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La communication, un outil essentiel pour les syndicalistes de l’éducation en Afrique dans le cadre de la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! »

Publié 2 avril 2025 Mis à jour 8 avril 2025
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Des responsables de la communication de divers syndicats africains de l’éducation se sont récemment retrouvé·e·s à l’occasion d’une réunion du réseau ComNet Afrique qui mettait l’accent sur les efforts de communication et de campagne dans le contexte de la campagne de l’Internationale de l’Éducation (IE) La force du public : ensemble on fait école !. L’événement a mis en lumière le besoin urgent d’investir davantage dans l’enseignement public et dans les éducateur·trice·s sur l’ensemble du continent.

Un appel à l’action pour inciter les gouvernements africains à investir dans l’éducation et dans les enseignant·e·s

Le Dr Dennis Sinyolo, directeur régional de l’IE pour l’Afrique, a ouvert le webinaire : « Nous sommes ici pour partager nos expériences, développer et préciser nos stratégies afin de faire passer la campagne La force du public : ensemble on fait école ! à la vitesse supérieure », appelant les gouvernements à accélérer les progrès vers la réalisation de l’objectif de développement durable 4 (ODD4) en investissant dans l’enseignement public, dans les enseignant·e·s et dans les travailleur∙euse∙s de l’éducation.

Le Dr Sinyolo a souligné la dure réalité à laquelle la région est confrontée : « L’Afrique est la région la plus en retard dans la réalisation de l’ODD4. Si les tendances actuelles se maintiennent, la plupart des cibles de l’ODD4 resteront hors de portée. » Il a insisté sur l’importance de considérer le financement de l’éducation comme un investissement « dans nos jeunes, dans notre avenir et dans l’Afrique à laquelle nous aspirons ».

Précisant que seul·e·s quelque 60 % de nos enseignant·e·s sont formé·e·s aux normes nationales et que même ces normes restent, dans la plupart des cas, relativement faibles, il a ajouté : « Nous devons relever le niveau des normes professionnelles de l’enseignement et veiller à ce que le diplôme de licence constitue la qualification minimale requise à l’échelle du continent pour exercer la profession ».

Le Dr Sinyolo a ensuite demandé aux participant·e·s de s’assurer que les gouvernements africains connaissent et mettent en œuvre les recommandations des Nations Unies sur la profession enseignante ainsi que la nouvelle Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA) de l’Union africaine (2026-2035).

Le directeur régional de l’IE pour l’Afrique a également fait valoir que « nous comptons sur vous en tant qu’expertes et experts en communication, dirigeantes et dirigeants et membres de nos syndicats pour nous aider à propulser la campagne La force du public : ensemble on fait école ! à l’échelon supérieur. Nous avons besoin d’une école publique de qualité pour chaque enfant en Afrique. Chaque élève devrait bénéficier d’un enseignement dispensé par des professionnels hautement qualifiés, formés à leur métier, bien soutenus, convenablement rémunérés et motivés. »

Aperçu de la campagne mondiale

Rebeca Logan, directrice Campagnes et communications de l’IE, a présenté les dernières informations en date concernant le Rapport mondial sur la condition du personnel enseignant et l’avancement de la campagne.

« Nous venons de lancer le Rapport mondial sur la condition du personnel enseignant en janvier. Vous y trouverez des informations portant sur les salaires des enseignantes et enseignants, leur charge de travail, leurs conditions de travail ainsi que nos revendications et sur les solutions qui fonctionnent dans différentes régions du monde. »

Rebeca Logan a également rapporté les derniers développements relatifs à la campagne, récemment lancée en Jamaïque, au Guyana et à Saint-Vincent-et-les Grenadines.

Elle a salué l’aboutissement des pressions politiques exercées par des collègues syndicalistes en Uruguay – l’un des premiers pays cibles de la campagne – qui, en s’appuyant sur la campagne La force du public : ensemble on fait école ! dans le cadre de leur boîte à outils, ont réussi à faire succéder « à un gouvernement de droite un président qui n’est pas seulement syndicaliste, mais aussi enseignant ».

Sur la question du financement de l’éducation et de la mobilisation des ressources, Logan a repris l’affirmation de la campagne La force du public : ensemble on fait école ! selon laquelle il est possible de mobiliser suffisamment de fonds pour investir durablement dans l’éducation et dans les éducateur·trice·s et ainsi parvenir à une éducation de qualité pour toutes et tous. « Lorsque le sujet du financement de l’éducation est abordé, on entend souvent l’excuse du manque d’argent en faveur de l’éducation ou du secteur public, de l’existence d’une crise ou d’une surcharge du budget. »

La campagne soutient toutefois qu’en remédiant aux budgets militaires excessifs, à la pratique des multinationales qui n’acquittent pas leur juste part d’impôts et au système monétaire international qui écrase les budgets nationaux sous le poids de la dette extérieure, plusieurs milliards de dollars peuvent ainsi être mobilisés en faveur du financement d’une éducation de qualité dans toutes les régions du globe.

Rebeca Logan a également souligné : « En tant que communicantes et communicants, lorsque nous évoquons la campagne, nous devons présenter le monde auquel nous aspirons sous un jour positif, à savoir, que nous croyons que pour garantir un avenir durable pour toutes et tous, il est absolument essentiel d’assurer un financement intégral des systèmes d’éducation publique, des enseignantes et enseignants et des personnels de soutien à l’éducation. »

L’importance de la campagne pour les systèmes éducatifs africains

Le Dr Pedi Anawi, coordinateur régional de l’IE pour l’Afrique, a mis en lumière l’importance de la campagne La force du public : ensemble on fait école ! pour les systèmes éducatifs africains. Il a déclaré qu’« en moyenne, les gouvernements africains consacrent près de 15 % de leurs dépenses nationales à l’éducation, alors que la pratique internationale devrait consister à investir un minimum de 20 %. Même les pays dans lesquels le gouvernement investit plus de 20 % du budget national continuent de faire face à d’importantes pénuries d’enseignantes et enseignants, à des infrastructures scolaires insuffisantes et à des taux élevés de privatisation et de commercialisation de l’éducation. »

Le Dr Anawi a également évoqué la nécessité de renforcer l’adéquation, l’efficacité et l’équité du financement dans un contexte d’espace budgétaire restreint et de priorités concurrentes. Dans la région africaine, 25 pays ont rejoint la campagne à ce jour, recourant à des stratégies telles que : recherche – collecte de données pertinentes pour aider à déterminer le niveau de financement de l’enseignement public nécessaire ; réunions avec les parties prenantes, mise en réseau avec d’autres organisations de la société civile ; messages radio/TV/réseaux sociaux, marches dans les rues ; et utilisation des Recommandations des Nations Unies sur la profession enseignante pour faire pression sur les fonctionnaires ministériel·le·s, les parlementaires, les dirigeant·e·s politiques et les parties prenantes internationales.

« La campagne La force du public : ensemble on fait école ! est extrêmement importante pour le continent africain », a-t-il convenu. « Les organisations membres de l’IE partagent la même détermination à faire en sorte que chaque apprenante et apprenant, quel que soit l’endroit où il ou elle vit, soit pris en charge par une enseignante ou un enseignant avec les qualifications adéquates. Il est essentiel d’augmenter les salaires, de réduire la charge de travail et d’assurer la sécurité de l’emploi pour recruter et conserver les enseignantes et enseignants dont nous avons besoin aujourd’hui et à l’avenir. »

Exemples de réussites en Afrique

Agnès Bikoko de la Fédération camerounaise des syndicats de l’éducation (FECASE) et présidente du réseau des femmes africaines dans le secteur de l’éducation (AWEN) a partagé leurs réalisations au Cameroun : « La campagne a permis aux syndicats camerounais de mieux s’organiser et de sensibiliser les éducatrices et éducateurs et le grand public à l’ampleur de l’impact de la commercialisation et du sous-financement du secteur. »

« La première étape a consisté en un rapport gouvernemental dressant un état des lieux de la situation de l’éducation au Cameroun, dont le système scolaire public se meurt faute de financement adéquat. Le rapport a notamment conclu à une prolifération des institutions privées, une diminution du budget alloué à l’enseignement public, un risque de creusement des inégalités et une détérioration des infrastructures scolaires publiques. »

La FECASE s’est associée au Réseau camerounais sur l’Éducation pour toute∙s (CEFAN), dont font partie des syndicats affiliés à l’IE ainsi qu’un organisme intersyndical, pour plaider en faveur d’une augmentation du budget alloué à l’éducation, a-t-elle noté.

Daisy Zambuko, de l’Association des enseignant∙e∙s du Zimbabwe (Zimbabwe Teachers’ Association – ZIMTA), a rendu compte de son intervention fructueuse auprès des parlementaires : « Au terme des échanges tenus avec les parlementaires, les responsables politiques ont promis d’élargir le débat à l’augmentation du financement de l’éducation en 2025. Il a également été convenu de consulter la ZIMTA sur les futures questions de financement de l’éducation. »

Grâce à la campagne, a-t-elle déclaré, « nous avons appris que le fait d’impliquer la communauté à travers des marches et des campagnes de sensibilisation contribue largement à mobiliser les parties prenantes en vue de soutenir les progrès à réaliser vers notre objectif. Nous avons également reconnu la nécessité de veiller à ce que les gouvernements abordent l’augmentation du financement de l’éducation comme un investissement et non comme un problème de consommation à limiter. »

Clinton Ikpitibo, secrétaire général du Syndicat des enseignant∙e∙s du Nigeria (Nigeria Union of Teachers – NUT), a quant à lui évoqué les vastes activités de campagne entreprises par les enseignant·e·s au Nigeria depuis 2017. La campagne, qui a été lancée dans ce pays dans le cadre de la réponse mondiale à la privatisation et à la commercialisation de l’éducation, était une réaction à l’influence croissante des acteurs non étatiques dans l’éducation, tels que Bridge International Academies.

« Nous avons été en mesure de sensibiliser plus de 600 dirigeantes et dirigeants syndicaux et un grand nombre de parents, d’autorités publiques et d’autres parties prenantes à l’impact négatif de la privatisation et de la commercialisation de l’éducation. Notre collaboration avec les organisations de la société civile (OSC) représente un aspect important de la campagne, qui contribue à établir un consensus autour de la nécessité d’accroître les investissements publics en faveur de l’éducation et des enseignantes et enseignants. »

La campagne a également influencé les décisions des gouvernements locaux, qui ont par exemple empêché la création d’écoles Bridge International Academies (BIA) dans certains États et fait fermer certaines écoles BIA existantes. Le NUT a appelé le gouvernement à allouer au moins 6 % du PIB ou 20 % du budget annuel à l’éducation et à mettre en place des mécanismes de suivi efficaces des acteurs non étatiques de l’éducation.

Garang Deng Kuol Athian, président du syndicat national des enseignant·e·s du Soudan du Sud (National Teachers Union of South Sudan – NTUSS), a expliqué que la campagne avait contribué de manière significative à la croissance et au développement de son syndicat et a fait état des défis auxquels sont confronté·e·s les enseignant·e·s : « L’enjeu le plus critique est le salaire des enseignantes et enseignants. Aucune rémunération ne leur a été versée depuis plus d’un an maintenant. »

Malgré ces défis, il a souligné l’importance de poursuivre la campagne et de renforcer les capacités des responsables syndicaux aux niveaux national, régional et local.

Défis et opportunités

Dennis Sinyolo a conclu le webinaire en ces termes : « La bonne nouvelle est que les quatre pays qui ont participé à ce panel mènent encore des activités à l’heure actuelle et seront en mesure de poursuivre la campagne, au moins pour cette année. L’IE continuera à vous accompagner dans la poursuite de votre travail. »

Dennis a également rappelé que l’Union africaine s’apprêtait à convoquer une conférence des ministres de l’Éducation à Addis-Abeba, du 1er au 3 octobre. Une délégation de l’IE sera présente à cet important événement et appuiera la mise en œuvre de la CESA sur la période 2026-2035.

Il a en outre insisté sur la nécessité « de traiter les questions liées à la dette financière nationale. Nombre de pays africains sont pris au piège de la dette et n’ont aucun moyen d’investir davantage dans l’éducation. »

Citant le cas du Kenya, qui consacre plus de 50 % de son budget au service de la dette, il a déclaré : « Pour cette raison, nous appelons le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l’ensemble des pays développés à annuler la dette des pays africains, de façon à leur permettre d’investir dans l’éducation et dans les services publics ».

Il a également invité les participant·e·s à se joindre au prochain webinaire régional de l’IE Afrique sur la question de la direction des établissements scolaires, qui se tiendra le 16 avril, avant de refermer l’événement en appelant clairement à l’action : « Poursuivons nos efforts pour permettre à la campagne La force du public : ensemble on fait école ! de passer à la vitesse supérieure. Ensemble, nous sommes plus fortes et forts! »