Au Liban, le système d’enseignement public a été durement touché par de multiples crises, notamment l’explosion du port de Beyrouth en 2020, l’effondrement de l’économie, l’instabilité politique, la pandémie de COVID-19 et les récents bombardements dans le sud du pays. En réponse, les affiliés nationaux de l’Internationale de l’Éducation (IE) se mobilisent autour de la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! », réclamant un système d’enseignement public équitable et doté de ressources suffisantes, qui autonomise, respecte et valorise les enseignant·e·s et les professionnel·le·s de l’éducation.
L’enseignement public au Liban est dramatiquement sous-financé : moins de 2 % du PIB est alloué au secteur de l’éducation depuis 2020. Sous l’effet de ce manque d’investissement, les classes sont aujourd’hui surchargées, les établissements insalubres et les ressources éducatives insuffisantes. Par ailleurs, les difficultés financières que rencontrent les personnels de l’éducation en raison du versement irrégulier de leurs salaires et de la forte dévaluation de la monnaie nationale ont exacerbé la crise et poussé les enseignant·e·s à faire grève et à quitter massivement le système éducatif.
La force du public : se mobiliser pour le changement !
Face à cette situation, l’IE et ses organisations membres au Liban – la Ligue des enseignant·e·s de l’enseignement technique et professionnel (League of Public Technical and Vocational Teachers − CETO), la Ligue des professeurs de l'enseignement secondaire public du Liban (LPESPL), la Ligue des professeurs de l'université libanaise (LDP-UL), la Ligue des enseignant·e·s des écoles primaires publiques du Liban (Public Primary Schools Teachers League in Lebanon − PPSTLL) et le Syndicat des enseignant·e·s du Liban (Teachers Syndicate of Lebanon − TSL) − ont organisé un atelier de planification dans le cadre de la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! », les 3 et 4 mai à Beyrouth.
Cet atelier a marqué un pas décisif dans l’unification des enseignant·e·s du pays pour définir des actions stratégiques et préparer le plaidoyer collectif sous la bannière de la campagne. En réunissant les éducateur·trice·s, l’atelier avait pour but d’élaborer un plan cohérent pour aborder la question du manque de financement et réclamer des changements structurels visant à améliorer le système d’enseignement public au Liban.
Au cours des différentes séances de l’atelier, les participant·e·s ont discuté des problématiques et priorités actuelles, des résultats de la campagne et de plans futurs, avant la tenue d’une conférence de presse le 4 mai. Angelo Gavrielatos, responsable de la campagne à l’IE, a présenté la campagne en cours en insistant sur l’importance de disposer d’un système d’enseignement public équitable et doté de ressources suffisantes. Durant les séances de planification, les participant·e·s ont eu l’occasion de fixer des objectifs clairs, de développer des stratégies et de définir les activités nécessaires pour atteindre leurs objectifs.
Comme le souligne Manal Hdaife, présidente de la Structure interrégionale des pays arabes de l’IE et dirigeante de l’antenne régionale de la PPSTLL : « Au Liban, plus de 80 % de la population a été précipitée dans une grande pauvreté et les difficultés financières. Celles et ceux qui en ont les moyens quittent le pays. Ces problèmes complexes et interconnectés ont une incidence sur tous les aspects de la vie de la population et compromettent l’avenir et l’éducation de nos enfants. »
Et d’insister : « La crise économique et sociale que traverse le Liban se transforme actuellement en un désastre pour l’enseignement, les élèves vulnérables risquant de ne plus jamais retourner à l’école en raison du travail des enfants qui n’a cessé de gagner du terrain et des mariages forcés imposés aux filles. Les groupes les plus touchés sont les enfants les plus pauvres et le grand nombre d’enfants réfugiés dans le pays. C’est la raison pour laquelle nous lançons actuellement la campagne de l’IE dans notre pays : chaque enfant doit se voir offrir une chance de développer pleinement son potentiel, afin de pouvoir construire une société libanaise saine, pacifique et durable. »
Soutien aux enseignant·e·s en situation de crise
L’atelier a également permis d’examiner les recommandations du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante, en particulier celles se rapportant aux situations de crise, telles que celle que traverse actuellement le Liban. Ces recommandations soulignent la nécessité de :
- Veiller au versement régulier des salaires des personnels enseignants. Le Groupe de haut niveau des Nations Unies recommande la création d’un fonds mondial pour le versement des salaires des enseignant·e·s, afin de pouvoir les rémunérer dans les délais et à intervalles réguliers en situation de crise. Cette mesure s’avère cruciale pour le Liban, où les enseignant·e·s n’ont plus perçu leurs salaires depuis des mois, aggravant leurs difficultés financières et entravant leur capacité à enseigner efficacement.
- Mettre un terme aux contraintes salariales dans le secteur public. Le Groupe de haut niveau demande aux institutions financières internationales de mettre fin aux contraintes salariales et aux mesures d’austérité dans le secteur public, ayant une incidence négative sur le budget de l’éducation. Il s’agit notamment de veiller à ce que les politiques financières n’aient pas d’impacts préjudiciables sur le recrutement, la rétention et les salaires des enseignant·e·s. Pour le Liban, cette recommandation est vitale pour garantir le financement adéquat du système éducatif et la rémunération équitable des enseignant·e·s.
- Investir dans les enseignant·e·s. Prioriser l’investissement dans les enseignant·e·s en proposant des salaires compétitifs, des formations de haute qualité et des programmes de développement professionnel continu. Des modalités de financement à long terme sont essentielles pour attirer et retenir des éducateur·trice·s qualifié·e·s et améliorer ainsi la qualité et la durabilité du système éducatif libanais.
- Garantir le professionnalisme et le dialogue social. Créer des commissions nationales réunissant les syndicats de l'éducation et les gouvernements, en vue d’examiner des questions essentielles en lien avec le secteur de l’éducation, entre autres la formation, le développement professionnel et les conditions de travail des enseignant·e·s. Ces commissions seraient chargées d’assurer une meilleure coordination du dialogue social et de la négociation collective, afin de s’assurer que les enseignant·e·s occupent une place centrale dans l’élaboration des politiques.
- Garantir un financement équitable et mettre fin aux mesures d’austérité. Le Groupe de haut niveau prie instamment les gouvernements de garantir un financement équitable de l’enseignement et d’investir durablement dans la profession enseignante. Il s’agit notamment de mettre fin aux mesures d’austérité qui nuisent au secteur de l’éducation et de faire en sorte que les systèmes d’enseignement publics soient correctement financés afin de pouvoir offrir un enseignement de qualité à toutes et à tous.
Appel à l’action
La campagne de l’IE « La force du public : ensemble on fait école ! » plaide en faveur de politiques qui garantissent des ressources et un financement suffisants pour l’enseignement public dans le monde entier. Il est indispensable d’investir dans le secteur de l’éducation si l’on souhaite bâtir des sociétés équitables et démocratiques offrant la possibilité à chaque enfant d’accéder à un enseignement de qualité.
Pour de plus amples informations concernant la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! », cliquez ici.