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Lueur d’espoir pour les droits des personnes LGBTI+ dans un contexte de tensions mondiales

Publié 13 mai 2024 Mis à jour 22 mai 2024
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Les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, intersexes et de toutes les autres personnes dont l’orientation sexuelle, l’identité de genre et/ou l’expression de genre diffèrent de la norme (LGBTI+) restent menacés à l’échelle internationale. Toutefois, le récent webinaire sur les droits des personnes LGBTI+ organisé par l’University and College Union (UCU) a donné des raisons d’espérer. À travers des témoignages, les différent·e·s intervenant·e·s ont présenté des actions de syndicats de l’éducation et d’organisations de la société civile visant à protéger ces droits.

Désinformation et fausse « menace morale »

En amont de la Journée internationale contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie le 17 mai, l’UCU a organisé une série de webinaires sur les droits des personnes LGBTI+ à travers le monde. Intervenant à l’occasion de ces webinaires, Lainie Keper, coordinatrice à l’Internationale de l’Éducation, a évoqué l’augmentation générale de la visibilité et de la sensibilisation vis-à-vis des sujets LGBTI+ au cours des dix dernières années. Cependant, a t elle précisé, cette visibilité s’est accompagnée d’une hausse de la désinformation au sujet des droits des personnes LGBTI+.

Mme Keper a ajouté que trop souvent, les personnes LGBTI+ sont représentées comme une « menace morale » pour la société dans le but de détourner l’attention de l’échec des politiques d’austérité et de supprimer davantage de droits civils et humains plus larges.

La législation relative aux questions LGBTI+ dans l’éducation est volontairement ambiguë, en particulier les programmes scolaires inclusifs, les projets en santé sexuelle et reproductive, la politique quant aux toilettes dans les établissements, l’usage des pronoms et d’un langage inclusif, ainsi que la sécurité des étudiant·e·s et enseignant·e·s LGBTI+. D’après Mme Keper, cette législation permet au personnel de l’éducation et aux syndicats d’évoluer rapidement tout en tentant de trouver des moyens d’enseigner et de promouvoir ces droits dans un cadre législatif flou.

Par ailleurs, Mme Keper a abordé le rôle du colonialisme et de la géopolitique. Elle a souligné qu’il est important, dès lors qu’on étudie les tendances mondiales en matière de droits des personnes LGBTI+, de prendre en compte le rôle historique et actuel du colonialisme dans l’établissement de nombreux cadres juridiques et mœurs et normes sociétales discriminatoires qui subsistent aujourd’hui. Elle a fait valoir que de multiples lois anti LGBTI+ actuellement adoptées dans les pays du Sud sont fortement influencées par des organisations basées aux États-Unis et dans l’UE, et qu’il existe même des pressions visant à limiter les droits des personnes LGBTI+ et les utiliser dans le but de créer des divisions et d’affaiblir d’autres droits humains plus larges au sein des espaces des Nations Unies.

Enquête quadriennale de l’IE sur les droits des personnes LGBTI+ dans l’éducation

Mme Keper a en outre présenté les résultats de la dernière enquête de l’IE sur les droits des personnes LGBTI+ dans l’éducation qui doit être lancée officiellement lors du 10e Congrès mondial de l’IE en juillet 2024 et qui aborde le travail entrepris par les syndicats de l’éducation en vue de faire progresser ces droits.

Elle a mis en avant que le nombre de réponses avait presque doublé par rapport à la précédente enquête de l’IE sur les droits des personnes LGBTI+ conduite en 2014, passant de 59 à 114, et que la répartition entre les régions était plus équilibrée. De surcroît, davantage de syndicats de l’éducation perçoivent les questions LGBTI+ comme un enjeu syndical.

Parmi les syndicats ayant répondu au questionnaire, une part importante (42,1 %) mène déjà des actions de plaidoyer ou de recherche en faveur des droits des personnes LGBTI+ au niveau national. La plupart d’entre eux sont situés en Amérique latine.

De manière générale, les chercheur·euse·s ont constaté d’une part que les syndicats adoptent un positionnement plus progressiste que les autorités de leur pays en ce qui concerne les droits des personnes LGBTI+, et ce même dans les contextes les plus difficiles. D’autre part, la nature des activités menées varie considérablement d’un syndicat à l’autre.

Les organisations membres de l’IE en première ligne de la lutte pour les droits des personnes LGBTI+ à travers le monde

Lainie Keper a de plus mis en évidence le travail exceptionnel réalisé par les organisations membres de l’IE pour défendre les droits des personnes LGBTI+ :

  • La Federazione Lavoratori della Conoscenza (FLC-CGIL) italienne a lancé des services d’assistance locaux à destination des enseignant·e·s et étudiant·e·s qui souhaitent discuter des questions liées à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle ;
  • Au Costa Rica, le Sindicato de Trabajadores de la Educación Costarricense (SEC) organise des ateliers et formations, notamment animés par des personnes LGBTI+, afin d’améliorer la compréhension que ses membres ont de ces sujets ;
  • En Australie, le National Tertiary Education Union (NTEU) a remporté une grande victoire en obtenant un congé d’affirmation de genre rémunéré dans toutes les universités publiques du pays ayant négocié un accord avec lui ;
  • Aux États-Unis, la National Education Association (NEA) a adopté une approche militante à travers le projet « Speak Up and Out!: LGBTQ+ Educator Voice Engagement » (« Faites entendre votre voix : l’engagement des éducateur·rice·s LGBTQ+ ! ») qui consiste à former les membres de tout le pays à faire entendre leur voix pour défendre les droits des personnes LGBTI+ aux niveaux local, fédéré et fédéral.

Les membres de l’UCU mobilisé·e·s pour répondre aux attaques contre les personnes LGBTI+

Faisant le point sur la situation au Royaume-Uni, David Murphy de l’UCU a déclaré que les droits et les personnes LGBTI+ font l’objet de plus en plus d’attaques et d’une couverture médiatique négative croissante depuis plusieurs années. Le syndicat est constamment à la recherche de moyens constructifs de s’organiser et de défendre les droits des personnes LGBTI+ au niveau de ses branches. C’est dans ce but qu’il a élaboré la charte LGBTI+ de l’UCU afin de déterminer les actions que ces dernières peuvent entreprendre pour promouvoir l’égalité et la liberté des personnes LGBTI+, a précisé M. Murphy. Les branches du syndicat peuvent contribuer à cette charte à travers un forum LGBTI+ qui permettra à l’UCU de définir quelles mesures sont prises par les branches et quels questionnements et obstacles celles-ci rencontrent dans leur travail en faveur des droits des personnes LGBTI+.

Les militant·e·s LGBTI+ s’engagent

Concernant le secteur de l’enseignement supérieur, Frances Hamilton et Tahlia-Rose Virdee, chercheuses à l’École de droit de l’Université de Reading, au Royaume-Uni, ont présenté l’outil de voyage LGBT+. Cet outil interactif a été conçu pour aider les institutions d’enseignement supérieur et les entreprises à élaborer des politiques et des procédures tenant compte des préoccupations et expériences des personnes LGBTI+ (étudiant·e·s comme personnel) qui envisagent de voyager à l’étranger pour le travail ou les études.

De son côté, Muwonge Gerald, fondateur de la Foaster Foundation for Health Care Uganda (FFHCU), a insisté sur l’importance de protéger les personnes LGBTI+ sans abri en Ouganda et a appelé à une mobilisation de soutien en leur faveur. Le pays, a-t-il rappelé, a voté des lois parmi les plus strictes à l’encontre des personnes LGBTI+ et tente activement de faire fermer des ONG œuvrant au service de la communauté queer. Muwonge Gerald a précisé que la FFHCU dirige un centre d’hébergement pour les personnes LGBTI+ et mène des programmes d’éducation et de prévention du VIH/Sida, ainsi que d’autonomisation économique, notamment d’agriculture urbaine. La FFHCU fait actuellement face à la perte de ses bureaux et de son centre d’hébergement.

Enfin, Mini Saxena, de la School of Oriental and African Studies (SOAS) de l’Université de Londres, a présenté les différentes affaires judiciaires qui ont marqué l’évolution de la législation indienne, restrictive et punitive, relative aux droits des personnes LGBTI+, ainsi que les mesures juridiques visant à soutenir et à étendre ces droits.

Les participant·e·s et allié·e·s sont encouragé·e·s à faire entendre leur voix en solidarité avec la communauté LGBTI+ à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie le 17 mai.