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Mission de solidarité de l'IE en Turquie : les éducateur·trice·s et les syndicalistes en première ligne

Publié 11 avril 2023 Mis à jour 18 octobre 2023
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Une délégation de l'Internationale de l'Éducation (IE) s'est rendue dans la zone touchée par le tremblement de terre en Turquie, rencontrant des enseignant·e·s, des syndicalistes, des bénévoles et des dirigeant·e·s locaux·ales pour délivrer un message de solidarité et exprimer leurs condoléances pour les terribles pertes subies, mais aussi pour faire le point sur l'ampleur des destructions et sur les besoins sur le terrain, afin d’orienter la poursuite du travail de solidarité.

La mission de solidarité en soutien au membre de l'IE Eğitim Sen et à la confédération syndicale KESK était dirigée par le secrétaire général de l'IE David Edwards, la vice-présidente de l'IE pour l'Europe Johanna Jaara Åstrand, et Maike Finnern, membre du Bureau exécutif de l'IE et présidente du syndicat GEW (Allemagne).

Du 1er au 3 avril, la délégation de l'IE s'est rendue à Adıyaman, Gölbaşı, Pazarcık, Antakya, Samandağ et Iskenderun, visitant les centres de coordination syndicale, les écoles et les camps où sont hébergées les personnes déplacées.

« Rien ne peut vous préparer à l'ampleur de cette destruction et de cette tragédie », a déclaré David Edwards. « Le sentiment de perte est immense, mais il y a aussi un invincible sentiment d'espoir avec tant de personnes courageuses et dévouées déterminées à reconstruire leurs communautés et à s'entraider pour traverser cette épreuve. »

« Ce que nous avons entendu, communauté après communauté, c'est que la réponse du gouvernement est arrivée beaucoup trop tard », a souligné David Edwards. « La mobilisation des éducatrices et éducateurs et des syndicalistes a été absolument remarquable. Eğitim Sen et la KESK sont sur le terrain depuis le premier jour, apportant un soutien d'urgence à leurs membres et à leurs communautés. La crise est encore dans sa phase aiguë. Notre solidarité à travers le monde est essentielle en ce moment, pour un soulagement immédiat, et à l'avenir, lorsque l'immense tâche de reconstruction doit commencer. »

« Accueillant la délégation, Osman Işçi, responsable international de la KESK, a remercié « l'Internationale de l'Éducation pour son soutien continu et sa solidarité depuis le premier jour. La solidarité est extrêmement importante dans ces conditions difficiles en Turquie et en Syrie et la présence de l'IE montre que la solidarité est bien plus qu'un mot. Votre présence signifie beaucoup pour nous et nous aide à surmonter ces défis. »

Réponse inadéquate du gouvernement face au pire tremblement de terre en 100 ans

Les deux puissants tremblements de terre qui ont frappé la région sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie le 6 février 2023 ont laissé derrière eux une tragédie et une dévastation immenses. Selon les chiffres officiels, environ 50.000 personnes ont été tuées et des dizaines de millions ont été touchées, dont 1,7 million de réfugié·e·s syrien·ne·s. Les chiffres réels sont beaucoup plus élevés, selon les estimations des syndicats. Selon l'UNICEF, plus de 850.000 enfants ont été déplacés. Al Jazeera rapporte qu'en Turquie, les perturbations dans le secteur de l'éducation ont touché 4 millions d'enfants et 200.000 enseignant·e·s dans les zones concernées. 47.000 bâtiments ont été complètement détruits, y compris des écoles, et beaucoup d'autres ont été gravement endommagés.

De nombreux enseignant·e·s et dirigeant·e·s syndicaux·ales locaux·ales qui ont rencontré la délégation de l'IE ont indiqué que les opérations de recherche et de sauvetage avaient commencé cinq jours seulement après la catastrophe dans certaines régions. De nombreux décès auraient pu être évités. « Cette catastrophe naturelle est devenue une catastrophe d'origine humaine », a noté Ikram Atabay, secrétaire général d'Eğitim Sen.

La réponse du gouvernement a été totalement inadéquate, laissant de nombreuses personnes sans soutien pour répondre aux besoins de base. Malgré le récit officiel selon lequel la situation est sous contrôle, des préoccupations majeures demeurent. La situation du logement est critique. Les récentes inondations ont détruit les tentes utilisées par les survivant·e·s pour s'abriter. Bien que les conteneurs soient mieux adaptés, très peu sont disponibles. Dans quelques mois, les températures très élevées typiques de l'été dans la région apporteront des défis supplémentaires pour fournir un abri sûr. De plus, l'accès limité aux installations sanitaires, à l'eau potable et aux soins de santé alimente les craintes d'épidémies, dans un contexte où les infrastructures sanitaires ont également été fortement impactées.

La réponse du gouvernement n'a pas non plus impliqué les parties prenantes et les communautés sur le terrain. Les affiliés de l'IE ont signalé l'absence de dialogue social qui permettrait une meilleure coordination et une réponse plus efficace à la crise. « Nous mettons tout en œuvre pour aider et soutenir nos membres et leurs communautés, mais nos ressources sont limitées. Il doit y avoir une meilleure coordination entre les autorités et les organisations de la société civile, y compris les syndicats. Jusqu'à présent, il a été extrêmement difficile d'engager des consultations sur la réponse à la crise », a souligné le secrétaire général d'Eğitim Sen.

Cette dernière tragédie exacerbe encore les inégalités résultant de la pandémie de COVID-19, dans une région habitée par différents groupes minoritaires qui connaissent déjà une discrimination structurelle (majoritairement des minorités kurdes, alévies et chrétiennes).

Impact sur l'éducation et les communautés scolaires

Les communautés scolaires de la région ont été dévastées. La perte de milliers d'enseignant·e·s et d'étudiant·e·s a été déplorée, des écoles ont été détruites et de nombreuses personnes ont été contraintes de déménager. Pour celles et ceux qui restent, les défis sont immenses.

Alors que le gouvernement s'apprête à rouvrir les écoles, les éducateur·trice·s et les étudiant·e·s se sont dit·e·s préoccupé·e·s par le manque de transparence concernant la sécurité des bâtiments. Après de brèves inspections, les bâtiments endommagés ont été rapidement déclarés sûrs, mais les enseignant·e·s et les étudiant·e·s ont peur d'y entrer.

Ikram Atabay, secrétaire général d'Eğitim Sen, a déclaré : « Notre syndicat est en faveur de l'éducation en personne. L'enseignement à distance présente un certain nombre de défis. Mais nous devons nous assurer que les étudiantes et étudiants et les enseignantes et enseignants disposent d'un environnement sûr et sain pour enseigner et apprendre. »

Les enseignant·e·s ne bénéficient pas non plus de logements avec leur famille. Dans de nombreux cas, le gouvernement propose des dortoirs séparés selon le sexe des personnes, ce qui signifie que les familles doivent vivre séparément.

Les préoccupations financières sont également au premier plan. Alors que de nombreux·euses enseignant·e·s ont perdu leur maison et leurs biens, il·elle·s n'ont reçu que leur salaire de base, sans les suppléments pour heures supplémentaires qui constituaient l'essentiel de leurs revenus. Il·elle·s ont maintenant moins d'argent pour subvenir aux besoins de leur famille alors qu’il·elle·s se trouvent dans une situation terrible.

Les éducateur·trice·s sont particulièrement inquiet·e·s de l'impact de la catastrophe sur leurs étudiant·e·s. Beaucoup ont déménagé ou ont abandonné l’école, tou·te·s ont subi un traumatisme ou un deuil. L'accès au soutien psychosocial est un besoin majeur à moyen et long terme pour les étudiant·e·s comme pour les enseignant·e·s.

Ignorant l'impact terrible du tremblement de terre sur les étudiant·e·s de la région, le gouvernement insiste pour ne rien modifier aux examens nationaux qui ont lieu à la fin de la 8e et de la 12e année et qui déterminent l'accès à un nombre limité de lycées prestigieux et de programmes de licence. Les examens se dérouleront comme d’habitude, plaçant les étudiant·e·s touché·e·s par le tremblement de terre face à un désavantage évident et injuste.

Les syndicats se mobilisent

La réponse et la mobilisation des organisations de la société civile ont été beaucoup plus efficaces, comblant les vides laissés par le gouvernement.

Dès le premier jour, le syndicat de l'enseignement Eğitim Sen et la confédération syndicale KESK ont mobilisé des membres de tout le pays pour atteindre les communautés touchées et apporter un soutien vital.

Des collectes sont rassemblées dans le bureau de la branche d'Eğitim Sen à Samandağ.

La KESK a mis en place des centres de coordination, regroupant toutes les sections locales sectorielles des 11 provinces touchées par le séisme. Les activités de soutien ont débuté le deuxième jour, les syndicalistes atteignant des centaines de villages et des milliers de familles dans la zone touchée. Des centres médicaux et des activités pour les enfants ont rapidement été mis à disposition.

Centre médical mis en place par la KESK à Antakya.

À Adıyaman, en collaboration avec les autorités locales d'Izmir et un petit éditeur, des syndicalistes ont ouvert une bibliothèque avec des livres et des manuels pour enfants. Installée dans un conteneur, la bibliothèque offre un espace d'apprentissage sûr pour les enfants. Les syndicalistes espèrent trouver un moyen de créer plus de bibliothèques, mais les conteneurs et les livres sont rares.

Des membres du syndicat de différentes régions du pays se rendent dans les régions touchées et travaillent comme bénévoles quelques jours à la fois, à tour de rôle. De cette manière, des services de soutien sont mis à la disposition de celles et ceux qui en ont besoin.

Le dialogue social et la solidarité sont impératifs

La nécessité pour le gouvernement de travailler avec les syndicats et les communautés est aiguë. Les personnes présentes dans les zones les plus touchées sont les mieux placées pour éclairer la réponse du gouvernement et aider à diriger les ressources là où elles sont le plus urgemment attendues.

« Les enseignantes et enseignants sur le terrain savent mieux ce qu'il faut faire pour l'éducation. Les agentes et agents de santé sur le terrain savent mieux ce qu'il faut faire en matière de nutrition, de santé et d'assainissement. Ils et elles doivent faire partie du processus à travers le dialogue social entre le gouvernement et les syndicats », a souligné David Edwards, ajoutant que l'Internationale de l'Éducation « fera pression sur le gouvernement, nous dirons au monde ce qui se passe, et nous continuerons à renforcer la solidarité et à mobiliser le soutien nécessaire ».

Les organisations membres de l'IE ont fait preuve d'une grande générosité en contribuant au Fonds de solidarité de l'IE et sont encouragées à continuer à le faire afin de soutenir leurs collègues en Turquie et en Syrie dans leur réponse à la crise et leurs efforts massifs de reconstruction. Pour plus d'informations et pour contribuer au Fonds de solidarité de l'IE, veuillez contacter le Secrétariat de l'IE à l'adresse solidarity@ei-ie.org.