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Corée du Sud: en dépit d’intimidations, les enseignant·e·s lancent un appel en défense d’un enseignement de qualité, des libertés syndicales et de la démocratie

Publié 2 juin 2023 Mis à jour 20 juin 2023
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Le 20 mai, le Syndicat des enseignant·e·s et des travailleur·se·s de l’éducation de Corée du Sud (KTU) a tenu son Congrès national des enseignant·e·s sur la Cheonggye Plaza, à Séoul. Au cours du congrès, qui fêtait le 34e anniversaire du KTU, la politique régressive en matière d’éducation, menée par le gouvernement sous la présidence de Yoon Seok-yeol a été ouvertement critiquée. Le gouvernement a répondu en procédant à une perquisition et à une saisie dans les bureaux du syndicat, sur base d’accusations montées de toutes pièces.

« Les syndicats de l’éducation du monde entier expriment leur solidarité avec nos collègues du KTU. Nous appelons le gouvernement coréen à respecter les droits syndicaux et à entamer un dialogue social constructif avec les enseignants et enseignantes et leur syndicat. »

David Edwards | Secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation

La mobilisation des enseignant·e·s contre la politique régressive du gouvernement

Le Congrès a rassemblé plus de 2 500 enseignant·e·s venant de tout le pays pour s’opposer aux projets du gouvernement visant à réduire le nombre d'enseignant·e·s dans les salles de classe coréennes en rasion du déclin démographique du pays. Le KTU s’oppose fermement à de telles réductions : en effet, les écoles ont besoin de davantage d’enseignant·e·s afin de garantir un enseignement de qualité, et ceci, indépendamment du taux de natalité.

Dans son discours d’ouverture du Congrès, Heeyoung Jeon, présidente du KTU a déclaré : « Un an exactement après l'arrivée au pouvoir de Yoon, nous voilà au cœur d'une période de complète régression et de tyrannie. Progressons ensemble vers une école où l’enseignement est possible, en luttant pour augmenter les salaires et garantir le nombre d’enseignants et d’enseignantes. Au cours des 34 dernières années, le KTU a toujours été en première ligne de ce combat. Luttons ensemble pour faire reculer le gouvernement de Yoon Seok-yeol, dont l’action mène à la destruction de l’enseignement, du monde de travail, du niveau de vie, de la démocratie et de la paix. Donnons naissance à un pays plus équitable et plus juste pour son peuple. »

Un rassemblement a également été organisé où un appel a été lancé pour une action concertée des jeunes enseignant·e·s et pour le renouvellement du KTU. Un groupe de jeunes enseignant·e·s est notamment monté sur scène pour une performance artistique au cours de laquelle ils ont évalué la politique éducative du gouvernement Yoon, en lui attribuant un F, la plus mauvaise note possible.

Rassemblement du KTU du 20 mai 2023

Les participant·e·s ont défilé jusqu'à Namdaemun en arborant plus de 200 banderoles et en chantant Teachers are workers, We shall overcome, ainsi que l’hymne du KTU. À la fin de la manifestation, le Congrès a adopté une résolution pour souligner que seraient honorés la détermination et le sacrifice des enseignant·e·s les plus expérimenté·e·s qui ont payé de leur personne durant les temps difficiles de la création du KTU en 1989. Les enseignant·e·s sont déterminé·e·s à bloquer les politiques rétrogrades de Yoon Seok-yeol contre les droits du travail, les droits humains et l’enseignement, afin d’ouvrir la voie vers la victoire. Les enseignant·e·s se sont engagé·e·s à se battre pour la loi définissant le nombre maximum d’élèves par classe afin de garantir un nombre adéquat de postes d’enseignant·e·s, mais aussi pour obtenir une augmentation réelle des salaires.

Les enseignant·e·s de Corée du Sud solidaires de leurs collègues en Iran

Le Congrès du KTU a également fourni aux enseignant·e·s de Corée du Sud l’occasion de célébrer et d’honorer le travail réalisé par les collègues du Conseil de coordination de l’Association professionnelle des enseignant·e·s d’Iran (CCITTA). Depuis sa fondation, en 2002, ce syndicat œuvre pour la démocratie et les droits humains en Iran. En reconnaissance de ces efforts courageux, le CCITTA s’est vu remettre le prix spécial Gwangju pour les droits humains 2023. Ce prix, remis par la Fondation pour la Mémoire du 18 mai, est attribué aux personnalités qui ont contribué à la promotion des droits humains et de la démocratie dans leur pays et de façon mondiale.

Shiva Amelirad du CCITTA s'adresse aux collègues du KTU

Pour recevoir le prix, Shiva Amelirad, représentante du Comité international du CCITTA, s’est rendue au siège du KTU. Le lendemain, elle a assisté à la manifestation des enseignant·e·s, durant laquelle elle a pris la parole pour évoquer la situation des enseignant·e·s en Iran qui poursuivent leur combat dans des circonstances difficiles ; elle a conclu en déclarant que « résister, c’est vivre. »

Le gouvernement réagit à la mobilisation syndicale par une perquisition illégale et l’intimidation

À peine quelques jours après la tenue du congrès du KTU Congress, au matin du 23 mai, les Services de renseignement de l’État coréen et la Police nationale ont mené une opération illégale de fouille et de saisie dans les locaux du bureau du comité du KTU à Gangwon ainsi que dans les bureaux du siège du syndicat, s’appuyant sur des accusations d’infraction à la loi sur la sécurité nationale.

Selon Jang Young-ju, secrétaire général du KTU, « ils sont entrés dans les locaux sans présenter de mandat, ont mené une perquisition et ont confisqué des téléphones portables. Ensuite, ils ont cerné les locaux du bureau du comité de Gangwon avec 200 officiers de police, en prétendant qu’ils allaient fouiller les bureaux et les ordinateurs des parties concernées, avec pour prétexte un mandat de perquisition et de saisie. La police, qui est restée sur place six heures, s’est subordonnée au Service du renseignement national, dont elle a escorté les membres, lesquels ont quitté les lieux avec une boîte de perquisition et de saisie vide". »

La police cerne les locaux du KTU à Gangwon

Le KTU a fermement condamné ces mesures de répression et d'intimidation. Dans l’après-midi du 25 mai, le KTU a tenu une conférence de presse devant le bâtiment abritant le bureau présidentiel, à Yongsan, pour protester contre les agissements du gouvernement de Yoon Seok-yeol, et a déclaré : « N’essayez pas de cacher votre incompétence en prenant des mesures de répression contre le KTU. La fabrication de fausses preuves et la répression politique des enseignant·e·s et de leur syndicat sont inacceptables. Nous condamnons fermement le gouvernement de Yoon Seok-yeol. »

Conférence de presse du KTU

Condamnant cette attaque, David Edwards, Secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation, a souligné que : « les syndicats de l'éducation du monde entier sont solidaires de nos collègues du KTU. Nous appelons le gouvernement coréen à respecter les droits syndicaux et à engager un dialogue social constructif avec les enseignant·e·s et leur syndicat".