Malgré la violence grave et persistante en Haïti, les éducateur∙trice∙s syndicalistes de l’Union Nationale des Normaliens/Normaliennes et Éducateurs/Éducatrices d’Haïti (UNNOEH) ont trouvé les ressources nécessaires afin de recruter de nouvelles et nouveaux militant∙e∙s et les former.
Pour Kenson Delice, coordinateur de l’UNNOEH, « les choses vont de mal en pis. Certains quartiers sont maintenant totalement contrôlés par des bandits, au point que les résidentes et résidents sont obligés de quitter leur domicile pour aller dans d'autres zones. Faute d’accord politique entre les protagonistes et de date fixée pour des élections, le gouvernement n'a d'autre espoir qu'une intervention étrangère. »
Lors de la rentrée scolaire fixée au 11 septembre, beaucoup d’écoles publiques n’ont pas réouvert leurs portes, car elles sont utilisées comme abris pour les déplacé∙e∙s, a-t-il indiqué.
De plus, la grande majorité des écoles privées a rencontré des difficultés à fonctionner le 11 septembre, sauf celles, élitistes, situées hors des quartiers envahis par les bandits.
Reconnaissant que « cette situation d'insécurité a un impact sur le fonctionnement syndical », Delice a néanmoins affirmé que « nous avons créé un moyen de continuer avec les activités de formation ».
L’UNNOEH a ainsi lancé en mars 2023 une campagne d'adhésion, conformément à la décision du 4e Congrès du syndicat tenu l'an dernier en utilisant les moyens offerts par les nouvelles technologies et grâce du soutien international, et pendant lequel les syndicaliste enseignant∙e∙s ont réaffirmé leur volonté de lutter en faveur d'une école publique de qualité pour toutes et tous dans le pays.
Delice a aussi expliqué qu’après chaque congrès, un principe statutaire veut que l'UNNOEH entame une campagne de syndicalisation pour deux raisons :
- Renouveler l'adhésion des ancien∙ne∙s membres.
- Intégrer de nouvelles adhésions à L'UNNOEH en vue d'augmenter le nombre de membres.
« Pour être un syndicat puissant, il faut plus d'ancrage sur le terrain, dans les écoles publiques et privées. Nous avons pu recruter beaucoup d'enseignante et enseignants, quelques centaines », a souligné Delice.
Campagne d'adhésion
La campagne d'adhésion a été lancée en ligne, via un formulaire que les enseignant∙e∙s remplissent.
« On a pu mettre en place ce formulaire grâce à une formation de l'Internationale de l’Éducation il y a trois ans. Quelques membres de l'UNNOEH ont pu exploiter cette formation pour réaliser un formulaire en ligne, » a insisté le coordinateur de l’UNNOEH. « Nous avons informé sur les positions de l'UNNOEH, qui se veut un syndicat militant, un syndicat militant pour les intérêts collectifs. Nous avons beaucoup utilisé Facebook et les groupes WhatsApp. »
Il a précisé que la cotisation syndicale est annuelle et que, lors du dernier congrès, l’UNNOEH a donné la possibilité de la verser mensuellement. « Il existe des coordinations communales pour collecter les cotisations, en échange desquelles un reçu est fourni. Chaque nouvelle adhérente et chaque nouvel adhérent doit intégrer un comité de base, puis une coordination communale. »
Actuellement, l’UNNOEH est en train de constituer une base de données des adhérent∙e∙s et incite à une réinscription de tous ses membres, a déclaré Delice.
Il a admis que « cette campagne nous a beaucoup surpris tant l'engagement à intégrer le syndicat est fort. C'est encore plus remarquable au niveau de l'administration centrale du ministère où il y a un intérêt considérable pour intégrer le syndicat. Déjà, nous sommes à 3.214 nouvelles et nouveaux inscrit∙e∙s. Nous aimerions passer à 15.000 membres. Mais nous savons que cela va nous prendre du temps. »
« Celles et ceux qui rejoignent l'UNNOEH », a-t-il analysé, « souhaitent trouver des appuis, soit pour résoudre des problèmes immédiats ou structurels afin d'améliorer leur condition de travail. Il y a des éducatrices et éducateurs qui voient en l'UNNOEH un outil important dans la lutte pouvant transformer le système éducatif haïtien. »
Néanmoins, selon lui, il y en a d'autres qui refusent parce qu'elle∙il∙s ont une mauvaise perception de la lutte syndicale, du fait que certains syndicats accordent beaucoup plus d'importance à leurs intérêts personnels au détriment des intérêts collectifs, et aussi parce que ces enseignant∙e∙s-là ne prennent l'enseignement que comme une transition vers une autre profession.
Formation syndicale
Delice a ajouté que, « pour adhérer, il faut suivre une formation syndicale, c'est statutaire ».
Si l’UNNOEH n’a pas pu assurer les formations sur le territoire national, il a formé dans les différents départements des formatrices et formateurs qui ont la responsabilité d'organiser les formations sur le territoire national.
« Nous avons procédé à distance via Zoom ou GoogleMeet et élaboré un module de formation, encore en développement. Les formatrices et formateurs sont des enseignantes et enseignants qui ont une certaine culture syndicale, connaissent le module et ont échangé à distance sur les différents chapitres de ce module », a-t-il rappelé.
À Port-au-Prince, les formateur∙trice∙s se sont réuni∙e∙s en présentiel, pour le département de l'Ouest. Dans ce même département, trois séances viennent d’être lancées pour les nouveaux∙elles adhérent∙e∙s, pour le moment au rythme d’une séance le week-end.
Dans les autres départements, les formateur∙trice∙s ont utilisé GoogleMeet.
« L’objectif de la campagne d’adhésion et de formation est de nous renforcer afin de pouvoir reprendre les mobilisations avec beaucoup plus de force, et arriver ainsi à contraindre les autorités à nous écouter. Cette campagne doit ainsi nous permettre de mieux mener la bataille pour un enseignement public de qualité pour toutes et tous », a conclu Delice.