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La force du public ! Les syndicats de l'éducation albanais au cœur du changement pour financer l’enseignement public

Publié 19 février 2025 Mis à jour 27 février 2025
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En Albanie, le système d’enseignement public reste dramatiquement sous-financé, menaçant la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage et ne proposant aux enseignant·e·s que des salaires de misère et des conditions de travail médiocres. Malgré les engagements répétés du gouvernement à s’aligner sur les normes européennes, ce dernier ne se résout toujours pas à allouer 6 % de son PIB au secteur de l’éducation, comme le prescrivent les recommandations des Nations Unies sur la profession enseignante.

Face à cette situation, la Fédération albanaise des syndicats de l'éducation (Federata Sindikale e Arsimit të Shqipërisë−FSASH) et le Syndicat indépendant de l'éducation d'Albanie (Sindikata e Pavarur e Arsimit të Shqipërisë−SPASH), deux organisations membres de l’Internationale de l’Éducation (IE) dans le pays, ont renforcé leurs activités de sensibilisation au travers de la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! », avec le soutien de l’IE. Grâce à leur plaidoyer, au renforcement des capacités et à l’action directe, les deux syndicats ont pu mobiliser la communauté enseignante, impliquer des responsables politiques et unir leurs forces pour obtenir des investissements supplémentaires dans l’enseignement public.

Jelmer Evers, directeur de la région européenne de l’IE (le Comité syndical européen de l’éducation−CSEE), a souligné que les difficultés rencontrées par les personnels enseignants en Albanie reflétaient les problèmes plus larges que l’on peut observer en Europe, où le financement insuffisant, les salaires inappropriés et les pressions croissantes menacent les fondements mêmes de l’éducation de qualité. M. Evers a félicité la FSASH et le SPASH pour avoir réuni autour de la table les différentes parties prenantes de l’éducation en vue d’orienter les discussions politiques et s’engager activement dans la négociation collective − une initiative qui, a-t-il souligné, montre que les syndicats de l'éducation « ont la capacité de jouer − et joueront − un rôle de première importance dans l’élaboration des politiques éducatives ».

« Les enseignants et enseignantes ne doivent pas se limiter à appliquer des politiques imaginées par d’autres : nous sommes des personnes expérimentées et nous savons ce qui convient le mieux à nos élèves », a déclaré M. Evers. Et d’ajouter que la détermination des syndicats albanais et la campagne plus large La force du public renforçaient le combat visant à garantir des conditions équitables dans l’ensemble de la région : « Une victoire remportée par la communauté enseignante dans un pays crée un précédent pour d’autres pays, prouvant ainsi que le changement est possible lorsque les syndicats unissent leurs forces. »

Mobiliser la communauté enseignante et impliquer les responsables politiques

Dans le cadre de la campagne La force du public, tant la FSASH que le SPASH ont renforcé leur action syndicale pour réclamer l’allocation de 6 % du PIB au secteur de l’enseignement public, un critère essentiel pour le processus d’adhésion de l’Albanie à l’Union européenne.

Afin de créer cette dynamique, les deux syndicats ont organisé une série d’activités de plaidoyer. En 2024 et 2025, ils ont organisé des ateliers, des réunions stratégiques et des forums communautaires pour autonomiser les personnels enseignants, gagner le soutien de la population et accroître la pression politique pour le financement de l’éducation.

En février 2025, la FSASH et le SPASH ont convoqué le premier forum communautaire sur l’éducation, auquel ont participé des membres de la communauté enseignante, des responsables politiques, des parents et des organisations de la société civile. Ce forum a permis d’engager un dialogue direct avec les représentant·e·s du gouvernement, afin d’attirer l’attention sur le financement insuffisant des établissements scolaires, les salaires trop faibles des effectifs et la nécessité d’accroître les investissements dans les infrastructures. Les discussions ont mis en exergue l’importance d’assurer la transparence en matière de financement de l’éducation et de veiller à ce que l’attribution des budgets bénéficie directement aux personnels enseignants et aux élèves.

Les syndicats ont également organisé un atelier d’analyse politique visant à évaluer de manière critique les politiques de financement de l’éducation et à formuler des propositions de réforme concrètes. Les participants et participantes ont examiné les disparités régionales concernant le financement de l’éducation, ainsi que les effets négatifs de la privatisation sur l’enseignement public, avant d’élaborer des plans stratégiques pour le plaidoyer, y compris l’implication des responsables politiques, les campagnes médiatiques et l’action directe pour garantir que le financement de l’enseignement public soit maintenu au centre des priorités politiques.

Rappelant l’urgence de la question, le président du SPASH, Nevrus Kaptelli, a insisté sur la nécessité d’une action immédiate : « L’éducation est primordiale pour l’avenir de l’Albanie, mais demeure systématiquement sous-financée. Nos enseignants et enseignantes méritent des salaires équitables, de meilleures conditions de travail et les ressources nécessaires pour offrir à leurs élèves un enseignement de qualité. Nous appelons le gouvernement à tenir ses engagements et à investir dans l’enseignement public, parce que, sans une communauté éducative forte, il ne peut y avoir de société forte. Le SPASH poursuivra son combat pour les droits des personnels enseignants et l’avenir de nos élèves. »

Une profession enseignante plus forte : améliorer les salaires et les conditions de travail

Le sous-financement chronique de l’enseignement public en Albanie fait peser un fardeau de plus en plus lourd sur les enseignant·e·s, les obligeant à travailler dans des conditions difficiles en échange de salaires médiocres et dans des classes surpeuplées avec des ressources limitées. En l’absence d’investissements urgents, la profession enseignante risque de devenir de moins en moins attrayante, avec comme conséquences des pénuries de personnels enseignants et des dégradations à long terme du système éducatif.

En octobre 2024, la FSASH et le SPASH ont organisé un atelier national de plaidoyer à Tirana, auquel ont participé des responsables syndicaux·ales régionaux·ales et de jeunes enseignant·e·s. Cet événement avait pour principal objectif de renforcer la mobilisation de la base militante et d’améliorer les stratégies visant à faire pression pour augmenter le financement de l’éducation. Les participant·e·s ont discuté de l’impact de la privatisation, de la faiblesse des salaires et du manque d’investissement du gouvernement dans les établissements scolaires et ont élaboré des plans concrets pour renforcer la pression sur les responsables politiques.

Shpetim Brahaj, président de la FSASH, a renforcé la détermination des syndicats à améliorer les conditions de travail et le statut professionnel des personnels de l’enseignement, en soulignant l’importance de la solidarité et de l’action collective : « Notre engagement à améliorer les conditions de travail et le statut de nos enseignants et enseignantes reste une priorité. À travers ce projet, nous plaidons non seulement en faveur de politiques plus équitables, mais nous encourageons également une communauté enseignante plus forte et plus unie. Collaborer aux niveaux national et international est essentiel si nous souhaitons que la profession enseignante bénéficie de la reconnaissance et du soutien qu’elle mérite. »

Joindre la parole aux actes : les syndicats envisagent des manifestations de masse avant les élections

À l’approche des élections du mois de mai, la FSASH et le SPASH se préparent à accentuer la pression sur les responsables politiques pour s’assurer que le financement de l’éducation demeure une priorité absolue. À cet égard, les deux syndicats ont demandé l’ouverture du dialogue social avec la ministre de l’Éducation, la loi n’autorisant aucune réforme législative au cours des trois mois qui précèdent les élections. Si cette demande de dialogue reste lettre morte, les syndicats se verront contraints de mener de nouvelles actions, notamment une manifestation de grande ampleur devant les bâtiments du gouvernement, afin de rappeler clairement dans leurs messages que l’éducation ne peut pas être laissée pour compte. Cette action sera menée en dernier recours si les institutions ne manifestent pas leur volonté de répondre à leurs préoccupations.

Le Fonds de solidarité de l’IE a soutenu financièrement les activités de plaidoyer de la FSASH et du SPASH, leur permettant ainsi d’organiser des ateliers, de renforcer leurs capacités syndicales et d’élaborer des stratégies à long terme pour obtenir davantage d’investissements dans l’enseignement public.

Inscrite dans le cadre d’ un mouvement mondial plus large coordonné par l’IE, la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! » déployée en Albanie démontre le pouvoir de la solidarité internationale pour renforcer les combats nationaux. En mettant à la disposition des syndicats de l'éducation les outils leur permettant de se mobiliser, de mener des activités de plaidoyer et de faire campagne pour garantir un enseignement public inclusif, équitable et financé correctement, cette campagne renforce le rôle essentiel des enseignant·e·s dans la construction de sociétés plus justes et plus démocratiques au travers d’un enseignement public de qualité pour tous les individus.