Une étude récente commandée par l’Internationale de l’Éducation, Action Aid International et Light for the World souligne l’importance d’enseignant·e·s et de personnels de soutien à l’éducation bien formés et qualifiés comme fondement de l’inclusion. Aujourd’hui, l’Internationale de l’Éducation demande des audits de l’’équité en matière d’éducation à la lumière de la pandémie de COVID-19 et publie un guide pour soutenir les efforts des syndicats de l’éducation dans cette entreprise.
Il est largement reconnu que la pandémie de COVID-19 a exacerbé les inégalités dans le monde entier, augmentant le risque d’exclusion des plus marginalisés. L’éducation ne fait pas exception à la règle. La fermeture d’écoles et d’établissements d’enseignement, qui a touché près de 1,6 milliard d’élèves, a été particulièrement ressentie par les élèves vivant avec un handicap, si tant est qu’ils aient pu accéder à l’éducation.
L’enseignement à distance et le manque d’interaction quotidienne en face à face avec les enseignant·e·s et les personnels de soutien à l’éducation ont eu d’importantes répercussions pour ces étudiant·e·s, car de nombreux systèmes éducatifs ne leur offraient déjà pas une éducation inclusive de qualité avant la pandémie de COVID-19. Les élèves en situation de handicap sont parmi les moins susceptibles de bénéficier de l’enseignement à distance ou de retourner dans les écoles et les établissements d’enseignement à leur réouverture.
« The bedrock of inclusion : why investing in the education workforce is critical to the delivery of SDG4 » est une étude commandée par l’Internationale de l’Éducation, Action Aid International et Light for the World, qui met en lumière six leçons clés tirées de l’Éthiopie, du Malawi, du Mozambique, du Nigeria et de la Tanzanie concernant la nécessité d’investir dans des enseignant·e·s et des personnels de soutien à l’éducation, afin de fournir une éducation inclusive de qualité pour tou·te·s, en particulier pour les enfants et les jeunes vivant avec un handicap. Avec une crise financière à l’horizon qui risque de réduire encore plus les budgets de l’éducation, ces leçons sont plus actuelles que jamais.
1. Des mesures sont nécessaires pour intégrer les engagements en matière d’éducation inclusive dans les plans, les budgets et le suivi
L’étude montre que de nombreuses politiques et stratégies d’éducation inclusive sont insuffisamment chiffrées et dotées de ressources, avec des budgets particulièrement réduits par rapport aux besoins. Il est remarquable que dans les cinq pays étudiés, aucun des coûts accompagnant les stratégies d’éducation inclusive — lorsqu’elles existent — n’ait pris en compte la nécessité de former et de rémunérer davantage d’enseignant·e·s, y compris des enseignant·e·s porteur∙euse∙s d’un handicap — un facteur essentiel pour garantir une main-d’œuvre qualifiée pour soutenir l’inclusion.
2. Le manque de données solides et précises empêche une planification et une budgétisation adéquates de l’éducation inclusive
Cela est encore plus important dans le contexte de la pandémie, pour comprendre son impact sur les enfants, les jeunes et les enseignant·e·s vivant avec un handicap et pour savoir comment y faire face au mieux. Il est impératif de disposer de données fiables à tous les niveaux d’un système éducatif, depuis une analyse sectorielle solide jusqu’à la planification, la budgétisation et le suivi. L’étude a mis en évidence un important manque de données à la fois sur les enfants en situation de handicap et leur engagement à l’école et sur le personnel éducatif et sa préparation à la pratique de l’inclusion.
3. Les enseignant·e·s ne reçoivent pas une formation suffisante pour pratiquer l’inclusion
Compte tenu de la diversité des expériences vécues par les élèves pendant le confinement, tant en termes d’apprentissage que de besoins socioémotionnels, il est à la fois crucial et extrêmement difficile pour les enseignant·e·s et les personnels de soutien à l’éducation de répondre aux divers besoins des élèves tout en leur offrant un enseignement à distance et à leur retour à l’école. Il est essentiel que des possibilités de formation initiale et continue soient disponibles pour garantir un enseignement de haute qualité pour tou·te·s.
4. Un ratio élèves/enseignant élevé empêche l’éducation inclusive dans la pratique
Dans de nombreux contextes, la pénurie actuelle d’enseignant·e·s a empêché de créer les conditions nécessaires à un apprentissage significatif pendant les périodes de confinement et à un retour à l’école en toute sécurité. Les pays d’Afrique subsaharienne sont confrontés à la plus grande pénurie d’enseignant·e·s au monde et à un taux d’encadrement très élevé, ce qui empêche de gérer la diversité des besoins d’apprentissage dans les classes et de garantir un enseignement inclusif. L’augmentation du nombre d’enseignant·e·s nécessite une augmentation proportionnelle du financement.
5. Les plans et les stratégies d’éducation inclusive manquent d’un budget crédible
De meilleurs modèles de calcul des coûts pour l’éducation inclusive sont nécessaires, et ceux-ci doivent être basés sur une vue d’ensemble plus claire des besoins réels, fondée sur des données plus crédibles et ventilées, en tenant compte de l’impact de la pandémie. Toute évaluation des coûts doit être traduite en budgets annuels globaux pour le secteur de l’éducation.
6. Malgré les progrès réalisés, les ressources consacrées à l’éducation étaient déjà insuffisantes pour parvenir à une éducation inclusive
La pandémie devrait servir de signal d’alarme aux gouvernements, après des décennies de sous-financement chronique des services publics, y compris l’éducation, qui ont eu pour conséquence que des millions d’enfants et de jeunes en situation de handicap se sont vu refuser leur droit à une éducation inclusive de qualité. La transformation des systèmes éducatifs nécessaire pour offrir une éducation inclusive de qualité pour tou·te·s ne sera pas possible sans les éléments suivants :
- Allouer au moins 20 % des budgets nationaux de l’éducation et 6 % du PIB à l’éducation ;
- Accroître le financement durable du secteur de l’éducation par des stratégies de mobilisation progressive des ressources intérieures (c’est-à-dire réduire ou éliminer les incitations fiscales dommageables pour les entreprises, lutter contre l’évasion fiscale, la fraude, la corruption et les flux financiers illicites) ;
- Mettre davantage l’accent sur l’équité des ressources — tant humaines que financières — et, en particulier, allouer des ressources afin de combler les graves lacunes dans le financement du recrutement, de la formation et du déploiement équitable des enseignant∙e∙s (notamment en réexaminant la rémunération, les incitations, les structures salariales et la progression de carrière) ; et
- Permettre un meilleur contrôle des allocations et des dépenses en faveur de l’éducation inclusive grâce à une plus grande transparence.
À la lumière de ce qui précède, l’Internationale de l’Éducation mobilise ses organisations membres dans le monde entier et appelle les gouvernements, ainsi que les syndicats et les autres parties prenantes de l’éducation, à vérifier l’équité en matière d’éducation afin que les écarts d’équité qui se sont aggravés et creusés suite à la pandémie de COVID-19 reçoivent une attention et une aide urgentes. Les audits de l’équité peuvent permettre aux institutions et aux systèmes éducatifs de s’adapter plus efficacement et plus équitablement à la « nouvelle normalité » suite à la crise de la COVID-19 et contribuer à défaire les structures d’inégalité qui ont, jusqu’à présent, empêché les pays de réaliser le droit universel à l’éducation pour tou∙te∙s.