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Turquie : la solidarité nationale vient soulager les éducateur·trice·s, les élèves et les populations affectées par le tremblement de terre

Publié 22 mars 2023 Mis à jour 13 octobre 2023
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Dans le cadre d’une discussion avec l’Internationale de l’Éducation, Osman Işçi, du syndicat Eğitim Sen de Turquie, a partagé l’expérience des éducateur·trice·s sur le terrain et mis l’accent sur l’importance de la solidarité internationale pour répondre au cataclysme.

Le 6 février dernier, la Turquie était touchée par un tremblement de terre dévastateur qui a fait des milliers de morts et de blessés, détruit des centaines d’écoles et interrompu l’éducation de millions d’élèves. L’Internationale de l’Éducation (IE) et ses membres dans le monde entier ont répondu à cette catastrophe en adressant des messages de solidarité et en lançant un Appel à l’action urgente, pour soutenir les organisations membres en Turquie et en Syrie.

« Lorsque cette immense tragédie a frappé, je me trouvais à Ankara. Il était six heures du matin quand j’ai reçu le premier appel d’un ami m’informant qu’un tremblement de terre avait eu lieu. J’étais en sécurité, mais ma famille vit dans la zone qui a été touchée et j’ai perdu 11 membres de ma famille dans la ville d’Adiyaman, » a relaté Işçi.

Des bureaux d' Eğitim Sen se trouvent dans les provinces affectées et « nous avons perdu des centaines de membres. Nous tentons encore de vérifier leurs noms et s’ils sont en vie, car des personnes ont été sauvées des ruines et du cataclysme. Nous essayons désormais de retrouver nos membres. »

Une des premières actions du syndicat à la suite du tremblement de terre a été d’établir un comité de réponse avec des représentant·e·s de syndicats de tous les secteurs, en vue d’apporter une aide d’urgence et de préparer un plan de relèvement post-catastrophe. Le syndicat a également adressé une circulaire aux organisation internationales, dont l’IE, le Comité syndical européen de l’éducation (CSEE), et la Confédération syndicale internationale (CSI).

Les membres d’ Eğitim Sen sur le terrain ont immédiatement identifié des lieux sûrs où s’abriter et ont contribué à satisfaire les besoins élémentaires et humanitaires. Ils ont également surveillé les politiques d’éducation dans le pays et se sont opposés à l’interruption de l’éducation par le gouvernement, assurant que l’éducation constitue un besoin élémentaire et un service public essentiel. Le gouvernement a suspendu l’enseignement en présentiel dans les dix villes touchées. Toutefois, Eğitim Sen est convaincu que cette réponse n’était pas appropriée, en particulier au vu de l’adoption par le ministère de l’Éducation nationale, de politiques impactant l’ensemble du pays, et du fait que cette décision n’ait fait l’objet d’aucune consultation préalable ou implication des syndicats d’enseignants et des enseignant·e·s sur le terrain.

Eğitim Sen plaide en faveur d’un dialogue avec les enseignant·e·s, avec le personnel administratif et de soutien, et avec les organisations de la société civile, car ils sont les plus à même de prendre des décisions relatives à l’éducation dans les zones affectées. Le syndicat œuvre également à fournir assistance et soutien à ses membres touché·e·s par le tremblement de terre, et a instauré un fonds de solidarité destiné à soutenir ses membres et l’ensemble de la communauté.

Işçi a expliqué qu’à la suite du tremblement, une circulaire avait été adressée à leurs collègues au niveau international, notamment à l’IE, au CSEE, à la CSI, ainsi qu’à la Confédération européenne des syndicats et autres confédérations internationales, telles que l’Internationale des services publics et la Fédération des ouvriers du transport.

Le deuxième jour, Eğitim Sen a dépêché des collègues sur le terrain dans le but de recueillir des informations de première main : « Nous avons demandé aux enseignant·e·s affilié·e·s d’observer ce qui se passait sur le terrain et de nous faire un retour sur la sécurité des écoles, la sécurité des élèves, ou la sécurité de nos collègues, ainsi que sur la situation au regard des services publics ».

Maintien du système éducatif

Lorsque le gouvernement a annoncé l’interruption de l’enseignement en présentiel dans les dix villes affectées, Eğitim Sen était convaincu qu’« il est inconcevable de mettre l’éducation à l’écart. L’éducation constitue un besoin élémentaire et un service public essentiel. »

Le syndicat s’inquiète du fait que ces mesures puissent reposer sur une motivation d’entraver toute dissidence ou protestation qui émanerait d’élèves ou d’enseignant·e·s, face à l’intensification des critiques à l’égard de la réponse gouvernementale. « Le ministre de l’Éducation nationale a tenu une réunion à laquelle Eğitim Sen a assisté. Nous avons fait directement part de nos inquiétudes au ministre. Hélas, il n’a accordé aucune considération à nos recommandations. Nous sommes également préoccupés par la déclaration du gouvernement décrétant l’état d’urgence, lequel restreint entre autres, les activités des organisations en réponse à la catastrophe. »

Des décisions gouvernementales prises à la va-vite, sans véritable consultation

Pour Işçi, « le gouvernement a pris de telles décisions du jour au lendemain, sans consultation avec les syndicats, avec les organisations de la société civile, avec les enseignant·e·s ou, sans aucune consultation préliminaire avec par exemple, des experts en matière d’éducation, ou de finance ou d’infrastructure ». 

Işçi a insisté sur le fait que « des options devraient exister et que l’ensemble de ces décisions devraient être prises par le biais d’un dialogue, car nous sommes les enseignant·e·s, nous sommes le personnel administratif, nous sommes les personnels de soutien. Nous savons mieux que quiconque ce qui se passe sur le terrain. C’est le seul moyen de procéder. »

Actions solidaires à venir

Işçi a expliqué qu’en plus de la réponse d’urgence immédiate, il est essentiel de s’attacher aussi au traumatisme des communautés ayant survécu et d’adopter une approche durable et globale en faveur de la reconstruction. Mettant l’accent sur la nécessité d’envisager une reconstruction du secteur de l’éducation de manière plus résiliente, Işçi a affirmé que « nous pouvons apprendre de l’Internationale de l’Éducation ou du CSEE, compte tenu des expériences relevées dans d’autres pays. Nous pouvons apprendre de la communauté internationale pour savoir comment agir. Cela peut se faire grâce à la solidarité, car aucune institution publique n’est capable de partager des expériences et d’échanger des points de vue comme nous le faisons. »

Et Işçi de conclure, « Nous sommes dévoués à agir au mieux pour nos communautés, où que nous soyons, car nous appartenons à la même famille, la famille syndicale. Cette tragédie est bien trop sérieuse pour y répondre seul, en tant que syndicat. Cependant, le terme même de syndicat indique que nous sommes unis. Grâce aux efforts consentis par nos collègues du mouvement syndical international, notamment l’Internationale de l’Éducation et le CSEE, nous faisons l’expérience de la solidarité, celle qui constitue l’ADN du mouvement syndical. »