Le National Tertiary Education Union (NTEU) d’Australie s’est félicité d’un jugement historique de la Cour fédérale établissant que le personnel de l’Université de Sydney est en droit d’être protégé contre les mesures disciplinaires dans l’exercice de ses libertés intellectuelles et académiques.
Le jugement en appel rendu le 31 août 2021 conclut que la convention collective de travail du NTEU renferme un droit juridiquement exécutoire pour le personnel de l’Université de Sydney relativement à l’exercice des libertés intellectuelles et académiques.
Il y est souligné que le code de conduite établi par l’employeur était subordonné à la convention collective du syndicat lorsqu’il s’agissait de protéger les droits du personnel à exprimer des opinions académiques et intellectuelles.
Primauté et importance des conventions collectives
« Nous nous réjouissons de cette décision qui vient renforcer la primauté et l’importance de nos conventions collectives en ce qui concerne la protection des libertés intellectuelles et académiques », a déclaré le secrétaire général du NTEU, Matthew McGowan, qui a salué le jugement comme « une victoire importante ».
Le NTEU défend depuis longtemps les droits de l’ensemble des membres du personnel de l’enseignement supérieur à parler librement de leur travail et à exprimer librement leurs opinions, qu’elles soient controversées ou impopulaires, de même que leur droit de critiquer les établissements d’enseignement supérieur, pour autant qu’il·elle·s le fassent dans le respect des normes universitaires, a-t-il noté.
« L’expérience montre qu’il est rare que nous défendions des causes afférentes aux libertés académiques qui ne prêtent pas à controverse », a-t-il souligné. « L’affaire Tim Anderson ne fait pas exception », a-t-il déclaré, faisant référence à un membre du personnel de l’université de Sydney renvoyé pour diverses raisons, notamment pour avoir montré à ses étudiant·e·s une image du drapeau israélien superposée à une croix gammée.
McGowan a reconnu que, même si son syndicat ne cautionnait pas les opinions ou les actions de Tim Anderson, il estimait, néanmoins, que l’université avait violé la convention collective et le principe des libertés académiques. « Lorsque l’affaire a été portée pour la première fois devant la Cour fédérale, celle-ci a conclu, de manière alarmante, que l’université avait agi raisonnablement, que le code de conduite de l’université était le principal document régissant la conduite et que la convention [collective] était subordonnée à ce code », a-t-il indiqué.
McGowan a salué le fait que la Cour fédérale n’ait pas confirmé cette position.
Jugement de la Cour fédérale
Dans l’ arrêt « National Tertiary Education Industry Union vs. University of Sydney » (en anglais) rendu le 31 août 2021, la Cour fédérale d’Australie a conclu que :
- L’engagement à protéger et à promouvoir les libertés intellectuelles, y compris l’exercice des droits spécifiés, doit inclure l’obligation pour l’université, au minimum, de s’abstenir de sanctionner ou de menacer de sanctionner un membre du personnel académique pour avoir exercé le droit aux libertés intellectuelles, conformément aux articles 315-317.
- La conduite relève ou non de l’exercice légal du droit en vertu des articles 315 à 317 ; si tel est le cas, et que l’université prend ou menace de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre du membre du personnel académique pour cette conduite, l’université enfreint l’engagement, soit l’obligation visée à l’article 315.
Selon la Cour, « quel que soit le point de vue adopté eu égard à la conduite du Dr Anderson, cette affaire concerne son moyen de subsistance et sa profession. Il n’a ni plus ni moins droit que quiconque à ce que sa demande soit traitée équitablement et dans le strict respect de la loi. »
Le droit d’exprimer des opinions impopulaires ou controversées
La Cour a reconnu que « le droit aux libertés intellectuelles inclut expressément le droit d’exprimer des opinions impopulaires ou controversées. Le fait d’exprimer de telles opinions ne manquera pas d’offenser certaines personnes, voire un grand nombre d’entre elles. Cela peut également constituer une offense “objective” au sens où le fait de s’offenser de l’expression d’opinions impopulaires ou controversées peut, en toutes circonstances, s’avérer objectivement raisonnable. »
La Cour a, néanmoins, été catégorique : « cela ne signifie pas que les employés de l’université soient libres de manifester tout manque de respect, tout manque de courtoisie et toute insensibilité qu’ils jugent appropriés ». « En d’autres termes, si un membre du personnel académique exerce son droit aux libertés intellectuelles, le fait que la conduite en cause puisse raisonnablement être qualifiée d’irrespectueuse, de discourtoise et d’insensible à l’égard de certaines personnes (contrairement au code de conduite) n’implique pas en soi que cette conduite sorte du champ d’application des articles 315 à 317. »
La liberté d’exprimer des idées est au cœur du travail universitaire
En l’absence du droit aux libertés intellectuelles et académiques, le personnel universitaire ne peut mener à bien sa vocation essentielle de développement et de diffusion des connaissances, a insisté McGowan. « La liberté d’exprimer des idées sans crainte ni faveur est absolument fondamentale pour le travail universitaire. L’académie est de fait le meilleur banc d’essai pour ces idées », a-t-il ajouté. « Les universités doivent cesser d’être obsédées par la protection de leur réputation et de leur “enseigne” et veiller à ce que leur personnel soit libre de mener à bien son importante mission. »
Bilan exemplaire en matière de défense des principes des libertés intellectuelles et académiques
McGowan a également évoqué le « bilan exemplaire » du NTEU en matière de défense des principes des libertés intellectuelles et académiques. « Nous ne prenons pas position sur les avis qu’expriment les universitaires lorsque nous défendons ce principe intégral – cela ne fait pas partie de nos attributions. Notre rôle est de protéger leur droit de les exprimer. »
« Le NTEU a apporté son soutien à de nombreux professeurs sur des questions liées aux libertés académiques. Nous soutenons et continuerons toujours à soutenir nos membres qui, dans l’exercice de leurs fonctions, se voient confrontés à des réactions adverses de la part de la direction universitaire », a-t-il conclu.