mettent au point un plan national d’éducation et le soumettent au Partenariat, avec une demande de financement. Le Comité directeur, qui inclut l’IE en tant que représentant de la profession enseignante, approuve le plan. Le gouvernement reçoit ensuite les fonds nécessaires à la mise en œuvre du programme proposé. Mais le GPE pourra-t-il encore aider concrètement l’éducation dans le contexte actuel de changement des priorités de l’aide internationale et de restrictions budgétaires pour l’aide dans ce secteur? Il y a de bonnes raisons de rester optimiste.
En novembre 2011, le GPE a tenu sa première conférence pour les annonces de contributions à Copenhague, au Danemark. L’objectif de cette conférence était d’une part de mobiliser les donateurs afin de renouveler le Fonds du Partenariat mondial pour l’éducation, qui financera les programmes nationaux, et d’autre part d’obtenir des gouvernements des pays en développement un engagement pour un financement accru de l’éducation. Inutile de préciser qu’il ne fut pas aisé d’obtenir des engagements fermes de la part des gouvernements au beau milieu d’une crise financière dont la fin reste inconnue. Malgré ce contexte peu favorable, les partenaires ont néanmoins répondu à l’appel. Les pays en développement ont promis d’augmenter l’investissement national en faveur de l’éducation de plus de 2 milliards de dollars. Les pays donateurs ont contribué au financement pour un montant de 1,5 milliard de dollars pour la période 2012-2015. Les promesses sont faites. L’implication active des organisations d’enseignants au partenariat déterminera dans une large mesure la capacité de ce dernier à porter les fruits attendus.