L'Internationale de l'Éducation a appelé à la fin de la violence et des attaques commanditées par l'État contre les éducateur·trice·s philippin·e·s. Cet appel fait suite à une enquête indépendante qui prouve que le gouvernement Duterte viole délibérément les droits humains en ayant recours à la violence et à la répression contre ceux qui défendent l'éducation, la démocratie et la paix.
INVESTIGATE PH - une commission d’enquête indépendante sur les violations des droits humains aux Philippines - a publié son troisième rapport le 13 septembre.
Le rapport examine les violations du Pacte international en matière de droits économiques, sociaux et culturels et d'autres droits collectifs, notamment les droits à la subsistance, à la religion, à l'éducation, à l'autodétermination, au développement et à la paix. Ces violations se sont produites dans un contexte de violations des droits civils et politiques auxquelles sont confrontés de nombreux secteurs sociaux : celui des ouvrier·ère·s et paysan·ne·s, des travailleur·euse·s philippin·e·s expatrié·e·s, des femmes et des membres de la communauté LGBTQ, des pauvres des villes, des enfants ainsi que le secteur de l'éducation, le secteur religieux, celui des peuples indigènes et Moro.
Ce troisième rapport documente de manière factuelle les attaques systématiques contre les syndicats et les militant·e·s des droits humains aux Philippines. Les récits des victimes y sont exposés, notamment de celles qui travaillent dans les secteurs de l'éducation et de la religion, des médias indépendants, ainsi que des militant·e·s des droits humains qui dénoncent la violence de l'État.
Les violations des droits humains aux Philippines se sont intensifiées
Il résulte de ce rapport que les violations des droits humains aux Philippines se sont intensifiées depuis la publication d'un autre rapport en juin 2020 par le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme (HCDH). Le rapport du HCDH sur la situation des droits aux Philippines a été publié pour faciliter la mise en place de mécanismes internationaux de responsabilisation. Il était dirigé par un groupe international de commissaires composé de parlementaires, d'avocat·e·s, de responsables religieux et de militant·e·s.
Le rapport d'INVESTIGATE PH a également montré une augmentation de 50 à 76 % par mois du nombre de meurtres liés à la guerre de la drogue pendant les confinements de la pandémie de COVID-19. Il est aussi fait mention de l'approche « whole-of-nation » du président Duterte en matière de lutte contre les insurgés, menée par le National Task Force to End Local Communist Armed Conflicts (groupe de travail national chargé de mettre fin aux conflits armés communistes locaux). Cette approche soutenue par l'État se sert des institutions locales et nationales pour mener des attaques contre les défenseur·euse·s des droits humains, les organisations populaires et la société civile. Ces opérations prennent la forme d'arrestations et de détentions massives sur la base d'accusations forgées de toutes pièces, d’« étiquetage rouge » (étiquetage d'individus ou d'organisations critiques du gouvernement comme communistes ou terroristes, ou les deux, quelles que soient leurs convictions ou affiliations politiques réelles) et de meurtres perpétrés par l'État.
La loi antiterroriste de 2020, qui est devenue le principal instrument du programme de lutte contre l'insurrection, a aggravé les abus. Le rapport révèle qu'elle est utilisée pour diffamer les militant·e·s et leurs organisations et pour criminaliser la dissidence.
Contexte mondial
Le rapport a cherché à étayer les conclusions du HCDH de juin 2020. Son lancement a coïncidé avec l'ouverture de la 48e session ordinaire du Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies (CDH). La Haute Commissaire Michelle Bachelet a informé la session des progrès et des résultats du programme de « coopération technique et de renforcement des capacités » avec le gouvernement philippin pour la promotion et la protection des droits humains aux Philippines. Ce programme de «coopération technique et de renforcement des capacités» a été adopté par la 45e session ordinaire du CDH en octobre 2020 en réponse au rapport du HCDH de juin 2020 sur la situation des droits aux Philippines.
Alors que la société civile a salué le programme, le rapport demande instamment au CDH de mener une enquête indépendante sur les violations des droits sous le gouvernement Duterte. Ce genre d'examen faciliterait la mise en place de mécanismes de responsabilité internationaux face à l'impunité et à l'échec des mécanismes nationaux.
Internationale de l’Éducation : les éducateur·trice·s et les militant·e·s syndicaux·ales syndicaux·ales sont privé·e·s de justice
Le secrétaire général de l'Internationale de l'Éducation, David Edwards, membre de la Commission INVESTIGATE PH, a déclaré qu'il avait « vu les rapports constants et les récits de première main de nos membres sur les attaques vicieuses visant à réduire au silence les éducateurs et les militants syndicaux ». Il a souligné que les membres de l'Internationale de l’Éducation « ont toujours été engagés dans la défense d'une éducation de qualité, de la démocratie et de la paix [et] ont été visés personnellement et collectivement ».
Les syndicats de l'éducation aux Philippines ont également signalé des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture, des disparitions et des détentions injustifiées. « Cette violence à l'encontre des enseignants et des syndicalistes est accueillie en toute impunité. La justice leur est refusée à chaque étape », a-t-il déclaré.
Dans le secteur de l'éducation, les mesures contre la COVID-19 ont été exploitées pour couvrir la répression des protestations légitimes, a-t-il expliqué, dénonçant l'incapacité du gouvernement à fournir une éducation de qualité pour l'enseignement et l'apprentissage.
Les enfants sont des cibles
L'impact de ces mesures et d'autres mesures gouvernementales sur les enfants et les jeunes est dévastateur. « Des enfants sont tués sous le prétexte de la ‘guerre contre la drogue’. Le gouvernement veut également abaisser l'âge de la responsabilité pénale, ce qui entraînerait l'arrestation et la détention d'enfants », a-t-il affirmé.
Les enfants sont devenus les victimes de confinements militarisés. L’Internationale de l'Éducation a été informée qu'en juillet 2020, Fabel Pineda, une jeune fille de 15 ans, qui n’a pas respecté un couvre-feu de quarantaine, a été maltraitée par les policiers qui la détenaient. Après avoir porté plainte pour viol, Fabel a été abattue. D’autres enfants ont été enfermés dans des cercueils et des cages à chiens pour avoir prétendument violé les protocoles de quarantaine.
Appel à la solidarité mondiale face aux violations des droits par les États
Les violations des droits humains par l'État sont ressenties dans toute la société, a ajouté Edwards, car elles violent la liberté d'expression et la liberté de réunion, sapent le militantisme et la participation aux syndicats et aux organisations religieuses, politiques et de défense des droits humains.
Les écoles, les éducateur·trice·s et leurs organisations sont visé·e·s. Le gouvernement Duterte s'attaque systématiquement à l'autonomie professionnelle des enseignant·e·s, instrumentalise les programmes scolaires et supprime l'éducation indigène.
« Nous demandons la fin de la violence et des attaques commanditées par l'État contre les courageux Philippins qui œuvrent pour le respect des droits fondamentaux des enfants et des adultes, pour un enseignement public de qualité et pour une société démocratique. Nous sommes solidaires et nous appelons la communauté mondiale à répondre par la solidarité et le soutien jusqu'à ce que la répression prenne fin et que les auteurs soient traduits en justice », a affirmé Edwards.
Contexte des rapports sur les violations des droits humains
INVESTIGATE PH a commencé son enquête sur les violations des droits humains sous l'administration Duterte en décembre 2020. Elle a publié deux rapports précédents, respectivement en mars et juillet 2021.
Les trois rapports produits cette année examinent plus de 50 cas emblématiques de violations des droits humains sous le gouvernement Duterte. Il s'agit notamment des massacres de neuf autochtones de Tumandok le 30 décembre 2020 et de neuf militants lors d'un « dimanche sanglant » le 7 mars 2021. Les rapports s'appuient sur les témoignages de survivant·e·s et de témoins, de parents de victimes, de défenseur·euse·s des droits humains ayant une connaissance directe de la violence d'État, et de témoins expert·e·s ou de personnes-ressources.
Le Premier rapport met en évidence de graves violations du droit à la vie et d'autres dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Il démontre aussi l'absence systémique de recours internes efficaces.
Le deuxième rapport met en évidence trois « guerres » contre :
- Les pauvres sous couvert d'une guerre contre la drogue.
- La dissidence.
- Le peuple Moro sous couvert d'une guerre contre le terrorisme qui dégrade l'intégrité du système judiciaire.
Le HCDH rendra compte des progrès de la coopération technique avec le gouvernement philippin lors de la 48e session du CDH, le 7 octobre.
En plus de sa soumission au Conseil des droits de l'Homme, le troisième rapport sera soumis à la Cour pénale internationale en septembre 2021 afin de soutenir son enquête complète sur les crimes contre l'humanité présumés commis par le président philippin, Rodrigo Duterte, et son gouvernement.