
Malgré leur réputation selon laquelle ils disposent de systèmes d’enseignement public forts, les pays scandinaves européens font face à des inégalités croissantes, à des pénuries d’enseignant·e·s et à une privatisation rampante. À mesure que les gouvernements déplacent la charge financière vers les municipalités, les écoles sont contraintes de faire concurrence à d’autres services publics pour obtenir des ressources. Résultat ? Les zones plus riches peuvent supporter des investissements supérieurs dans l’enseignement public, tandis que les autres sont à la traîne.
Le Conseil nordique des enseignant·e·s (Nordic Teachers’ Council-NLS) a publié un rapport historique sur le financement de l’éducation, qui met en évidence le creusement des inégalités dans la région. Les gouvernements locaux se débattent avec une aide insuffisante de l’État, ce qui rend plus ardue la tâche d’assurer un enseignement public de qualité pour tou·te·s. Les conclusions du rapport soulignent le besoin urgent d’accroître les investissements publics, en écho à l’appel de la campagne de l’Internationale de l’Éducation, La force du public : ensemble on fait école !
Le secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation, David Edwards, a averti que cette crise s’inscrit dans un contexte mondial plus large : « Même dans les pays scandinaves, généralement considérés comme ayant des systèmes d’enseignement public solides, nous sommes témoins des effets dévastateurs du sous-financement. Si certaines des nations les plus riches du monde ne s’engagent pas pleinement à financer entièrement l’enseignement public, quel message cela envoie-t-il au reste du monde ? »
« Alors que la campagne La force du public prend de l’ampleur, des organisations membres de l’IE du nord de l’Europe et d’ailleurs se mobilisent pour mettre les gouvernements devant leur responsabilité de financer adéquatement l’enseignement public. L’éducation est un bien public et une pierre angulaire de la démocratie, elle doit être financée par des fonds publics et dispensée par des services publics », a déclaré M. Edwards.
Sous-financement, inégalité et menace croissante de privatisation
Dans toute la région, les municipalités luttent pour soutenir l’enseignement public, alors que les gouvernements nationaux en déplacent la responsabilité financière sur les autorités locales. En Finlande, le financement national est passé de 31 à 22 pour cent en une décennie, laissant aux municipalités la charge de gérer 97 pour cent des écoles de l’enseignement primaire et secondaire inférieur.
En Suède, les autorités locales doivent assurer le financement intégral des écoles. Les municipalités plus riches peuvent investir dans de meilleures installations, des tailles de classe réduites et un soutien supplémentaire pour les élèves, tandis que celles où les recettes fiscales sont moindres, se débattent pour couvrir les frais de fonctionnement de base. La décentralisation du financement a eu pour résultat des inégalités flagrantes, un problème que connaît également la Norvège, où les budgets municipaux de l’éducation dépendent dans une large mesure des impôts locaux. Dans ce pays, selon les municipalités, la différence de financement par élève peut atteindre 19.000 USD, ce qui renforce les disparités régionales en termes de ressources scolaires.
Parallèlement, les changements démographiques exercent une pression supplémentaire sur les budgets publics. Compte tenu du vieillissement des populations et de la baisse des taux de natalité, les gouvernements orientent davantage de fonds vers les soins de santé et les retraites, laissant l’éducation sous-financée. À l’horizon 2030, la population en âge de travailler dans la région scandinave devrait diminuer considérablement, réduisant les recettes fiscales et rendant encore plus difficile la prise en charge du financement de l’enseignement public par les municipalités.
Aggravant ces difficultés, la privatisation prend de l’ampleur dans les systèmes éducatifs scandinaves. Alors que l’enseignement public reste la base du système, les subventions de l’État aux écoles privées sont répandues et, parfois, des fonds publics sont engloutis dans une éducation à but lucratif. La Suède se distingue à cet égard, dans la mesure où les prestataires de services éducatifs privés sont autorisés à générer des profits directement à partir de fonds publics, une pratique qui menace l’équité et détourne des ressources des écoles publiques.
La force du public ! Les gouvernements doivent financer l’éducation
Parmi ces pressions, les pénuries de personnel enseignant déstabilisent davantage les systèmes d’enseignement public, dans la mesure où des investissements publics insuffisants dans les salaires, la formation et la sécurité d’emploi rendent plus difficiles le recrutement et la rétention d’enseignant·e·s de qualité. Les taux de démission augmentent, et dans certains pays scandinaves, jusqu’à 50 pour cent des nouveaux·elles enseignant·e·s qualifié·e·s quittent la profession dans les cinq ans. Sans des mesures urgentes, les classes continueront de manquer de personnel, les charges de travail augmenteront et la qualité de l’enseignement public en souffrira.
Compte tenu de ce contexte, les recommandations formulées dans le rapport du NSL font écho aux revendications essentielles de la campagne La force du public : ensemble on fait école !, qui appelle à :
- Des investissements publics accrus dans l’éducation : les gouvernements doivent consacrer une part supérieure des budgets nationaux aux écoles publiques, afin que les municipalités ne soient pas obligées de compenser le manque de financement ;
- Des réglementations nationales plus fortes : des lois claires et applicables doivent garantir l’égalité des chances dans l’éducation, quelle que soit la municipalité ou la région ;
- Mettre fin à la commercialisation de l’éducation : les fonds publics doivent rester dans l’enseignement public et il faut empêcher des acteurs privés d’en profiter aux dépens des élèves et du personnel enseignant ;
- Des salaires justes et de meilleures conditions de travail : un salaire compétitif, des charges de travail réduites et une meilleure sécurité d’emploi sont essentiels pour résoudre les pénuries d’enseignant·e·s et assurer leur rétention ;
- Des modèles de financement équitables : les gouvernements nationaux doivent mettre en place des mécanismes de financement plus justes, garantissant que toutes les écoles, où qu’elles soient situées, reçoivent les ressources dont elles ont besoin.
Pour lire le rapport complet Le financement de l’éducation dans les pays scandinaves : comparaison de la situation actuelle, cliquez ici.