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Philippines : solidarité et soutien au niveau mondial pour lutter contre les violations des droits humains et syndicaux

Publié 11 octobre 2021 Mis à jour 10 octobre 2023
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Les violations des droits humains et syndicaux aux Philippines, ainsi que l’urgence d’en exposer les preuves au niveau international, étaient au centre d'une table ronde de haut niveau le 8 octobre dernier.

La table ronde, intitulée « Une réponse internationale pour les droits humains aux Philippines », était coparrainée par l'Internationale de l'Éducation et d'autres organisations de la société civile mondiale.

L'événement était organisé par la International Coalition for Human Rights in the Philippines (ICHRP), un réseau mondial d'organisations préoccupées par la situation des droits humains aux Philippines et engagées dans une campagne pour une paix juste et durable dans le pays.

Un rapport de l'ONU continue de faire pression pour le respect des droits humains

Le président de l'ICHRP, Peter Murphy, a ouvert la table ronde en évoquant le rapport oral sur les Philippines présenté la veille au Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies (CDH). Cette mise à jour a été présentée par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet, un an après l’adoption par le CDH d’une résolution visant à fournir une « coopération technique et un renforcement des capacités » au gouvernement de la République des Philippines pour la protection des droits humains.

Dans sa présentation, Bachelet a noté les progrès du programme conjoint des Nations Unies pour l'assistance technique et le renforcement des capacités en matière de droits humains, adopté le 22 juillet de cette année. Elle a également souligné l'absence persistante de responsabilisation concernant les meurtres et les violations des droits dans le cadre du programme de lutte contre l’insurrection ; la poursuite du harcèlement, des menaces et des meurtres de défenseur·euse·s des droits humains, de membres du clergé, de défenseur·euse·s de l'environnement et des droits fonciers, de journalistes, de syndicalistes, d'agriculteur·trice·s et d'avocat·e·s. Elle a critiqué le gouvernement pour sa pratique du marquage rouge (en les accusant d’être communistes ou terroristes) des militant·e·s, des médias et d'autres acteurs et a appelé à la fin de l'utilisation d'un langage de haine pendant la campagne électorale nationale.

L'ICHRP demande une enquête officielle de l'ONU

L'ICHRP approuve pleinement les propos de la Haut-Commissaire Michelle Bachelet, selon laquelle la décision de la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale d'ouvrir une enquête aux Philippines révèle incontestablement l'insuffisance, voire l'inexistence, des recours internes dans le pays, a souligné Murphy.

Il a déclaré que la réponse officielle du délégué philippin démontre que le gouvernement Duterte continue de rejeter toute critique de son bilan en matière de droits humains. De surcroît, ils redoublent l'utilisation du marquage rouge pour terroriser tous ses détracteurs en prétendant, sans preuve, qu'ils recrutent des combattants pour la Nouvelle armée populaire.

Pour Murphy, la Haut-Commissaire Michelle Bachelet a clairement démontré dans son rapport l'absence de mécanismes nationaux aux Philippines pour mettre fin à ces violations des droits humains.

Compte tenu de l'aggravation de la situation des droits humains, l'ICHRP approuve les recommandations d'INVESTIGATE PH, y compris la demande d'une enquête officielle de l'ONU sur les violations des droits humains aux Philippines.

L'ICHRP appelle également le CDH à poursuivre ses efforts pour que le gouvernement de la République des Philippines et ses représentants soient tenus responsables des milliers de violations des droits humains commises dans le cadre de la politique officielle de l'État.

« Nous voulons réfléchir à des manières de mieux réagir face aux violations des droits humains et faire preuve de solidarité avec la société civile philippine », a conclu Murphy.

Engagement unanime à agir du mouvement syndical mondial

Jeroen Beirnaert, Directeur du département des droits humains et syndicaux de la Confédération syndicale internationale (CSI), a appuyé le travail entrepris par le groupement Global Unions pour protéger les droits humains et syndicaux et dénoncer les violations aux Philippines.

« Ce n'est pas si souvent que nous avons une coordination aussi forte et une unanimité sur la liberté syndicale comme dans le cas des Philippines », a-t-il souligné.

« Nos préoccupations ne sont pas nécessairement partagées par les gouvernements et les employeurs, qui peuvent prospérer dans un environnement politique hostile aux droits syndicaux. »

Beirnaert a expliqué que si les syndicats au niveau international ont l'expérience de l'assistance technique, par exemple via l'Organisation internationale du travail (OIT), il y a un manque évident de volonté politique aux Philippines dans la lutte contre les violations des droits humains et syndicaux.

Par conséquent, « nous devons exercer une pression politique dans le pays pour susciter un véritable changement. Nous avons besoin d'une documentation approfondie et de preuves solides », et « les forums internationaux de sensibilisation doivent travailler ensemble ».

Beirnaert a déclaré que « nous devons briser l'excuse commode de la COVID-19 que brandissent les gouvernements pour éviter de s'engager à mener des enquêtes », et il a mis l’accent sur l’importance de la mobilisation de la société civile et des syndicats aux niveaux national et international pour surveiller et traiter les violations des droits humains aux Philippines.

Des preuves accablantes d'attaques choquantes contre le peuple philippin

La politicienne australienne Janet Elizabeth Rice, l'une des commissaires d'INVESTIGATE PH, a déclaré que les « preuves recueillies étaient accablantes » et que « les attaques du gouvernement Duterte contre la population – en particulier les autochtones, les étudiants, les défenseurs des droits humains et les partisans de la paix - sont choquantes ».

Elle a affirmé, en qualifiant le rapport de Bachelet de « significatif », que « si nous pouvons mobiliser les partis politiques et l'opinion publique dans nos pays, nous pouvons faire pression activement sur le gouvernement philippin et provoquer des changements ».

Elle a ajouté que, outre la coopération technique, les militant·e·s des droits humains aux Philippines ont besoin d'une enquête indépendante des Nations Unies sur les violations des droits humains.

« Ces attaques effroyables doivent cesser. Les droits humains doivent être respectés, et nous avons tous un rôle à jouer pour observer le respect des droits humains aux Philippines et dans le monde entier », a déclaré Rice, membre des Verts australiens.

Les enquêtes nécessitent des ressources humaines et financières adéquates

La responsable du service de la liberté syndicale au département des normes internationales du travail de l'OIT, Karen Curtis, a rappelé que les Philippines représentent un membre de longue date de l'OIT. « Nous devons disposer de suffisamment de personnel et de ressources pour enquêter sur la situation », insiste-t-elle.

Un dossier sur la liberté syndicale a été ouvert à l'OIT contre le gouvernement des Philippines – dossier n° 3185 – concernant les exécutions extrajudiciaires de dirigeant·e·s syndicaux·ales. Il y est question de l'incapacité du gouvernement à enquêter convenablement sur ces cas et à traduire ses auteurs en justice. Cette absence d'enquête et de poursuites renforce le climat d'impunité, de violence et d'insécurité, ainsi que ses effets néfastes sur l'exercice des droits syndicaux.

La députée fédérale belge du parti Ecolo, Séverine de Laveleye, a fait remarquer la difficulté d’intégrer les Philippines au programme politique dans un pays étranger comme le sien. Elle a souligné que la fin des préférences commerciales avec les Philippines pourrait se révéler utile et constituer un point de départ.

Les participant·e·s ont également salué l’attribution du prix Nobel de la paix 2021 à Maria Ressa, la rédactrice en chef de Rappler. Maria Ressa se bat depuis longtemps pour la liberté d'expression aux Philippines et dénonce les violations des droits humains du gouvernement Duterte. Elle fait l'objet de menaces et a été poursuivie à plusieurs reprises pour son travail. Ce prix représente une reconnaissance importante non seulement de ses efforts, mais aussi de la nécessité de dénoncer les faits avec honnêteté et éthique. Aux Philippines, le public est largement dépendant des informations publiées sur les réseaux sociaux.