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Défendre la profession et la solidarité entre éducateur·trice·s en temps de crise est essentiel pour les membres de l’IE dans les pays arabes

Publié 16 avril 2025 Mis à jour 23 avril 2025
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Lors de la 7e Conférence biennale de la Structure interrégionale des pays arabes (SIRPA) de l’Internationale de l’Éducation (IE), les dirigeant·e·s des syndicats de l’éducation ont affirmé la nécessité de développer des partenariats, de manifester sa solidarité envers les collègues et le peuple palestiniens, de soutenir la rémunération des éducateur·trice·s en temps de crise et d’étendre la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! » destinée à financer l’enseignement public.

Dans son discours d’ouverture prononcé le 8 avril, Manal Hdaife, présidente du Comité de la SIRPA, a condamné les attaques visant la communauté éducative dans la région et a lancé un appel à la solidarité pour la paix et l’éducation : « Atteindre l’un des nôtres est nous atteindre tous et toutes. Ensemble, nous pouvons gagner. Dans l’obscurité, nous voyons poindre une lueur d’espoir : notre réunion témoigne que nous ne nous découragerons pas, que nous devons faire bloc avec les collègues qui continuent à enseigner malgré d’effroyables conditions. Nous devons lutter pour un avenir meilleur pour nos enfants, pour nos familles, et pour l’humanité. »

Manal Hdaife, présidente de la SIRPA

Khalaf Zanati, président de l’Egyptian Teachers’ Syndicate (le Syndicat des enseignant∙e∙s d’Égypte), a ajouté qu’en collaboration avec le ministère de l’Éducation, son organisation entendait élaborer des ressources pour l’éducation à la paix. Il a déclaré que l’Égypte accueillait des réfugié∙e∙s de pays frontaliers au sein de ses écoles et universités. « Nous devons considérer que les établissements d’enseignement sont des lieux sûrs où prime la sécurité. Nous devons accroître les financements à l’éducation pour la reconstruction », a-t-il ajouté.

Mohamed Abdel Latif, ministre égyptien de l’Éducation, a également souhaité la bienvenue aux participant·e·s réuni·e·s au Caire, notant que la conférence concordait avec la nécessité de discuter de l’éducation en temps de crise et de dépasser les obstacles que présentent les questions humaines et de développement. « Trop souvent, les enfants sont privés du simple droit à l’éducation. Nous devons rassembler les fonds nécessaires. Nous devons établir la paix et la démocratie. Et justement, les enfants tracent la voie vers l’édification d’une paix durable. »

Il a aussi précisé que « des millions d’enfants voient leur éducation pâtir, traversent les frontières et sont encadrés par trop peu d’enseignants et enseignantes. Beaucoup d’entre eux endurent des effets post-traumatiques, car ce dont ils ont été les témoins nuit à leur concentration. »

Il a ajouté que depuis toujours, l’Égypte était un pôle d’accueil régional recevant à bras ouverts les enfants pour leur procurer une éducation à tous les niveaux d’enseignement, en leur apportant la même attention qu’aux élèves égyptien·ne·s. « Il s’agit là d’un investissement dans la paix et dans la construction d’un avenir meilleur, sans considération de frontières. »

Dans sa déclaration préliminaire, le président de l’IE Mugwena Maluleke a réitéré qu’« en tant que mouvement, nous prônons l’universalité du droit à l’éducation. Nous le savons, une éducation de qualité pour tous et toutes n’est possible que grâce à des systèmes d’enseignement public inclusifs et entièrement financés, gratuits pour l’ensemble des élèves et mus par une profession enseignante forte. Dès lors, les syndicats de l’éducation du monde entier ont uni leurs forces afin de pousser tous les gouvernements à prendre conscience de la force de l’enseignement public et de l’obligation de le financer. Lancée depuis seulement deux ans et appuyée par notre Congrès mondial, notre campagne mondiale « La force du public : ensemble, on fait école » est aujourd’hui menée dans les quatre régions de l’IE. Elle représente un appel urgent lancé aux gouvernements afin qu’ils investissent dans l’enseignement public, qui représente un droit humain et un bien public fondamental, et dans les enseignant·e·s, qui sont la clé d’une éducation de qualité. »

Mugwena Maluleke, président de l’Internationale de l’Éducation

Il a également encouragé les syndicalistes de l’éducation « à réfléchir aux Recommandations du Groupe de haut niveau sur la profession enseignante formé par le Secrétaire général des Nations Unies en réponse à la pénurie mondiale qui touche la profession. Ces recommandations demandent des salaires intéressants pour les enseignants et enseignantes à tous les niveaux d’enseignement, ainsi que l’équité salariale. En vue de remédier à la pénurie sectorielle, les recommandations enjoignent les gouvernements à élaborer des politiques exhaustives et globales sur la profession enseignante. Ces politiques doivent être élaborées conjointement avec le personnel enseignant et les syndicats qui les représentent. »

Il s’est attardé sur trois recommandations relatives, au soutien direct à la profession dans les situations d’urgence, notamment la recommandation 54 qui sollicite auprès de la communauté internationale la création d’un Fonds mondial de rémunération des enseignant·e·s travaillant en contexte de crise.

Le dirigeant de l’IE a continué en soulignant que « notre mobilisation pour un enseignement public de qualité est indissociable de notre appel à la paix. Nous ne pouvons obtenir l’un sans l’autre. Alors que les dépenses militaires mondiales atteignent des sommets financés par nos impôts et notre labeur, les systèmes d’enseignement public s’effondrent en zone de conflit. Les enseignants et enseignantes ne sont pas rémunérés, les infrastructures sont détruites et les enfants sont dépouillés de leur droit à l’éducation. »

Les enseignant·e·s occupent une position privilégiée afin de stimuler la pensée critique et la compassion indispensables pour contrer l’oppression et les inégalités, a-t-il ajouté.

Évoquant la Palestine, il a réaffirmé que « l’Internationale de l’Éducation en a toujours appelé à la paix, de tous côtés. Et cet appel, nous le maintenons. » M. Maluleke a critiqué les attaques incessantes du gouvernement Netanyahu contre de la Palestine et a réitéré la solidarité de l’IE avec le peuple palestinien, déplorant la destruction d’écoles et de communautés entières.

« Nous sommes les agents de la transformation ; nous œuvrons avec sagesse à la paix. Peu importent les défis, je veux que chacun et chacune d’entre vous se rappelle que vous n’êtes pas seuls et seules dans cette lutte. Ensemble, en collaborant à travers les frontières, nous sommes assez forts pour défier les injustices, pour défendre les droits des éducateurs et éducatrices et des élèves, et pour reconstruire un enseignement public qui soit le fondement de la paix, du progrès et de l’équité », a-t-il conclu.

Yasmine Sherif, directrice exécutive du fonds Éducation sans délai (Education Cannot Wait – ECW), s’est adressée au public de la conférence en insistant sur la détresse des étudiant·e·s touché·e·s par des conflits violents dans le monde : « Quatre millions d’enfants et de jeunes souffrent d’un manque de financement et d’un accès insuffisant à une éducation de qualité. Nous voulons prendre la main des laissés-pour-compte. »

La rémunération des enseignant·e·s dans les situations d’urgence

Les participant·e·s ont également assisté à la présentation de deux études de cas sur le salaire des enseignant·e·s travaillant dans des situations d’urgence, la première au Liban et la seconde en Palestine.

Modérateur de la table ronde, le secrétaire général de l’IE David Edwards a déclaré : « Nous militons pour la création d’un fonds pour les enseignants et enseignantes lors des situations d’urgence. Sans notre profession, aucune éducation n’est envisageable et les enfants ne peuvent espérer un meilleur avenir pour leur communauté. Face à la guerre, aux conflits ou aux catastrophes naturelles, les enseignants et enseignantes ne se dérobent pas à la crise, mais accourent vers leurs élèves, et ce même s’ils ne reçoivent pas leur salaire, dont l’absence est injuste et illégale. Cette problématique est une priorité absolue pour l’IE, et nous devons en faire une priorité mondiale. Il nous faut soutenir le travail de nos collègues et veiller à ce que les enseignants et enseignantes reçoivent la totalité de leur salaire, à temps. »

David Edwards, secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation

Il a aussi expliqué que des rapports nationaux sous-tendraient le plaidoyer de l’IE en faveur de l’éducation dans les situations d’urgence : « Les données et récits que nous recueillons nous aideront à bâtir un dossier solide en vue de replacer la profession enseignante au centre de l’échiquier. Pour la première fois, le consensus est que nous devons soutenir cette profession. Toutes les parties prenantes reconnaissent qu’une éducation est impossible si l’on n’aide pas les enseignants et enseignantes et que l’on ne les rémunère pas, surtout dans les zones touchées par une crise. C’est le moment de profiter de cet élan. »

Et d’ajouter : « L’intelligence artificielle (IA), dit-on, pourrait remplacer les enseignants et enseignantes, mais je n’ai jamais vu une fenêtre d’ordinateur protéger un enfant d’une bombe, ou sortir un aliment de son sac pour le partager avec un élève. L’IA ne se bat pas pour les droits des travailleurs et travailleuses ni pour les droits humains. Mais nous, oui. Et nous continuerons de le faire. »

Nous devons nous attaquer à ces questions à l’échelle mondiale, en impliquant le grand public, les gouvernements, les donateurs, tout le monde, a également dit M. Edwards, reconnaissant que les syndicats de la région répondaient à l’appel et jouaient un rôle prépondérant dans cette lutte pour la profession.

Lors d’une autre session sur le partage des bonnes pratiques, Dr Amjad Barham, ministre de l’Éducation de la Palestine, a rapporté les efforts de son gouvernement afin d’aider les enseignant·e·s et leurs élèves à assurer la continuité de l’éducation dans les zones de conflit que sont la Bande de Gaza et la Cisjordanie.

Les syndicalistes de Palestine, du Liban et de la Syrie ont également expliqué les difficultés de leurs syndicats, en particulier pour assurer le transport des enseignant·e·s et l’accès à leur lieu de travail, ainsi que pour la fourniture d’une assistance psychosociale aux travailleur·euse·s de l’éducation et aux élèves.

S’aligner sur le Plan stratégique mondial de l’IE

Dans le cadre de la conférence, M. Edwards a également présenté le Plan stratégique mondial adopté par le bureau exécutif de l’IE : « Nous nous organisons pour faire croître et renouveler un mouvement syndical inclusif et représentatif, armé pour défendre et faire avancer avec force : la condition et le bien-être de notre profession (Profession) ; l’enseignement public de qualité pour tous et toutes (Enseignement Public) ; les droits humains et syndicaux, l’égalité des genres et la justice sociale (Population) ; ainsi que la paix, la démocratie et la justice climatique (Planète). »

Les syndicats de l’éducation des pays de la SIRPA vont maintenant adapter et ajuster leur propre plan stratégique à celui, international, de l’IE.

En outre, Dalila El Barhmi, coordinatrice régionale de la SIRPA de l’IE, a présenté le rapport d’activité sous-régional qui met l’accent sur les initiatives menées dans la région.

« La force du public : ensemble on fait école ! » dans les pays de la SIRPA

Angelo Gavrielatos, responsable de « La force du public : ensemble on fait école ! », a présenté la campagne, ainsi que les Recommandations des Nations Unies sur la profession enseignante, déclarant : « Cette campagne phare de l’IE cherche à renforcer les valeurs et le sens véritable du Plan stratégique de l’IE. La campagne ‘La force du public : ensemble, on fait école !’ est centrée sur la profession enseignante. Sans personnel enseignant soigneusement préparé, bien accompagné et en suffisance, le système éducatif ne peut pas fonctionner. »

Cette campagne constitue un appel obligé et urgent lancé aux gouvernements et aux institutions financières internationales pour investir dans les enseignant·e·s et dans l’éducation, a-t-il indiqué, en ajoutant : « C’est une question urgente, car des nombreuses crises auxquelles est confronté le secteur de l’éducation, la pénurie d’enseignants et enseignantes s’avère la plus importante. Nous devons trouver 44 millions d’enseignants et enseignantes supplémentaires d’ici la fin de la décennie pour parvenir à un enseignement public primaire et secondaire de base qui soit qualitatif. Dans les pays de la SIRPA, il manque 4,3 millions d’enseignants et enseignantes. En Égypte, les prévisions indiquent 480.000 postes à pourvoir. Tandis que les enseignants et enseignantes s’épuisent, les enfants sont dépossédés. »

Angelo Gavrielatos, responsable de la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! »

Il a enchéri que le sous-investissement entretient la pénurie, en favorisant un personnel surmené, sous-payé et dont la vraie valeur n’est pas reconnue : « Chez les enseignants et enseignantes en début de carrière, nous observons une hausse des taux de démission et de départ, qui n’ont jamais été aussi élevés. Par ailleurs, de moins en moins de personnes se lancent dans la profession. »

« La campagne est en cours au Liban, en Irak et au Maroc, et nous avons l’intention de l’étendre à la région arabe et dans le monde, en œuvrant aux côtés des syndicats et des parties prenantes du secteur de l’éducation. Nous devons agir. Il ne peut plus y avoir d’excuses : les gouvernements doivent investir dans les enseignants et enseignantes et dans l’enseignement public », a-t-il conclu.

Des représentant∙e∙s syndicaux∙ales ont également exposé des études de cas vécus au Maroc, en Irak et au Liban.

Renforcer les partenariats

Lors de la discussion sur le renforcement des partenariats, le responsable des partenariats stratégiques d’ECW, Nasser Faqih, a rappelé que son organisation apportait depuis 1997 une assistance médicale, une aide alimentaire et une aide à l’éducation durant les conflits.

« Nous souhaitons être un fonds non bureaucratique apportant une aide aux membres sur le terrain », a-t-il déclaré.

Pour le représentant du Bureau de l’UNESCO à Beirut (Liban), « l’UNESCO s’est révélé un partenaire stratégique dans l’amélioration du statut des enseignants et enseignantes à l’échelle mondiale, en tissant des partenariats durables avec les syndicats, les gouvernements et les parties prenantes de l’éducation. »

Au niveau mondial, il a remarqué que l’UNESCO établissait également des partenariats stratégiques avec le secteur privé afin de promouvoir la cause des enseignant·e·s.

Il a ajouté que le dialogue politique national était vital pour améliorer la qualité des politiques relatives à la profession enseignante, et pour s’assurer que ces progrès politiques répondent aux besoins sur le terrain.

Mettre en œuvre les recommandations de l’ONU

Lors d’une session consacrée à la mise en œuvre effective des recommandations de l’ONU avec des partenaires clés, le directeur du Bureau régional africain de l’IE, Dennis Sinyolo, a relevé que les Recommandations de l’ONU sur la profession enseignante « cherchaient à élever la profession et à s’attaquer à la grave pénurie de personnel qui la touche ».

Il a également insisté sur l’adoption par l’Union africaine d’une nouvelle Stratégie continentale d’éducation pour l’Afrique, un outil crucial qui dictera la transformation de l’éducation en Afrique de 2026 à 2035. M. Sinyolo a ajouté que l’IE et les syndicats de l’éducation devaient bâtir des alliances pour atteindre leurs objectifs et progresser vers les recommandations.

Lors de sa prise de parole au nom du Partenariat mondial pour l’éducation (Global Partnership for Education – GPE), April Golden a commencé par rappeler que l’IE siège au Conseil d’administration du GPE et à son comité « Politiques, impact et apprentissages ».

Elle a également expliqué « qu’en tant que fonds, le GPE verse des subventions et des financements à 90 pays à revenu faible et intermédiaire. En tant que partenariat, nous rassemblons des parties et soutenons les groupes d’éducation locaux (GEL) afin d’encourager le dialogue en matière de politique éducative. Grâce aux GEL, des plans d’éducation peuvent être élaborés et mis en œuvre. »

Elle a fermement maintenu qu’il fallait intégrer les enseignant·e·s aux GEL et les impliquer dans les processus du GPE, et a invité les membres de l’IE à adhérer à ces groupes dans leur pays.

Elle a également mentionné que le GPE disposait de principes régissant le soutien en situation d’instabilité ou de conflit « qui ont à cœur les meilleurs intérêts des enfants, qui protègent le système éducatif et qui appliquent les principes humanitaires ».

Alors que le refinancement du GPE est prévu en 2026, elle a déclaré qu’il était « primordial pour nous d’exercer une pression sur les gouvernements, afin qu’ils s’engagent à augmenter le financement national de l’éducation ».

La septième Conférence biennale de la SIRPA de l’IE a attiré l’attention sur le besoin criant de solidarité, de partenariats et de financement accru pour soutenir les éducateur·trice·s travaillant en contexte de crise. Les échanges ont mis en valeur le rôle des enseignant·e·s en situation d’urgence et le lien indissociable entre la paix et un enseignement public de qualité. L’appel à l’action est limpide : la priorité des gouvernements doit être de financer l’éducation, de soutenir les enseignant·e·s et de s’assurer que chaque enfant ait accès à une éducation, en toutes circonstances.