Le droit au travail fait partie des droits humains fondamentaux ; de cela, découle le droit de défendre et promouvoir son travail qui se réalise par les syndicats à travers le droit de « s’associer » et de « former » ou de « s’affilier » à des organisations de travailleurs. En ce 70ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, voir ce qui se passe encore, peut vous révolter !
La Fédération Nationale des Enseignants et Educateurs sociaux du Congo, (FENECO/UNTC), est une organisation syndicale membre fondateur de l’Internationale de l’Education. Lors des dernières élections sociales en République Démocratique du Congo (RDC), la FENECO a obtenu deux sièges sur dix-sept au niveau des services centraux du ministère de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel.
Au lieu que cette représentativité constitue un élément de qualification, de considération voire de succès, la FENECO/UNTC est victime d’une discrimination antisyndicale depuis de nombreuses années, c’est pourquoi la question de la défense et le développement des droits syndicaux demeure au cœur de ses préoccupations.
Secrétaire Général de cette force syndicale,je m’en vais vous illustrer quelques cas de violations des droits syndicaux dans le secteur de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel en République Démocratique du Congo.
Droit de négociation
Aujourd’hui, pour la première fois de l’histoire du syndicalisme en RDC, une intersyndicale est montée de toutes pièces, installée en 2018 par Gaston MUSEMENA, ministre de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel. Les syndicats de la RDC affiliés à l’IE qui dénonçaient l’ingérence dans la gestion interne des syndicats par le gouvernement, ont déclaré que cette Intersyndicale est constituée sur base de débauchage et de dissidence !
Cette structure qui regroupe tous les syndicats lors des négociations, le banc syndical, devrait être le plus indépendante possible pour jouer convenablement son rôle. Mais en l’installant ainsi, le gouvernement semble vouloir davantage s’en servir pour évincer les organisations qui ne seront pas de son goût.
Autre exemple, suite à ses prises de positions, la FENECO a vu sa subvention due par le gouvernement suspendue pendant plusieurs mois. Et, jusqu’aujourd’hui, sa participation aux réunions paritaires n’est toujours pas pleinement assurée.
Le paradoxe, c’est que pendant que beaucoup de pays essayent de réduire les possibilités de créer des syndicats par des procédures compliquées, la RDC ouvre un boulevard pour se servir des organisations moins représentatives, certaines non enregistrées et des individus non organisés en syndicats pour avoir la mainmise sur les activités syndicales dans le secteur de l’éducation.
Les rencontres paritaires entre syndicats d’enseignants et gouvernement sont sporadiques, non inclusives et ne concernent pas toutes les matières nécessaires. Le statut particulier des enseignants, par exemple, fomenté au niveau du gouvernement, attend son vote au Parlement sans avoir requis les avis des enseignants. Donc, on se passe de leur avis, même sur des matières qui les concernent directement.
Liberté syndicale
Des représentants du gouvernement, notamment dans le secteur des écoles conventionnées des réseaux confessionnels, s’évertuent à forcer les enseignants, en imposant des mesures de représailles, à rejoindre les rangs d’une organisation syndicale approuvée par eux-mêmes et ce, par des instructions officielles. Beaucoup de nos membres se sont vus obligés de se désaffilier de notre organisation pour maintenir leur poste ; les sanctions infligées quand il s’agit des mutations (punitives)frisent souvent la ruse, quand il ne s’agit pas tout simplement de sanctions illégales... Là-dessus, dans cette ambiance de terreur, sans syndicat indépendant et fort, nous assistons à des actes comme les retenues à la source à titre de dime, taxe de foi, etc
Malgré toutes les garanties que nous accordent les textes de loi, il est regrettable de constater que la prolifération des syndicats est entretenue à dessein ; le champ est libre pour la dépravation des droits syndicaux avec un dialogue social de mauvaise qualité et une liberté syndicale nominale au détriment de l’éducation même.
Pour moi, l’application des dispositions de la Recommandation OIT/UNESCO de 1966 concernant la condition du personnel enseignant dont la grande partie est coulée dans les textes de loi en RDC, devait être une priorité inaliénable pour le secteur de l’éducation de manière à permettre aux enseignants, à travers leurs syndicats, de contribuer au progrès de l’éducation par leur participation à la gestion du système éducatif depuis l’élaboration des politiques scolaires jusqu’à la gestion de l’école.
Il n’est pas facile de travailler sur les droits syndicaux dans le contexte d’un pays où les libertés publiques ne sont pas encore garanties et la lutte continue…
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Le 10 décembre 2018 marque le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits humains (DUDH). En garantissant le droit de former des syndicats, la liberté d’expression et le droit de chacun à une éducation de qualité, cette déclaration continue à être une source d’inspiration pour les enseignant.e.s et syndicalistes du monde entier. Le respect des droits humains requiert une éducation et une lutte permanentes. Pour fêter la DUDH, l’Internationale de l’Education publie une série de blogs où des syndicalistes réfléchissent à leurs combats et leurs réalisations. Ces articles reflètent l’engagement des syndicats de l’éducation, dans toutes les régions et toutes les communautés, pour défendre et faire progresser les droits humains et libertés de chacun.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.