Les grèves sont émotionnellement rudes: une absence prolongée du travail peut être difficile à vivre pour les enseignantes et les enseignants, surtout lorsque la période de grève se passe dans des écoles sans élève. C'est souvent un moment de détresse financière pour les familles des personnels enseignants. Les grévistes font également face à un danger physique, dans les confrontations éventuelles avec la police. Mais, quelle que soit l'issue de la grève, le temps passé ensemble est l'occasion pour les enseignantes et les enseignants de renforcer leur sentiment d'appartenance à une même communauté. Les personnels tirent parti de longues heures passées à discuter et à s'accorder sur les valeurs qui guideront leur travail, qui se fait le plus souvent individuellement, seul·e face à la classe.
L'un des problèmes qui se pose lors des grèves du personnel enseignant est la difficulté à communiquer avec des allié·e·s potentiel·le·s dans la société. Les enseignantes et les enseignants sont habitué·e·s à exercer leurs compétences dans les salles de classe, mais c'est une autre affaire lorsque vous essayez d'atteindre des personnes adultes qui ne vous connaissent pas et qui ne sont pas obligé·e·s d'écouter.
En Pologne, les enseignantes et les enseignants ont été confronté·e·s à un blocus des médias publics en 2019, lors de la plus grande grève de la profession dans l'histoire du pays. La propagande du parti les visait. Les personnels se sont spontanément lancé·e·s dans la production de contenus sur les réseaux sociaux, à travers notamment des chansons visant à faire passer leur message, ceci avant de finalement perdre le combat, ce qui marquera le début de leur exode actuel des écoles publiques. Des paroles ont été développées sur les mélodies de chansons populaires, chantées en chœur dans des écoles vides. Des enregistrements ont été rapidement téléchargé sur Internet.
Dans un monde parfait, ce type de chansons militantes atteindraient le sommet des hit-parades, seraient le sujet de conversation du monde de la culture et du divertissement et dépasseraient les limites du débat politique stérile. Dans ce cas-là, cela n'a pas fonctionné. Une étude récente portant sur 78 chansons militantes des personnels enseignants et intitulée « Les humilié·e·s ont commencé à chanter : comment les enseignantes et les enseignants en grève ont essayé d’éduquer la société » a révélé les leçons que l'on peut tirer de cette expérience.
Voici quelques conseils qui pourraient vous aider, afin que vos chants militants parviennent à atteindre vos allié·e·s potentiel·le·s :
- Vous devez chanter ce que vous voulez que les gens fassent. Tout comme les élèves s'agissant des devoirs, le grand public a besoin d'instructions. Sans cela, écouter la chanson, même si elle est appréciée et partagée, ne sera pas suffisant pour gagner.
- Cela ne vaut pas la peine de se concentrer sur la répétition des critiques des grévistes dans le contenu des chansons. Les critiques n'ont pas besoin d’être renforcées. Ce sont les demandes, les émotions et les opinions des enseignantes et des enseignants en grève qui méritent l’attention.
- Choisissez avec prudence le fond visuel pour l’enregistrement de vos chants militants. Les personnels en Pologne pensaient que le public voulait de l'authenticité et ils se sont donc filmés en train de chanter. La mauvaise esthétique du message a attiré l'attention à la fois de leur audience et de leurs opposants.
- Les chansons militantes enregistrées doivent être précédées d'une introduction orale. Même une courte annonce améliore la compréhension du message et favorise l'empathie.
Il est essentiel d'être techniquement compétent pour communiquer avec l'outil ambitieux que sont les chansons militantes. Notamment parce que la créativité des enseignantes et des enseignants sera soumise à l'examen du public, ce qui peut faire mal. Il est tout simplement difficile d'expliquer à la société pourquoi vous aimez l'éducation et cette profession, dans laquelle on place l’avenir du monde et des générations futures, tout en exigeant des augmentations de salaire :
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