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« La profession enseignante : la lumière qui éclaire les ténèbres », par David Edwards.

Publié 27 octobre 2020 Mis à jour 13 octobre 2023
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L'assassinat brutal de Samuel Paty, professeur français d'histoire-géographie, le 16 octobre devant son établissement a provoqué des ondes de choc bien au-delà de la France et de la profession enseignante.

Les enseignant·e·s et les journalistes sont parmi les cibles préférées des fanatiques et des bigot·e·s de tous bords car il·elle·s « fomentent » la tolérance, le respect, la liberté et la vérité. Les enseignant·e·s encouragent également les pratiques « dangereuses » que sont la pensée critique, le questionnement et le libre débat.

Il n'y a rien de nouveau dans cette chasse aux sorcières - traquer et attaquer les meilleur·e·s d’entre nous pour affaiblir la démocratie et porter atteinte à la libre pensée. Ce qui est nouveau, c'est le système de diffusion de la haine et du châtiment.

Les dangers des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux ont, dans de nombreux cas, servi les droits humains et la gouvernance démocratique. Ils continuent d’être, par exemple, un lien essentiel entre les militant·e·s pour la démocratie en Biélorussie et à Hong Kong. Cependant, ils peuvent également présenter un risque sérieux pour la démocratie et notre capacité à vivre ensemble.

Tout comme la guerre est passée des machettes, des arcs et des flèches aux armes automatiques et aux bombes, la cyber-guerre populaire, avec sa désinformation et sa propagande, est désormais menée instantanément et globalement sur Internet.

Internet a été développé et mis en œuvre à des fins commerciales. Il s'agissait de vendre des produits et des services. Il collecte également des données, véritable source de profits, pour permettre un ciblage précis des consommateur∙trice∙s. Sa raison d'être n'était pas la libre expression, mais la manipulation.

Ses algorithmes orientés marketing ont été utilisés pour les médias sociaux. Ils ont eu pour effet de nous classer en groupes dans des bulles virtuelles qui amplifient nos points de vue et nous isolent d'autres perspectives. Ils aident à homogénéiser les opinions et à polariser nos sociétés. Nous nous adaptons, parfois sans même nous en rendre compte, et devenons partie intégrante de sous-cultures virtuelles qui nous transforment et changent notre perception du monde qui nous entoure.

Les réseaux sociaux ont besoin de plus qu’une simple retouche. Il est plus que temps de réfléchir sérieusement et de reconcevoir l’autoroute de l’information sur la base du bien public, du libre débat et des institutions démocratiques. Cela n'a aucun sens que Mark Zuckerberg de Facebook ou ses homologues fixent les frontières entre la liberté d'expression et la tromperie, la désinformation et le discours de haine.

Cette tâche ne sera pas facile, même dans les meilleures circonstances. La liberté d'expression est essentielle pour que la démocratie s'épanouisse, mais cette même liberté peut être compromise lorsque l'expression est manipulée et devient une arme.

La liberté d’enseigner

Samuel Paty a été victime de haine et de désinformation organisées. Cependant, ce sont nos libertés et notre démocratie qui constituent la cible ultime.

Il n'y a pas de profession aussi intimement liée aux valeurs et à la pratique de la citoyenneté que la profession enseignante. Cela signifie que la protection de celles et ceux qui exercent notre profession doit être une responsabilité et un intérêt public impérieux.

Nombre d’autres enseignant·e·s ont reçu des menaces et ont été victimes de tentatives d'intimidation de la part d'élèves et de parents, sans violence physique. Cependant, créer un climat de peur refroidit l'exercice de la liberté et peut même porter atteinte à la liberté d'enseigner. Cela peut conduire à l'autocensure. La décapitation de Samuel Paty nous a rappelé que l'on peut mourir d'enseigner.

Des enseignant·e·s comme Samuel Paty sont aux premières lignes de la lutte pour la décence et la démocratie. Il·elle·s doivent bénéficier du plein soutien et des encouragements des autorités et des dirigeant·e·s scolaires. Il·elle·s ne devraient jamais avoir à répondre à la brutalité et à la haine de manière isolée.

Les enseignant·e·s doivent être respecté·e·s par le gouvernement, ainsi que par les parents et les élèves. Leurs organisations devraient être à la table de toutes les discussions politiques concernant le personnel enseignant et l'éducation.

L'enseignement est un art de guérison. Il apporte compréhension et tolérance. Il engendre une ouverture d'esprit, une pensée critique et une citoyenneté active. Il illumine les ténèbres.

Rendons hommage à Samuel Paty. L’œuvre de sa vie était une profession tournée vers la connaissance et la recherche, qui constituent le chemin vers la liberté, la collaboration et le vivre ensemble, tout comme la lumière éclaire les ténèbres.

Nous devons toujours mener un combat collectif contre la haine et ses catalyseurs. Paty et d’autres comme lui, construisent les fondations d'un avenir durable. Il a honoré sa profession. Nous l'honorons à notre tour.

Le poète chilien Pablo Neruda a dit : « Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas la venue du printemps ».

Je suis prof.

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Note : Ce texte est basé sur l’intervention de David Edwards lors du segment de haut-niveau de la Session extraordinaire de la Réunion mondiale sur l'éducation organisée par l’UNESCO.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.