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« Une enseignante devant maîtriser l’enseignement en ligne au milieu d’une pandémie mondiale partage son expérience », par Lisa O’Donoghue.

Publié 6 mai 2020 Mis à jour 6 mai 2020
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Je soupirai en m'asseyant à ma table de cuisine. À ma gauche, une tasse de café frais, à ma droite des piles de manuels, devant moi un Microsoft Surface Pro complètement chargé. Bon, au boulot! Mes doigts planèrent avec incertitude sur mon clavier tandis que je parcourais mes notes et que je préparais soigneusement le plan de la journée. C'était le vendredi 13 mars et j'étais sur le point d'entrer dans ma première journée officielle d '« enseignement en ligne ».

Mais, pour être juste, cela ne rendrait justice ni à moi-même ni à mes collègues. Ce n'est pas que je n'avais pas utilisé la technologie auparavant. J'avais même déjà mis en place des groupes d'étudiant·e·s sur Microsoft Teams, et souvent utilisé des ressources en ligne comme accompagnement de mon enseignement - mais, comme moyen d'enseignement ? Comme seul accès à mes étudiant·e·s ? À la place de la salle de classe ? J’approfondissais assurément, plongeant dans l'eau à la surface de laquelle j’avais seulement pagayé auparavant. Nerveuse, mais aussi excitée, je pris une profonde inspiration et me lançai.

En repensant maintenant aux dernières semaines, je pense qu'il est juste de dire que la courbe d'apprentissage a été abrupte. Adapter et créer des ressources pour permettre davantage d'apprentissage dirigé par les étudiant·e·s, tout en parlant aux étudiant·e·s à travers des processus tels que la façon de joindre un document ou de soumettre un devoir (en gardant à l'esprit qu'il·elle·s utilisent des appareils aussi divers que smartphones, tablettes et ordinateurs portables avec différents interfaces/systèmes d'exploitation, etc.). En attendant, se demander si cet·te étudiant·e qui n'a pas interagi avec l'une de vos ressources soigneusement sélectionnées  « ne peut pas » ou « ne veut pas », signifie que je suis arrivée aux vacances de Pâques épuisée émotionnellement et mentalement, mais aussi quelque peu fière de ma profession et du potentiel que je vois surgir de tout ce chaos.

Tout d’abord, regardons et célébrons le positif. Les maisons d’éditions, souvent présentes à cette époque de l'année dans les salles de classe pour présenter leurs derniers manuels et ressources, ont rehaussé leur niveau de jeu, donnant dans certaines circonstances un accès illimité à leurs manuels électroniques au personnel de l’éducation et aux étudiant·e·s à travers le pays. Cela a permis aux enseignant·e·s et aux élèves d'être sur la même longueur d’ondes pour négocier ce nouveau terrain inconnu. Cela soulève bien sûr la question de savoir si nous devons examiner les ressources éducatives dans leur ensemble après la fin de cette crise. Bien que je sois tout à fait pour les droits d'auteur et que je comprenne l'importance de maintenir l'intégrité de la propriété académique, nous devons regarder qui sont les gardien∙ne∙s de cette propriété et qui sont les détenteur∙trice∙s de clés. L'éducation, après tout, doit être accessible à toutes et tous. Comment pouvons-nous améliorer cette disposition à l'avenir non seulement pour les apprenant·e·s, mais aussi pour les éducateur·trice·s du monde entier ?

La collaboration entre collègues, qui reste toujours un élément clé de notre profession, s'est avérée essentielle pour soutenir les enseignant·e·s et les étudiant·e·s. Je n'ai jamais eu autant de ressources à ma disposition, non seulement de mes collègues de l'école, mais aussi de celles et ceux qui sont plus éloigné·e·s, via des plateformes en ligne aussi diverses que Scoilnet, Tes ou Facebook, pour n'en nommer que quelques-unes. Le Service de développement professionnel des enseignant·e·s a lancé des ateliers et des tutoriels pour les enseignant·e·s. Même la RTE (chaîne de télévision irlandaise) s’est engagée en annonçant un programme de diffusions des œuvres les plus populaires de Shakespeare et de leur offre Home School Hub destinée aux écoles primaires. Si je suis bloquée par un problème technologique particulier, un bref message sur la page de l'équipe du personnel de mon école recevra généralement une multitude de réponses/de captures vidéo d’écran/offres d'aide. Il y a beaucoup à célébrer dans ce monde nouveau et incertain de l'éducation en ligne.

Il y a des écueils, bien sûr - accès inégal à la technologie et aux ressources pour les enseignant·e·s et les élèves, parents incapables de subvenir aux besoins de leurs enfants, zones ne bénéficiant pas du haut débit, environnements d'étude inadaptés, travailler à domicile tout en s'occupant des enfants. Je pourrais continuer encore et encore. Ce n'est pas un monde idéal et, dans mes réflexions les plus sombres, alors que j'ai du mal à télécharger une ressource particulière ou à faire fonctionner une technologie particulière, je me demande si les investissements dans l'éducation, ou le manque d’investissements, n’auraient pas pu être mieux utilisés ces dernières années ? Au lieu de séminaires et de webinaires sans fin sur les utilisations de Padlet et Kahoot (deux applications très utiles, mais certainement mentionnées dans presque toutes les séances de développement professionnel continu auxquelles j'ai assisté ces dernières années, nous devrions peut-être plutôt enseigner aux enseignant·e·s et aux étudiant·e·s comment condenser des fichiers, préenregistrer des présentations et interagir via des plateformes en ligne ? Comme de nombreux·euses enseignant·e·s, j'ai assisté à de nombreuses présentations sur le Règlement général sur la protection des données, la sécurité sur Internet et diverses préoccupations à ce sujet. Celles-ci ont tendance à ne pas être tout à fait alarmistes, mais laissent toutefois beaucoup d'entre nous, en particulier les moins alphabétisé·e·s, presque effrayé·e·s par le monde numérique et tous ses pièges. L'orientation de la formation doit changer. Les enseignant·e·s doivent acquérir des compétences numériques relatives à la confidentialité et la sécurité des données afin qu'il·elle·s puissent, eux·elles-mêmes, effectuer des jugements judicieux et avoir confiance en eux·elles par rapport au matériel d'apprentissage en ligne. L'étudiant·e ne doit pas non plus être oublié·e dans ce voyage. Comment nos étudiant·e·s peuvent-il·elle·s être davantage guidé·e·s vers un plus grand niveau d'alphabétisation numérique, de sorte qu'il·elle·s puissent contribuer à leur propre apprentissage à l'avenir ? Simplement « googler » un terme ou utiliser Wikipédia comme base pour un devoir en classe ne suffit pas. Nous devons former nos jeunes, ainsi que nos éducateur·trice·s, à devenir des consommateur·trice·s numériques exigeant·e·s, à pouvoir vérifier les sources, à bien comprendre à la fois ce qui est dit et ce qui n'est pas dit en ligne. J'espère que lorsque ce chaos prendra fin et que nous serons de retour à la « normale », quoi que cela signifie et quel que soit le moment, nous tirerons des leçons de cette expérience, applaudirons nos succès mais apprendrons également de nos échecs et chercherons à créer un monde où l’éducation en ligne coexiste avec notre travail en classe et notre éthique.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.