Du 24 au 26 octobre, les organisations membres de l'Internationale de l'Education (IE) se sont réunies à Mexico pour la 12ème Conférence de l'IE sur l'enseignement post-secondaire, l’enseignement supérieur et la recherche et ont adopté la déclaration suivante :
La force du public ! Promouvoir l’enseignement post-secondaire, l’enseignement supérieur et la recherche pour le bien commun
Le paysage de l'enseignement post-secondaire, l’enseignement supérieur et la recherche est complexe, marqué par des spécificités nationales et divers modèles de financement. Chaque système présente des défis qui lui sont propres et de grandes disparités existent entre les systèmes, mais le sous-financement chronique, la progression de la privatisation, la précarité et l'aggravation des inégalités sont des préoccupations universelles. Répondre à ces défis et permettre un accès dans des conditions d’égalité à un enseignement technique, professionnel ou tertiaire de qualité comme énoncé dans l’objectif de développement durable 4.3, nécessite une approche commune ancrée dans des principes fondamentaux, afin d’assurer que l'enseignement post-secondaire, l’enseignement supérieur et la recherche poursuivent leur véritable objectif : le bien commun.
Les principes que nous défendons :
- Un droit humain, la responsabilité de l'État :
L'enseignement post-secondaire, l’enseignement supérieur et la recherche est un droit humain essentiel au développement des sociétés. Cela sert le bien collectif à travers la préservation et la promotion du savoir et de la culture. À ce titre, il est du devoir de l'État de garantir un financement public solide, qui permette à ces secteurs de remplir leur mission publique.
Pourtant, il est alarmant de constater que de nombreux pays n'allouent pas suffisamment de ressources publiques à l'enseignement post-secondaire, à l’enseignement supérieur et à la recherche. En outre, l’allocation des fonds est de plus en plus guidée par une approche étriquée, souvent axée sur les besoins du marché du travail. Certains pays réduisent le financement de certaines disciplines, notamment les lettres et les sciences humaines, sapant ainsi les finalités plus générales de l'éducation. Pour garantir le respect du principe d’un accès libre et universel à la connaissance, les gouvernements doivent assumer leurs responsabilités en matière de financement de l'enseignement post-secondaire, de l’enseignement supérieur et de la recherche et financer toutes les disciplines, reconnaissant les bénéfices sociétaux considérables du secteur, au-delà de la préparation au marché du travail.
- Le financement public pour combattre les inégalités :
L'introduction et l'augmentation des frais de scolarité menacent gravement l'accès équitable à l'enseignement post-secondaire et à l’enseignement supérieur. Ces frais renforcent les barrières financières et se traduisent souvent par un endettement excessif des étudiantes et des étudiants, avec un impact disproportionné sur les femmes, les minorités, les communautés autochtones, les personnes en situation de handicap, migrantes, réfugiées ou déplacées, ainsi que les étudiantes et étudiants internationaux et les groupes économiquement marginalisés. Dans certains pays, l’aide financière aux étudiantes et aux étudiantes devient de plus en plus sélective et difficile d’accès. Par ailleurs, le manque de fonds publics contraint de plus en plus les personnels d’enseignement et de recherche à assumer les coûts liés à la publication de leurs travaux, à l'accès au matériel de recherche et d'enseignement, et à la participation à des conférences académiques.
La tendance croissante à la privatisation et à la commercialisation, notamment à travers l'essor de l’industrie des technologies de l’éducation et des partenariats public-privé, qui menace la nature publique de l'éducation et de la recherche, ne fait qu'exacerber ces inégalités. Les gouvernements doivent s'employer activement à contrer les tendances à la privatisation et à la commercialisation dans ce secteur et veiller à ce que les fonds publics soient utilisés pour le bien public et non pour augmenter les profits d'entreprises. Une approche de l'enseignement post-secondaire, l’enseignement supérieur et la recherche fondée sur les droits humains passe par un financement public accru, alloué de manière équitable.
- Des conditions d'emploi et de travail de qualité :
La qualité de l'enseignement post-secondaire, de l’enseignement supérieur et de la recherche dépend de conditions d'emploi et de travail décentes et de qualité pour tous les personnels du secteur. Celles-ci doivent être définies par la négociation collective. De nombreux pays sont confrontés à des pénuries de personnel, conduisant à des taux d’encadrement faibles, et les évolutions des modèles de financement dans le secteur favorisent la précarisation de l'emploi et l’externalisation de certaines fonctions. Le développement des technologies numériques et de l’Intelligence Artificielle menace un certain nombre d’emplois dans le secteur et pourrait entraîner des suppressions de postes.
La tendance aux financements externes et aux financements fondés sur les performances menace la qualité et l’étendue des activités d'éducation et de recherche, et porte atteinte à la liberté académique, aux droits et au statut des personnels enseignants et de recherche. Cela contribue également à la montée en flèche de la charge de travail, conduisant à l'épuisement professionnel, et à de faibles salaires. Tous ces facteurs poussent de nombreuses personnes à quitter la profession, ce qui ne fait qu'exacerber les défis auxquels le secteur est confronté, les femmes et les groupes en quête d’égalité étant touché·e·s de manière disproportionnée.
Pour assurer la qualité de l'enseignement post-secondaire, l’enseignement supérieur et la recherche, les gouvernements doivent garantir la sécurité de l'emploi - y compris la titularisation ou son équivalent fonctionnel -, le travail décent, la liberté académique, des opportunités de formation et de développement professionnel, la gouvernance collégiale et démocratique et l'autonomie institutionnelle. Les établissements d'enseignement post-secondaire, d’enseignement supérieur et de recherche doivent être exempts de toute discrimination. L’équité salariale ainsi que des mesures ciblées visant à soutenir et retenir les personnels des groupes en quête d’égalité sont essentielles pour garantir la diversité du personnel.
Conclusion :
Au cœur de ces principes réside une conviction profonde : un enseignement post-secondaire et supérieur ainsi qu’une recherche publics de qualité, accessibles à toutes et tous, requièrent un financement public durable. Le financement du secteur doit être prévisible, récurrent et inconditionnel. Des réformes fiscales progressives, un arrêt des politiques d'austérité et des initiatives d'allègement de la dette représentent des étapes clés. Encourager la coopération internationale et la décolonisation des systèmes d’enseignement post-secondaire, d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi que garantir le libre accès aux ressources et au savoir sont essentiels.
Nous exhortons les gouvernements à reconnaître l'ampleur de ces défis et à y répondre de manière décisive. Il est essentiel qu'ils s'engagent à collaborer avec les syndicats du secteur à travers le dialogue social et la négociation collective. C’est uniquement par le biais d’une telle collaboration nous pourrons véritablement garantir un avenir inclusif, durable, démocratique et pacifique pour l'ensemble de l'humanité.