Les enseignant·e·s se tournent tou·te∙s vers l'apprentissage à distance (ou le télé-apprentissage, ou l'apprentissage continu, ou l'apprentissage de crise, ou une autre appellation employée dans votre région) pour soutenir leurs étudiant·e·s et rester en contact avec eux·elles durant cette période d'isolement. La nature inattendue des événements autour de la COVID-19 et les différents niveaux et vitesses de réactivité signifient que de nombreux enseignant·e·s ont dû faire face à des délais incroyablement courts pour agir rapidement et passer d'un enseignement standard en face à face à une forme plus flexible et en ligne.
Dans la plupart des cas, les enseignant·e·s ont été invité·e·s dans un premier temps à continuer d'enseigner, même si la distanciation sociale était de plus en plus présente. Alors que les gouvernements du monde entier entraient lentement en action, fermant les écoles et permettant aux enseignant·e·s de travailler ou de se préparer à travailler à distance depuis leur domicile, le mouvement de masse vers l'enseignement en ligne a commencé. Les enseignant·e·s, anxieux·euses et effrayé·e·s, faisaient face à un nouveau défi, une transition presque du jour au lendemain à une forme d'enseignement qui n'était auparavant maîtrisée que par une petite minorité d'enseignant·e·s spécialisé·e·s.
Une bonne approche de l'apprentissage à distance en ligne nécessite une combinaison des éléments suivants :
- Un bon et robuste système de gestion de l'apprentissage, un lieu de partage des instructions et des documents.
- Des capacités techniques et des outils pour produire des vidéos à usage asynchrone.
- Une plateforme ou des moyens pour réaliser une vidéoconférence avec une classe ou un groupe d’étude.
Ce document se concentrera uniquement sur les plateformes qui permettent aux enseignant·e·s de discuter avec leurs étudiant·e·s via la vidéo, car il s'agit presque certainement de l'élément le plus récent pour la plupart des écoles primaires et secondaires.
Il y a bien sûr la question plus large de la pertinence de l’emploi de l'apprentissage à distance pour un large éventail de populations, comprenant, mais sans s'y limiter, les enfants d'âge préscolaire et primaire, les étudiant·e·s handicapé·e·s, les étudiant·e·s ayant un accès limité à la technologie ou à Internet, ainsi que tous les autres groupes d'étudiant·e·s vulnérables qui seront particulièrement touché∙e∙s par ce virus et les perturbations sociales qu’il implique. Ces groupes ne sont pas oubliés ici, et le privilège inhérent à ce type de conseils ne m'échappe pas. Quoi qu'il en soit, ce type d'informations peut être utile aux enseignant·e·s des pays de l'Organisation de coopération et le développement économiques (OCDE) qui manquent de connaissances technologiques ou qui participent peut-être même à leurs premières réunions en ligne. Les formes d'enseignement hors ligne et établies à distance ou sans interaction humaine directe ne sont pas abordées dans ce document. L'éducation par la radio, la télévision, les manuels, les feuilles de travail et le travail de projet pratique est très importante, mais se situe au-delà du cadre de ce document.
Dans cette optique, nous proposons ci-dessous quelques conseils généraux sur certains des éléments essentiels à prendre en compte pour l'apprentissage en ligne, et en particulier la vidéoconférence pour l'apprentissage et les réunions synchrones. Des éléments qui sont souvent négligés et un examen des éléments qui ont une importance significative : confidentialité ; coût ; sécurité des données et fonctionnalités conviviales pour les enseignant·e·s. Ces éléments sont présentés graphiquement, dans l'espoir que ces idées puissent être largement partagées et mises à la disposition des enseignant·e·s, des dirigeant·e·s ou des administrateur·trice·s qui pourraient les trouver utiles.
Il est également à noter que certains enseignant·e·s auront déjà des outils, fournis et promus par leurs propres institutions, leurs départements ou des organes gouvernementaux plus importants. Pourtant, certains systèmes éducatifs seront en effet beaucoup plus avancés en matière de confidentialité, de sécurité des données, etc. et de nombreuses options fournies ici peuvent déjà être inaccessibles, inopportunes ou activement bloquées dans votre juridiction.
Les facteurs clés : coût, cryptage, collecte de données
Les éléments de coût sont très importants pour les éducateur·trice·s, dont le refus très clair de payer personnellement pour tout produit en ligne a donné à réfléchir aux grandes entreprises de technologies de l’éducation. Étant donné qu’elles proposent presque toutes leurs produits gratuitement pour une durée limitée, il est important de prendre en compte les coûts qui apparaîtront lorsque cette période de grâce sera terminée.
Actuellement, la collecte de données est une partie acceptée de l'échange dans le cadre d’un contrat numérique, même si les utilisateur·trice·s et les consommateur·trice·s de technologie n’en ont qu’une connaissance limitée. Et que cet accord implicite est de plus en plus contesté, à juste titre. L'état des lieux laisse actuellement ouverte la question de savoir quelles données sont collectées et dans quelle mesure elles sont protégées durant l’ensemble du processus.
Nous ne commenterons pas directement la fonctionnalité de ces plateformes ici, car les fonctionnalités sont constamment mises à jour, corrigées et traitées. Une certaine considération pourrait cependant être accordée à la vitesse à laquelle ces changements sont effectués par chaque entreprise. En lieu et place, nous fournissons une liste de contrôle des fonctionnalités à considérer comme utile par les enseignant·e·s afin d’offrir des conseils généraux au lieu de détails.
L'infographie ci-dessous fournit quatre catégories de sécurité comparative, en tenant compte : du score de confidentialité de chaque entreprise ou groupe ; du niveau de données recueillies auprès des étudiant·e·s ; des risques de « zoombombing» ; du nombre d'atteintes à la vie privée signalées ; et de la disponibilité de fonctionnalités pour protéger la vie privée des étudiant·e·s vis-à-vis de leurs enseignant·e·s et leurs pairs. Les catégories ci-dessous ont été inspirées par la rubrique PrivacySpy qui fournit des résumés simplifiés de la sécurité et de la confidentialité des données des grandes entreprises, mais adaptées à des fins éducatives à l’aide de mon expérience et de mon expertise en classe et en matière d'enseignement via des moyens en ligne.
- La catégorie « À utiliser » est la meilleure pratique pour l’éducation.
- La catégorie « Autres options sûres » propose des alternatives viables, mais qui présentent des problèmes d’accès, d’utilisabilité ou de coût.
- La catégorie « À éviter » recueille les données de manière agressive et opaque, a constaté des failles techniques et/ou a permis des violations de données claires et préoccupantes.
- La dernière catégorie « Pas question » est destinée aux adultes, exclut les utilisateur·trice·s de moins de 13 ans et collecte activement les données qui seront transmises à des tiers.
Pour une comparaison plus détaillée de plusieurs outils de vidéoconférence, veuillez cliquer ici.
Confidentialité et sécurité des données
Une question qui a une grande importance au niveau mondial est la manière dont l'insécurité des données et la perte de vie privée remettent en question la pratique active de la démocratie et de la liberté des citoyen·ne·s. Il est presque certain que ces éléments n’ont pas été la première préoccupation des éducateur·trice·s pendant cette période, mais prendre un moment pour les examiner à ce stade est d’une importance cruciale. Car les colporteurs des technologies de l’éducation sont actuellement très actifs, nous encerclant comme des oiseaux charognards, offrant des produits temporairement gratuits comme leurres à une profession enseignante sans méfiance et inconsciente. Le fait de considérer ces idées maintenant ouvrira la porte à un monde post-COVID-19 potentiellement simplifié, où le système éducatif dans son ensemble pourra se réveiller et se rendre compte qu'il s’est compromis avec les Big-Tech d'une manière qui a pu mettre son éthique directement en cause. Se rendre compte qu'il n’a peut-être pas réussi à protéger ces jeunes de la plupart des forces inquiétantes actives pendant cette période, agissant comme des charognards dans l’espoir de tirer profit du nouveau « marché de crise » naissant, la moralité étant une lointaine préoccupation très secondaire.
L'infographie ci-dessous décrit tout d'abord le coût, le niveau de cryptage utilisé et le niveau de collecte des données. Le cryptage de bout en bout (E2E pour faire court) est l'étalon-or, ce qui signifie en bref que vos données ne peuvent à aucun moment être collectées, depuis votre appareil jusqu’aux utilisateur·trice·s avec lesquel·le·s vous communiquez, y compris par la société fournissant le service que vous utilisez. La collecte de données se réfère à la quantité et au type de données que ces entreprises collectent, mais aussi à la façon dont elles sont utilisées.
- La catégorie « Aucune » signifie que le service ne collecte activement aucune donnée.
- La catégorie « Limité » signifie que certaines données sont collectées pour que le service fonctionne et améliore son fonctionnement.
- Enfin, la catégorie « Inquiétant » désigne la collecte active de données et signifie que ces informations sont partagées avec des tiers, souvent anonymes ou non spécifiés, ou utilisées pour informer les annonceurs et pour des actions allant au-delà des exigences de la fonction principale des produits.
Ces concepts sont bien sûr plus nuancés et complexes que ces catégories. Il nous appartient, en tant que professionnel·le·s, de tenir compte de la confidentialité des données des étudiant·e·s et des enseignant·e·s et du fait que les étudiant·e·s n’ont que rarement ou pas du tout la possibilité de se « retirer » de l’outil choisi par les enseignant·e·s, les écoles ou les départements. Nous espérons que ce document vous encouragera à continuer à étudier ces idées et à considérer votre approche de la technologie numérique, alors que nous luttons pour une utilisation démocratique et ouverte de la technologie qui ne nous porte pas préjudice à l’avenir, ni à nous ni à nos étudiant·e·s.
Comme indiqué ci-dessus, les fonctionnalités les plus utiles pour les enseignant·e·s ne sont pas courantes dans la plupart des logiciels de vidéoconférence du marché, qui fonctionnent en grande partie sur l'hypothèse que l’on peut avoir confiance en tou∙te∙s les participant·e·s. Cette liste de contrôle peut s'avérer utile pour les éducateur·trice·s afin de leur permettre de trouver un outil approprié ou de demander que ces fonctionnalités soient ajoutées à l'application qu'il·elle·s ont sélectionnée.
Dans l'ensemble, et dans la mesure du possible, les outils suggérés ci-dessus sont à privilégier – Microsoft Teams ou Jitsi. De ces deux options, Jitsi est l'option plug-and-play la plus rapide, tandis que la vidéoconférence Microsoft Teams est une fonctionnalité offrant un composant organisationnel plus large. Continuez à vous méfier de Zoom qui, dans son état actuel, est problématique, mais il faut noter que la marque signale qu'elle travaille rapidement pour corriger certains de ces défauts.
Les prochains éléments à considérer – en gardant à l'esprit les enseignant·e·s et l'objectif plus large d'avoir une approche cohérente de l'enseignement et de l'apprentissage numériques au 21e siècle, à la fois pendant et après la crise actuelle – sont les forces et les faiblesses comparatives des :
- Systèmes de gestion de l'apprentissage.
- Outils logiciels de la suite Office.
- Logiciels et appareils de production vidéo.
J'espère que les informations contenues dans ce document sont utiles aux éducateur·trice·s et qu'elles pourront susciter une réflexion sur la nécessité de la vidéoconférence. De plus, suite à la ruée vers l'enseignement en ligne, nous avons établi une norme plus élevée en matière de travail éthique et démocratique pour les enseignant·e·s en ligne. Cela signifiera inévitablement que les entreprises des Big Tech exigeantes répondront aux demandes de fonctionnalités pédagogiques spécifiques et préconiseront des lois et des processus d'achat par les départements de l'éducation qui garantissent que les données et la sécurité des enseignant·e·s et des étudiant·e·s sont primordiales dans le débat. Le secteur de l’éducation forme un groupe d'utilisateur·trice·s finaux·ales important et puissant qui n'a pas besoin de courber l’échine devant les grandes entreprises multinationales, qui n'agissent pas toujours dans le meilleur intérêt des citoyen·ne·s, des étudiant·e·s ou des enseignant·e·s.
Pour une comparaison plus détaillée de différents outils de vidéoconférence et des lectures complémentaires suggérées par l'auteur de ce blog, veuillez cliquer ici.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.