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Photo: GPE/ Stephan Bachenheimer
Photo: GPE/ Stephan Bachenheimer

#Rattraponsleretard #5 : Financement de l’éducation au Ghana: implanter la stratégie « Ghana Beyond Aid » (le Ghana au-delà de l’aide) pour réaliser l’ODD 4?

Publié 17 juillet 2019 Mis à jour 17 juillet 2019
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Le Ghana présente aujourd’hui son Examen national volontaire (ENV) des progrès accomplis en faveur de la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD).

Il demeure toutefois peu probable que cet examen puisse amener à évaluer sous un angle critique les nombreuses politiques gouvernementales qui entravent concrètement la réalisation des ODD. Cet article montre que le Ghana, comme nombre de pays dans le monde, n’a pas encore pris les mesures nécessaires pour financer durablement l’ODD 4 et explique les initiatives que prennent les syndicats de l’éducation pour défendre l’enseignement public de qualité.

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Lors de son arrivée au pouvoir en janvier 2017, le Président Nana Akufo-Addo a présenté son initiative « Ghana Beyond Aid » (le Ghana au-delà de l’aide), une stratégie pour l’autofinancement et l’autogestion du développement national. L’investissement national dans l’éducation de qualité constitue l’un des piliers de cette stratégie et, en septembre 2017, le Ghana a instauré la gratuité de l’enseignement secondaire supérieur (ESS). A l’occasion de l’édition 2018 du forum de reconstitution des ressources du Partenariat mondial pour l’éducation, le Président Akufo-Addo a fortement insisté sur son aspiration à voir un jour tous les pays d’Afrique libérés de l’aide. Il a souligné la nécessité impérieuse de s’assurer que tous les pays africains puissent maintenir le contrôle de leur propre destin en cas de changement de politiques des bailleurs de fonds. Le Président Akufo-Addo a rappelé l’importance cruciale de mobiliser les ressources nationales pour financer l’éducation en éliminant les flux de capitaux illégaux, en luttant contre la corruption et en mettant fin à la mauvaise gestion des ressources. Son allocution a été bien accueillie au forum. Toutefois, un examen plus approfondi des politiques et du système de financement de l’éducation au Ghana soulève plusieurs questions.

Budget alloué à l’éducation

Commençons tout d’abord par un bref aperçu des dépenses consacrées à l’éducation au Ghana. Le Ghana compte parmi les pays africains dont le budget de l’éducation est le plus élevé. Pourtant, depuis 2015, les dépenses réservées à ce secteur, exprimées en pourcentage du PIB et du budget global du gouvernement, sont en diminution.

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Budget alloué à

l’éducation par le

gouvernement

en % du PIB

5,32

5,54

8,14

7,92

6,1

6,16

5,94

5,77

4,51

...

en % du budget global du gouvernement

22,5

20,7

30,63

37,52

21,22

20,99

23,81

22,09

20,1

Source: http://uis.unesco.org/fr/country/gh

Accès, équité, qualité et privatisation

Au cours de la première année d’application de la gratuité de l’ESS, ce niveau de l’éducation a accueilli 90.000 étudiant·e·s supplémentaires par rapport à l’année précédente [1]. Il n’empêche que de nombreuses difficultés subsistent en matière d’accès. De 2015 à 2018, le nombre total d’enfants non scolarisés est passé à plus de 700.000, celui des jeunes à plus de 250.000 [2]. En 2018, le taux net de scolarisation dans l’enseignement primaire était de 84 % et de 59,01 % dans l’enseignement secondaire. L’accès à l’éducation est donc loin d’être idyllique et la qualité de l’enseignement continue à se détériorer en raison de l’augmentation du nombre d’étudiant·e·s par classe.

Il a été démontré que la privatisation de l’éducation, en particulier au travers des écoles privées à bas prix et des partenariats public-privé (PPP), accentue les inégalités, ne favorise aucunement l’accès à l’éducation des populations les plus pauvres et n’offre souvent qu’un enseignement de qualité médiocre. Pourtant, le Plan actuel du Ghana pour le secteur de l’éducation (2018-2030) qualifie une nouvelle initiative PPP pilote de « pilier du programme de réforme » [3]. La stratégie de mise en œuvre appelle à l’introduction des PPP dans le secteur de la petite enfance et l’enseignement primaire, secondaire et non formel.

Pour l’heure, le système d’éducation ghanéen est fortement privatisé, en particulier le secteur de la petite enfance et l’enseignement primaire, où plus de 20 pour cent des étudiant·e·s fréquentent des établissements privés. Près d’un tiers des établissements d’éducation de la petite enfance et des écoles primaires du pays sont privés [4], tandis que l’augmentation du nombre d’écoles construites au cours de ces dernières années est majoritairement due à l’expansion du secteur privé. La législation du Ghana encourage l’intervention des acteurs privés dans l’éducation, mais il n’existe aucune réglementation stricte pour évaluer la qualité de leurs prestations. On note un grand risque de voir la privatisation des systèmes éducatifs ghanéens amener le gouvernement à s’exonérer de sa responsabilité de garantir une éducation de qualité à l’ensemble de la population, y compris dans les régions enclavées [5].

Programme de partenariat scolaire du Ghana

Le Programme de partenariat scolaire du Ghana est un projet de PPP prévoyant de confier la gestion d’une centaine d’écoles maternelles, primaires et secondaires de premier cycle, basées dans la région Ashanti et les régions du Nord, du Centre et du Grand Accra, à des organisations privées, financées par des prêts et des subventions alloués par la Banque mondiale et le Partenariat mondial pour l’éducation. Le projet pilote s’étendra sur trois années, à partir de septembre 2019, avant d’être élargi et institutionnalisé.

Absolute Return for Kids(Ark), une organisation britannique qui gère des « academies » (écoles administrées par le secteur privé et financées par des fonds publics) au Royaume-Uni, se charge désormais de nouer des partenariats et de conseiller les gouvernements de plusieurs pays à propos des PPP [6]. En tant que Groupe des partenariats scolaires, l’organisation prodigue actuellement ses conseils au gouvernement ghanéen pour la mise en œuvre de son programme [7]. Avant cela, Ark avait conseillé le gouvernement du Liberia à propos du controversé Programme de partenariat scolaire [8], une expérience infructueuse qui avait pour objectif la privatisation du système d’enseignement primaire. En 2017, Ark a coparrainé la visite au Royaume-Uni d’une délégation officielle du ministère ghanéen de l’Education afin d’étudier l’application des PPP [9]. Les services de consultance de l’organisation pour les PPP au Ghana sont financés par la fondation IDP [10], qui semble considérer les PPP comme un excellent tremplin pour le développement des écoles privées à bas prix dans le pays.

Le programme PPP proposé au Ghana s’est heurté à une vive opposition des organisations membres de l’Internationale de l’Education dans le pays, lesquelles ont insisté sur le fait de ne pas avoir été consultées au cours des deux années du processus de planification du projet. Ces dernières ont laissé entendre qu’elles s’opposeraient à toute tentative du gouvernement de privatiser, commercialiser ou transformer en marchandise l’enseignement public dans le pays [11].

Le fonds Education Outcomes Fund

Le fonds Education Outcomes Fund(EOF) souhaiterait travailler en partenariat avec le gouvernement ghanéen afin de faciliter l’utilisation des obligations ayant une incidence sur le développement au sein du système éducatif du pays. Les investisseurs tireraient parti des résultats scolaires positifs atteints par les prestataires de services d’éducation (commerciaux et non commerciaux) au Ghana, les rendements étant payés par les contribuables du pays ou des pays donateurs. Au moment de la rédaction du présent rapport, il restait à savoir si ce projet serait mis en œuvre ou non. Toutefois, il est clair que collaborer avec ce fonds ne contribuera aucunementà conforter le gouvernement dans son projet d’auto-financement de l’éducation publique de qualité.

Au mois d’août 2018, les syndicats de l’éducation et la coalition de la société civile pour l’éducation au Ghana [12] ont publié une déclaration dénonçant l’EOF. Cette dernière exprime les plus vives inquiétudes vis-à-vis de ce fonds, soulignant que cibler les acteurs non étatiques « ne peut que favoriser la commercialisation et la marchandisation de l'éducation, légitimer les activités lucratives au sein de ce secteur et affaiblir les efforts visant à renforcer et élargir l'éducation de qualité gratuite, inclusive et équitable pour toutes et tous, conformément à l’ODD 4 ».

La communauté éducative appelle le gouvernement à mettre en œuvre la stratégie« Ghana Beyond Aid ».

Les syndicats ghanéens de l’éducation appellent leur gouvernement à « se départir du financement extérieur et des conditionnalités qui y sont associées » et à « rendre opérationnelle la stratégie Ghana Beyond Aid en comblant les vides juridiques en matière de recouvrement de l’impôt, en éliminant les exemptions fiscales préjudiciables et en donnant la priorité à l’investissement dans le développement du capital humain du pays, au travers de l’éducation ». Forte d’une alliance des syndicats du secteur de l’éducation, la communauté éducative mène actuellement des actions pour faire pression sur le gouvernement, afin qu’il respecte son engagement à aligner la réforme de l’éducation sur les priorités nationales.

Afin que le Ghana puisse assurer durablement le financement d’une éducation de qualité, équitable, inclusive et universelle, le pays doit accorder la priorité au financement et au renforcement des systèmes publics, en s’appuyant sur les ressources nationales, mettre un terme à la privatisation de ses systèmes d’éducation et rejeter les modèles de financement étrangers dits « innovants » qui institutionnalisent la quête de profit dans le secteur de l’éducation, ainsi que sa commercialisation.

En 2015, les gouvernements se sont engagés à atteindre l’objectif d’une éducation de qualité, inclusive, équitable pour toutes et tous d’ici 2030 (Objectif de développement durable 4, ODD 4). Quatre ans plus tard, le monde accuse un retard très important pour ce qui est de la concrétisation de l’objectif. Cette série de mini-blogs présente quelques-unes des nombreuses difficultés qui entravent la réalisation de l’ODD 4, du point de vue des enseignant·e·s et des personnels de soutien à l’éducation.

Télécharger (en anglais) « Off Track : Educators Assess Progress Towards SDG 4 » ici et le résumé en FRANCAIS, ANGLAIS et ESPAGNOL.

[1] Discours du Président Akufo Addo à la réunion de reconstitution du GPE à Dakar, au Sénégal, en 2018. Voir: https://www.youtube.com/watch?v=_PNJjpw-Qb4

[2] Voir: http://uis.unesco.org/en/country/gh

[3] Plan pour le secteur de l’éducation au Ghana 2018-2030, p. 32

[4] Plan pour le secteur de l’éducation au Ghana 2018-2030, p. 18

[5] Voir: http://www.ghananewsagency.org/print/137947

[6] Junemann, C. et Ball, O. 2019. In Sheep’s clothing: Philanthropy and the Privatisation of the “Democratic” State. Internationale de l’Education, p. 33

[7] Voir: https://epg.org.uk/projects/ghana/

[8] Voir: https://www.unite4education.org/global-response/the-partnership-schools-for-liberia-a-critical-analysis/?utm_source=ActiveCampaign&utm_medium=email&utm_content=EI+Global+Response+Newsletter&utm_campaign=EI+Global+Response+Newsletter

[9] Junemann, C. et Ball, O. 2019. In Sheep’s clothing: Philanthropy and the Privatisation of the “Democratic” State.Internationale de l’Education, p. 81

[10] Pour de plus amples informations concernant les subventions: http://www.idpfoundation.org/grantmaking/grant-recipients/ark-epg

[11] Voir: https://www.graphic.com.gh/news/general-news/ghananews-teacher-unions-raise-red-flag-over-govt-plans-to-privatise-public-education.html?_cldee=YW5nZWxvLmdhdnJpZWxhdG9zQGVpLWllLm9yZw%3d%3d&recipientid=contact-0ccea2bcb4a0e411b1c5005056ad0002-02db7ed032794b2782d0bc164890f013&esid=fe73b25c-1ac0-4d89-a7ec-56da5cf90bb9

[12] National Association of Graduate Teachers(NAGRAT), Ghana National Association of Teachers(GNAT), Teachers & Educational Workers Union of Ghana(TEWU)

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.