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Le monde dépend des services publics et les services publics nécessitent une volonté politique.

Publié 20 novembre 2020 Mis à jour 25 novembre 2020
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Alors que les dirigeant·e·s du G20 se réunissent, il est grand temps de réviser fondamentalement la politique mondiale d’investissement pour bâtir notre avenir. Cet avenir dépend des services publics et des personnes qui les fournissent.

La crise a permis de reconnaître les travailleur·euse·s « de première ligne », tant dans le secteur public que privé, qui sont à la fois visibles et essentiel·le·s. Or, tou·te·s les travailleur·euse·s sont essentiel·le·s.

Dans les services publics, il s’agit notamment des travailleur·euse·s de la santé, des soins et de l’éducation qui continuent à travailler malgré la COVID-19, ainsi que de ceux et celles qui assurent la sécurité et la propreté des communautés, rendent possible le déroulement d’élections équitables, assurent des transports, et fournissent de l’eau potable, et des millions d’autres personnes qui font bouger les choses.

Il·Elle·s ne profitent pas à distance du travail des autres. Au contraire, il·elle·s améliorent et enrichissent les communautés dans lesquelles il·elle·s vivent et travaillent.

Rectifier le tir

Dans une grande partie du monde, bien avant la pandémie, les mesures d’austérité et les programmes d’ajustement structurel ont favorisé la réduction des investissements réels dans les services publics et encouragé la privatisation. L’une des principales raisons pour lesquelles la réalisation des Objectifs de développement durable était déjà en retard est que des investissements indispensables n'ont pas été faits.

L’investissement public a encore diminué là où il n'était pas correctement géré et contrôlé. Des politiques et des pratiques peu judicieuses l’ont détourné vers d’autres objectifs et d’autres lieux, notamment vers les dividendes des investisseurs privés dans des entreprises qui œuvrent pour tirer profit des services publics et, bien souvent, vers des paradis fiscaux.

Lutter contre les inégalités

Les inégalités, qui représentaient déjà une injustice sociale mondiale, se sont creusées d’autant plus rapidement au cours de la pandémie. Des millions de personnes ont perdu leur emploi et se sont appauvries en parallèle d’une redistribution massive des richesses vers le haut. La valeur nette des milliardaires a augmenté de 33 %, tandis que l’assiette fiscale a diminué et que l’activité économique s’est littéralement effondrée. Si le marché n’a jamais opéré une répartition équitable des opportunités, ce constat apparait d’autant plus clairement en temps de crise.

Les lents progrès durement acquis en matière de droits et d’équité entre les genres se sont volatilisés. Les progrès en matière d’éducation des filles ont été ralentis, voire anéantis. Les femmes ont à nouveau subi l’augmentation du travail non rémunéré engendrée par le confinement, et leur statut économique a régressé. La violence à l’égard des femmes est montée en flèche.

Les fermetures d’écoles ont entraîné le retour au travail de nombreux enfants et il pourra s’avérer difficile de les faire retourner à l'école. Les progrès réalisés dans l’éradication du travail des enfants ont rapidement été réduits à néant.

Le sous-financement et le manque de personnel des systèmes de santé les ont laissés désarmés face à la pandémie et entravent désormais l’accès aux soins essentiels de millions de patient·e·s.

Le virus et ses conséquences ont touché de manière disproportionnée les groupes marginalisés, notamment les migrant·e·s et les réfugié·e·s, les peuples autochtones et les minorités ethniques. Par ailleurs, l’hostilité envers ces mêmes groupes s’est souvent accrue. La peur des « étrangers » a été exploitée par les autorités et utilisée pour fragiliser le soutien à la démocratie.

Non seulement les inégalités de longue date ont été creusées par la pandémie, mais elles ont également été aggravées par les réductions des dépenses dans les services publics. L’augmentation des budgets et l’accès à des services publics de qualité contribueront à réduire les inégalités et à ouvrir de nouvelles perspectives.

Bâtir un avenir d’opportunités

Face aux multiples crises engendrées par les inégalités et le sectarisme, les catastrophes économiques et l'érosion de la démocratie, les services publics représentent une force anticyclique. Assurer l’accès à des services publics de qualité, notamment en matière de santé et d’éducation, pour tou·te·s, et pas seulement pour ceux·celles qui ont les moyens de les payer, est essentiel à toute stratégie de sortie viable et à la construction d’un avenir meilleur, plus équitable et plus durable.

En outre, la pandémie met en évidence l'importance des services publics pour l’économie, afin de soutenir les entreprises locales et d’assurer un développement social et économique durable. Nous rejetons l’idée selon laquelle les plans de relance doivent nécessairement suivre soit une approche sociale soit une approche économique. Nous avons besoin des deux, car l’une renforce l’efficacité de l’autre.

La reprise après la pandémie exige une nouvelle vision pour une société inclusive. Durant la pandémie de COVID-19, plusieurs gouvernements ont pris des initiatives extraordinaires pour soutenir les systèmes de santé, engager des infirmier·ère·s et des médecins, subventionner les entreprises et aider les familles. Des milliards et des milliards issus de l’impôt des contribuables ont été injectés dans l’économie, souvent au profit de grandes entreprises. Ces initiatives montrent qu'il s’agit avant tout d’une question de volonté politique, et qu’en cas d’urgence, des décisions difficiles peuvent être prises rapidement. Il est maintenant temps d'afficher la même détermination pour engager un changement radical. Investir dans les services publics et reconstruire nos communautés ne peut pas se faire à court terme. L’urgence ne disparaîtra pas en six mois ou un an selon la performance des marchés boursiers. Il est donc temps d'agir :

  • Des ressources doivent être mises à disposition pour les investissements publics. L’imposition équitable des sociétés, des personnes physiques, des richesses ainsi que d’autres formes d’imposition peuvent générer des recettes considérables si elles sont perçues. Cela nécessite une coordination régionale et mondiale des gouvernements pour se protéger contre la fraude et l’évasion fiscales, notamment en éliminant les paradis fiscaux et en introduisant un taux minimum mondial d’imposition des sociétés. Il faut également mettre fin à la concurrence entre les gouvernements pour réduire les impôts des entreprises et des particuliers fortunés.
  • Solidarité mondiale. La pandémie et les crises connexes nous ont appris que les défis mondiaux ne peuvent être relevés au seul niveau national et que les virus ne respectent aucune frontière. Tout comme le bien-être de l’ensemble des citoyen·ne·s dépend du progrès en faveur des individus marginalisé·e·s, le bien-être mondial dépend du progrès en faveur des pays pauvres. La reprise mondiale nécessitera des investissements publics dans les pays en développement qui ne peuvent être générés par des sources nationales. Les vaccins contre la COVID-19 relèvent également de la solidarité mondiale. Ils sont développés à l’aide d’investissements publics considérables, mais de manière nationaliste, compétitive et exclusive. Les vaccins doivent être gratuits et disponibles pour le plus grand nombre si l’on veut endiguer la pandémie mondiale.
  • Transformer les institutions financières internationales. Le poids important de la dette et la conditionnalité antisociale obligent les pays à choisir entre le mandat de leurs citoyen·ne·s et les conditions imposées par les institutions financières internationales. Les 76 pays les plus pauvres devront payer 106 milliards de dollars de charges d’intérêts au cours des deux prochaines années. Les créanciers devraient renoncer à ces paiements et veiller plutôt à ce que ces ressources soient réaffectées à l’éducation et aux soins de santé. Quand bien même, cela ne financerait que partiellement le déficit de ressources pour réaliser les objectifs de l’ODD 4 sur l’éducation et de l’ODD 3 sur la santé d’ici 2030. Il est nécessaire de réexaminer les rôles du FMI et de la Banque mondiale à la lumière des nombreux échecs des politiques de ces dernières décennies axées sur les dogmes du marché, et de cesser, enfin, de répéter les mêmes erreurs.
  • La crise climatique. Les événements climatiques extrêmes sont déjà la cause de souffrances humaines et de dommages pour la planète. Il faut de toute urgence agir. Les compétences et le dévouement des travailleur·euse·s de première ligne ont été mis à l’épreuve à maintes reprises. Il·Elle·s sont soutenu·e·s par des travailleur·euse·s du secteur de la santé et d’autres services publics. La crise climatique ne peut être ignorée. Les éducateur·rice·s devraient être encouragé·e·s et libres de familiariser les élèves à ce sujet afin de leur donner les moyens d’agir. Il incombe aux gouvernements et aux employé·e·s du secteur public de faciliter cette transition. La planification et le développement de la reprise économique doivent intégrer la réduction des émissions de carbone et la participation du grand public à ce processus, notamment grâce au dialogue social. Afin d’assurer les bonnes conditions et la stabilité des nouveaux emplois, il est nécessaire que les travailleur·euse·s des nouvelles industries soient libres d’exercer leur droit de se syndiquer et de négocier.
  • Renforcer les services publics.  Cela signifie qu’il faut mettre un terme à la privatisation des services publics, exclure le financement des services publics de la définition de la dette publique, laisser au gouvernement l’espace fiscal pour les posséder et les gérer à titre de biens publics. Un investissement public efficace dans la santé, l’éducation et d’autres services nécessite d’investir en faveur des travailleur·euse·s qui fournissent ces services. Les services publics souffrent d’une pénurie massive de travailleur·euse·s, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la santé. Les crises, mais aussi le manque de personnel, sapent le bien-être, créent un climat de stress dangereux et dévalorisent les normes. Les travailleur·euse·s doivent non seulement avoir accès à une formation et à un développement de qualité, mais doivent aussi être traité·e·s avec respect et être correctement indemnisé·e·s. Si on ne peut « vivre uniquement de pain et d’eau », on ne peut pas non plus nourrir sa famille ou payer son loyer simplement avec sa loyauté et son dévouement.
  • Reconstruire la capacité à fournir des conseils politiques indépendants. Les précédentes périodes d’austérité ont réduit la capacité des gouvernements à fournir des conseils politiques indépendants de haute qualité. La COVID-19 a révélé que de nombreux pays dépendent désormais des conseils des entreprises – avec des conséquences dévastatrices. Assurer la démocratie ainsi que des services publics de qualité pour tou·te·s exige que nous reconstruisions cette capacité au sein des gouvernements.

Bien que différents, les secteurs de l’ISP et de l’IE n’en sont pas moins interdépendants. Un environnement scolaire sain, une éducation à la santé, une éducation de qualité et une bonne formation pour les travailleur·euse·s des soins de santé et les autres travailleur·euse·s du secteur public font partie des liens évidents entre les deux secteurs.

Nous partageons les valeurs des services publics et nous sommes attachés au bien public. La communauté est importante pour éduquer et soutenir les individus, et nous permettre de continuer à vivre au sein de sociétés décentes. Le sentiment de communauté doit être fondé sur ce que nous soutenons et non sur ceux que nous rejetons. Il en va de même pour une communauté mondiale liée par des valeurs communes et universelles. Nous ne pensons pas qu’un monde motivé par des gains individuels ou des intérêts particuliers puisse être sain, cohérent ou durable.

Les gouvernements doivent agir de toute urgence. Ils doivent comprendre que le rafistolage ne fonctionne pas et va finir par saboter notre avenir. Les défis profonds et fondamentaux auxquels nous sommes confrontés exigent des solutions de grande envergure qui permettront à notre communauté mondiale d'avancer dans la bonne direction.

Nous devons parvenir à un consensus et réformer les institutions mondiales afin qu'elles nous permettent de résoudre les conflits, de respecter autrui, de nous rapprocher de la justice, et de mieux vivre et travailler ensemble. Cela signifie des investissements publics d’une ampleur sans précédent en temps de paix. Il faut également susciter et maintenir une volonté politique centrée sur le progrès. C’est la seule façon de vaincre un cynisme dangereux, de donner un espoir collectif, de révéler notre meilleure nature et d’ouvrir une nouvelle voie pour l’avenir. Comme l’a dit Martin Luther King, Jr. : « Nous vaincrons car l’arc de l’univers moral est long, mais il tend vers la justice. »

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.